Alimentation

Batch cooking: libération culinaire ou charge mentale supplémentaire ?

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(c) Adobe Stock
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Candice Leblanc

Candice Leblanc

"Qu’est-ce qu’on mange ce soir ?" Que celui qui n’a jamais posé la question jette la première casserole ! Elle revient comme une rengaine dans tous les foyers : familles nombreuses et/ou monoparentales, étudiants ou retraités, célibataires, couples ou colocataires… La mauvaise organisation des repas peut être source de conflits, de gaspillage et de déséquilibres alimentaires. Car lorsque le frigo est vide, que l’on manque de temps, d’énergie ou tout simplement d’inspiration, on a tôt fait de se rabattre sur les plats surgelés ou de toujours manger la même chose.

Pour celles et ceux qui veulent manger mieux, le batch cooking ("cuisiner par lot" en anglais) est une piste intéressante. "Cette méthode d’organisation des repas consiste à réchauffer et rassembler dans une assiette plusieurs préparations culinaires – légumes, féculents, sauces, protéines, etc. – qui ont été réalisées à l’avance, explique Raphaël Meulemans, expert culinaire et responsable des ateliers de cuisine chez Dietconsult  (1). Typiquement, les adeptes du batch cooking préparent les repas de la semaine durant le weekend."

Les avantages du batch cooking

Quand il est rondement mené, le batch cooking offre plusieurs avantages. D’abord, un gain de temps et d’énergie certain durant la semaine. En réglant la question du menu à l’avance, il épargne à ses adeptes de se creuser la tête au quotidien pour savoir quoi manger, de faire des courses tous les jours et de passer une partie de l’avant-soirée en cuisine.

Ensuite, la qualité nutritionnelle du fait-maison est supérieure aux plats préparés, aux aliments (ultra)transformés, voire aux menus des restaurants. Même si l’industrie agroalimentaire et le secteur de la restauration sont plus soucieux qu’avant de proposer de la nourriture plus saine, cuisiner soi-même reste le meilleur moyen de contrôler la quantité de sucres, de graisses, de sel et de protéines que nous absorbons. "Il est plus facile de faire les bons choix et de s’y tenir quand vous réfléchissez et préparez à l’avance ce que vous allez manger, estime Raphaël Meulemans. Raison pour laquelle le batch cooking accompagne souvent bien un projet de rééquilibrage alimentaire en cas de diabète, d’hypertension ou de surpoids, par exemple."

Enfin, la méthode permet de réaliser des économies substantielles. Les produits de saison – privilégiés dans le batch cooking – sont souvent moins coûteux et plus savoureux ; le calcul des quantités et la réutilisation raisonnée des surplus évitent le gaspillage ; les aliments secs (pâtes, riz, légumineuses, etc.) en vrac et en grand format sont moins chers qu’en petits sachets, etc. Certains adeptes parviennent ainsi à diminuer de 30 à 50 % leur budget alimentaire. Ce qui, sur une année, représente plusieurs centaines d’euros, voire davantage pour les familles nombreuses.

Anticiper, réfléchir et cuisiner ensemble

Mais le batch cooking a aussi ses exigences. La gestion du temps est centrale pour passer d’une cuisine "au jour le jour" à une approche beaucoup plus anticipative. Il faut penser à l’avance les menus de la semaine, faire les courses en conséquence, accepter de consacrer un moment plus ou moins long aux préparations culinaires des jours à venir, etc. Cette organisation peut être perçue, non comme une libération, mais au contraire comme une tâche supplémentaire.

Dans de nombreux foyers, c’est souvent la même personne qui se coltine la cuisine. Si certains y prennent du plaisir, pour d’autres, c’est une corvée dont il ou elle se passerait volontiers ! À cet égard, le batch cooking peut être l’occasion de redistribuer la charge mentale et logistique de la préparation des repas. "L’idéal est d’en faire un projet de couple ou de famille où chacun s’implique et participe un minimum, préconise Raphaël Meulemans. Après tout, tout le monde mange ; il n’y a aucune raison pour qu’une seule et même personne soit coincée aux fourneaux tout le dimanche après-midi pendant que le reste de la famille vaque à ses occupations !" En la jouant finement, il est tout à fait possible de faire du batch cooking un projet commun et ce, aux différents stades de la méthode.  

  • En amont, prenez un moment pour discuter des envies et goûts de chacun pour l’élaboration des menus. En cas de rééquilibrage alimentaire, c’est d’ailleurs la meilleure façon d’y faire adhérer tout le monde. 
  • Même s’il y a souvent un ou une cheffe-cuistot, d’autres membres de la famille peuvent très bien se charger de faire les courses et/ou la vaisselle. Et, bien sûr, il n’est pas interdit d’échanger les rôles de temps en temps !  
  • Tout le monde peut participer à la préparation des aliments. "En fonction de leur âge, les enfants peuvent trier, laver, éplucher et/ou couper des légumes, rappelle Raphaël Meulemans. Garçons ou filles, c’est d’ailleurs une excellente façon de les éduquer au 'bien manger' et d’en faire de futurs adultes autonomes et des consommateurs responsables et avertis."

Quid de mes envies du moment ?

Un reproche souvent adressé au batch cooking a trait à l’anticipation qui le caractérise. Comment savoir des jours à l’avance ce que nous aurons envie de manger ? Faut-il renoncer à toute spontanéité ? Sans oublier les fous de cuisine qui aiment improviser et laisser libre cours à leur imagination avec les ingrédients qu’ils ont sous la main. Selon Raphaël Meulemans, si le batch cooking impose un minimum d’organisation, il ne faut pas non plus s’y enfermer. Au contraire, il est nécessaire de faire preuve de souplesse et d’indulgence envers soi-même et de laisser une place à la spontanéité et à l’improvisation. "Rien ne sert de prévoir sept jours de menus : si vous cuisinez à l’avance pour trois, quatre ou cinq repas, c’est déjà super ! De même, toutes les périodes de l’année ne se prêtent pas au batch cooking. Si cette méthode peut vous faciliter la vie pendant les périodes d’examens ou de rush professionnel, à d’autres moments (fêtes, congés, etc.), il faut pouvoir lâcher du lest. Le batch cooking vise à alléger le quotidien, pas à générer de nouvelles contraintes ou frustrations."

Car le danger est de se lasser : "Si vous mangez quelque chose qui ne vous fait pas envie, vous risquez davantage de compenser avec des excès en tout genre, prévient l’expert culinaire. Autorisez-vous à modifier l’ordre des repas, à manger sur le pouce ou dehors de temps en temps, voire à cuisiner autre chose que ce qui était prévu, au gré de vos envies." Au pire, vous pouvez toujours congeler : ce sera déjà un repas de gagné !


5 conseils pratiques pour bien démarrer

  1. Faites l’inventaire des contenants dont vous disposez. Si vous vous lancez dans le batch cooking, il peut être utile d’investir dans des bocaux et plats en pyrex avec couvercle. Ils ont l’avantage de supporter de hautes températures en toute sécurité, de se laver facilement et de ne pas garder les odeurs comme certains plastiques. Leur transparence permet aussi de voir en un coup d’œil ce que vous avez dans le frigo… et de choisir ce qui vous fait envie.
  2. Commencez en douceur, en "batch cookant" une ou deux catégories d’aliments. Par exemple, vous pouvez précuire le riz, les pâtes et les légumineuses et/ou laver, couper et blanchir les légumes de la semaine.
  3. Pendant la séance de préparation, optimisez votre cuisinière : utilisez toutes les taques, lancez les cuissons et enfournez ce qui doit l’être en même temps. Aidez-vous de votre smartphone et de ses fonctions alarme et chronomètre pour bien gérer les temps de cuisson.
  4. Vous pouvez utiliser le même produit et le décliner en deux recettes différentes. Exemple : mangez les ailes et les cuisses d’un poulet rôti un jour et utilisez les blancs le lendemain pour une salade César. Veillez toutefois à varier les sources de protéines durant la semaine, tant pour des raisons nutritionnelles que pour ne pas vous lasser.
  5. Finis le gaspillage ! Calculez les quantités au plus juste, en tenant compte de l’âge et de l’appétit de chacun. Et valorisez les surplus en prévoyant à l’avance de cuire un peu plus de féculents et de légumes, afin d’avoir de quoi préparer un lunch : une salade de pâtes ou de riz, par exemple. En fin de semaine, vous pouvez aussi faire un "repas de restes" comme autant de tapas. 

Les points d'attention

Quand on s’adonne au batch cooking, il importe de garder à l’esprit certains principes élémentaires de cuisine… sous peine d’avoir de mauvaises surprises gustatives, voire gastro-intestinales !

  • Soyez attentifs aux dates de péremption et autres dates limite de consommation (DLC). Dès qu’ils sont ouverts, de nombreux produits ne se conservent que quelques jours au frigo.
  • Le batch cooking n’implique pas de tout cuire à l’avance. La plupart des viandes et autres sources de protéines (poisson, volaille, etc.) supportent mal d’être réchauffées et sont bien meilleures lorsqu’elles sont cuites minute, le jour même !
  • Soyez attentif aux temps de cuisson des aliments. Les pâtes, par exemple, doivent être al dente (8 minutes dans l’eau bouillante) ; le jour J, les mettre directement dans la sauce en train de réchauffer terminera leur cuisson. Idem avec un risotto ou des lentilles.
  • Pour éviter les doubles assaisonnements, mieux vaut éviter d’assaisonner vos préparations à l’avance. Ajoutez sel, poivre et autres aromates au moment de réchauffer.
  • Les "toppings" (herbes fraiches, noix et noisettes, granola, oignons de printemps, etc.) sont à ajouter juste avant de servir, car ils supportent mal d’être réchauffés. 
  • On mange avec les yeux, c’est bien connu. Respecter tous les principes énoncés ci-dessus permet de dresser de jolies assiettes, qui font envie et donnent l’illusion d’un repas préparé le jour même.