Activités physiques

 Un corps fait pour bouger ! 

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(C) iStock
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Candice Leblanc

Candice Leblanc

 

L’être humain vit, s’exprime et interagit avec le monde par le mouvement. "Comme nous sommes de plus en plus sédentaires, peut-être cette évolution socioculturelle s’accompagnera-t-elle un jour – à très, très long terme ! – d’une adaptation physiologique, commente le Dr Maxime Valet, spécialiste en Sciences de la motricité à l’UCLouvain. En attendant, notre corps reste fondamentalement conçu pour se mouvoir. S’il ne bouge pas assez, il se désadapte au mouvement. Ce qui provoque des problèmes à court, moyen et long terme, notamment sur l’appareil locomoteur, c’est-à-dire l’ensemble des os, muscles, ligaments et tendons (1). Et, bien que sédentarité et inactivité physique n’aillent pas forcément de pair (2), leurs conséquences sur les tissus et structures de l’appareil locomoteur se recoupent."

Fonte musculaire, bonjour la galère !

Dans le corps humain, tout est lié. Commençons par les muscles. Ils remplissent différentes fonctions et pas seulement dans l’appareil locomoteur. Notre masse musculaire influence directement notre métabolisme, c’est-à-dire la façon dont notre corps gère les entrées et les dépenses d’énergie. "Les muscles sont les principaux réservoirs des sucres que nous absorbons via l’alimentation, explique le Dr Valet. Les muscles sécrètent aussi certaines substances régulant le métabolisme. S’ils ne sont pas assez volumineux ni de bonne qualité, en toute logique, ce rôle n’est pas correctement rempli, et ils stockent moins de sucre. Non seulement celui-ci risque alors de se transformer en graisses, mais nous sommes aussi exposés à des pics du taux de sucre dans le sang (hyperglycémies) et, à terme, à un risque de diabète." Un corps musclé, en revanche, consomme davantage d’énergie au repos. Voilà pourquoi le sport est préconisé pour prévenir le diabète et le surpoids.

Les muscles jouent aussi un rôle fondamental au niveau des articulations. Avec le temps, celles-ci s’usent naturellement. Plus nous avançons en âge, plus nous sommes susceptibles de souffrir d’arthrose. En Belgique, environ un million de personnes seraient touchées, parfois à leur insu (3). L'arthrose peut affecter toutes les articulations : genoux, hanches, doigts, etc.  Elle peut se manifester par des douleurs et des limitations de la mobilité articulaire, diminuer la qualité de vie des individus et coûter cher à la collectivité en termes de soins de santé. "Or, les muscles stabilisent, mobilisent et protègent les articulations. Suffisamment développés, ils agissent comme des amortisseurs et encaissent une partie des chocs et contraintes qui s’y exercent au quotidien. Ainsi, pour garder de bons genoux, il faut de bons quadriceps (4) !"

De l’huile dans les rouages

L’activité physique agit aussi à l’intérieur des articulations et du cartilage qui les constitue. Ce tissu élastique et résistant n’est pas "nourri" par le sang – le cartilage est peu vascularisé – mais par le liquide synovial, un mélange d’eau et de protéines qui fait office d’"huile dans les rouages". "L’activité physique favorise les échanges entre le liquide synovial et le cartilage, explique le Dr Valet. Voilà comment le sport permet de prévenir l’arthrose et de limiter sa progression."

Quant à la sédentarité, ses effets sur l’appareil locomoteur sont tout aussi sensibles. "En position assise prolongée, nos muscles et tendons se trouvent dans une position fixe à laquelle ils s’adaptent, certes, mais pas en bien ! Un muscle insuffisamment sollicité perd en souplesse et devient plus "raide". Ce qui augmente le risque de blessure."

Faire de vieux os, avoir un bon dos

Même la santé des os est influencée par notre niveau d’activité physique. Prenons l’exemple de l’ostéoporose. Cette maladie est liée à l’âge, certes, mais pas seulement. La baisse ou le manque chronique d’exercice accélère la destruction naturelle des cellules osseuses. Par contre, bouger régulièrement et suffisamment stimule les substances qui maintiennent la densité et la qualité des os. 

Mais de toutes les zones de notre corps, c’est sans doute notre dos qui est le plus sensible au niveau d’activité physique. "Le dos déteste l’immobilité, lance le Dr Valet. Les disques intervertébraux sont aussi faits de cartilage et la colonne vertébrale est soutenue par un réseau étendu de muscles. Les personnes qui ont des lombalgies ont tendance à éviter les mouvements d’ampleur et à être moins actives. Loin de les soulager, ce repos fragilise l’ensemble du dos, favorise les lumbagos et autres "tours de rein" qui entrainent encore davantage d’immobilités. Pour éviter ou briser ce cercle vicieux, il n’y pas de secret : il faut se (re)mettre en mouvement afin de renforcer la mobilité de la colonne vertébrale. Et, ainsi, diminuer les douleurs."    

Quels sports pratiquer ?

On l’aura compris, bouger assez est indispensable pour prévenir blessures et pathologies de l’appareil locomoteur. Encore faut-il choisir les "bons" sports et, surtout, les pratiquer avec prudence.

D’aucuns diront que le meilleur sport est celui que nous pratiquons avec le plus de plaisir. De fait, se mettre à la natation quand on a horreur des piscines n’a aucun sens ! Cela dit, il faut raison garder. Choisir un sport qui engendre beaucoup d’à-coups (course à pied, football, squash, etc.) alors qu’on a déjà des problèmes de genou n’est pas l’idée du siècle… Il est utile de discuter avec son médecin des disciplines les plus adaptées à son état de santé et de celles à éviter.

"L’Organisation mondiale de la Santé recommande de pratiquer des activités qui sollicitent tous les groupes musculaires, fait remarquer le Dr Valet. C’est le cas des sports collectifs, de la marche nordique ou de la natation qui font travailler beaucoup plus le haut du corps que le vélo, par exemple. Il ne faut pas hésiter à varier ou à combiner les activités et les types d’effort."

Mais avant de s’y (re)mettre, il faut aussi tenir compte de l’impact d’un an et demi de crise sanitaire sur notre condition physique. Si certaines personnes en ont profité pour bouger davantage, la majorité ont vu leur niveau d’activité physique diminuer et leur sédentarité s'accentuer. "Solliciter trop fortement et trop rapidement un corps déconditionné par une longue période d’inactivité est la porte ouverte aux blessures musculaires, articulaires (les entorses, par exemple) et tendineuses !", prévient le Dr Valet.

Y aller mollo… régulièrement

Pour éviter de se faire mal, il est essentiel de respecter deux grands principes : la progressivité et la régularité. "L’idéal est d’être encadré par un professionnel, ne serait-ce qu’au début de l’activité, afin qu’il suive et surveille la progressivité. À défaut, c’est à nous de la quantifier. En course à pied, par exemple, on déconseille d’augmenter la distance hebdomadaire au-delà de 5 à 10 % par semaine. Idem avec la durée d’entrainement."

La progressivité va de pair avec la régularité. Là-dessus, tous les spécialistes s’accordent : trois séances d’une demi-heure par semaine sont préférables à une heure et demie le dimanche – même si c'est mieux que rien ! 

Il est aussi important d’inscrire l’activité physique dans la durée. "Le corps déteste l’irrégularité, genre 'à fond une semaine et rien la semaine suivante'… Le stress sportif est un bon stress, mais il est important de laisser le temps au corps de s’y adapter. Dans le même ordre d’idées, il convient de bien s’hydrater avant, pendant et après l’effort, de se nourrir correctement et de bien dormir, car la fatigue augmente le risque de blessure. Outre des déficits d’attention – notamment dans les sports collectifs – des nerfs, muscles ou tendons fatigués nous rendent plus vulnérables aux blessures."

Faisons du sport, donc, mais en douceur, en écoutant notre corps et en respectant ses limites… pour mieux les dépasser !  


 


Pourquoi et comment (bien) s’échauffer ?

L’échauffement avant une activité sportive poursuit plusieurs objectifs :

  • préparer le cœur et les poumons à l’effort;

  • augmenter l’apport d’oxygène dans le sang (et, par conséquent, dans les muscles);

  • assouplir muscles et articulations;
  • enclencher la libération de sucre (énergie) par les muscles et le foie;
  • préparer le mental et, dans les sports collectifs, lancer et renforcer la cohésion de groupe;
  • mettre le cerveau en mode "vigilance" et le préparer à recevoir un afflux d’informations sensorielles et à donner des ordres à l’appareil locomoteur.

Idéalement, les exercices d’échauffement doivent mobiliser tous les groupes musculaires et articulaires qui seront sollicités par l’activité proprement dite : rouler des épaules, faire des moulinets avec les bras, des squats, faire des ronds avec la nuque, les poignets, les hanches et les chevilles, plier les genoux, étirer le dos, etc.

L’échauffement peut aussi consister à démarrer l’activité en douceur.

Pour la course à pied, par exemple, commençons par marcher plus vite ou trottiner pendant dix à quinze minutes. Idem à vélo : au lieu d’attaquer d’emblée une côte, mieux vaut d’abord pédaler sur du plat.