Bien être

Cultiver son bien-être au quotidien

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© Shuterstock
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Catherine Daloze

Catherine Daloze

Portrait Ilios Kotsou

Ilios Kotsou est une figure connue en Belgique de la psychologie des émotions, du bonheur et de la pleine conscience. Avec Infor Santé, il incite à se mettre en route pour cultiver attention, ouverture et bienveillance. Avec une conviction: nous avons tous des ressources à développer.

En Marche: Notre bien-être dépendrait en partie de nous. Sommes-nous vraiment aux manettes?

Ilios Kotsou: Le sentiment de bienêtre est multifactoriel. Il dépend d'un héritage génétique, de l'environnement dans lequel on a grandi, etc. Mais, quelles que soient les conditions de naissance, d'éducation…, on peut tous faire quelque chose pour améliorer son bien-être durablement. Des études scientifiques ont montré que c'était possible. Elles montrent aussi que, si les circonstances extérieures comptent, elles sont malgré tout moins importantes que notre attitude par rapport à ces circonstances.

Bien entendu, je ne parle pas ici pour les personnes sans-abris ou pour celles qui n'ont pas un minimum pour vivre. Celles-ci ont d'abord besoin d'un toit, de soins de santé de qualité, de conditions décentes de vie. Une fois ces conditions minimales remplies, ces études montrent que la riches se matérielle amène beaucoup moins de bien-être que ce que l'on pourrait imaginer. Au contraire, avoir une orientation matérialiste, être centré sur des valeurs extrinsèques comme l'argent, la popularité, le pouvoir, le succès…, ne sont pas des facteurs de santé.

Par contre valoriser dans sa vie les liens sociaux, l'entraide, l'amitié, la coopération – des valeurs intrinsèques – participe de la bonne santé mentale. Une première clé pour le bien-être serait de consacrer plus d'énergie et de temps à ces facteurs intrinsèques qui dépendent de nous. Plutôt que d'être dans la comparaison sociale, dans la recherche du succès…

EM: Comment s'y prendre pour cultiver son bien-être? Sachant qu'il n'y a sans doute pas de solution miracle.

IK: Dans la conception du bien-être, on pourrait contraster deux attitudes. D'une part, celle qui vise à trouver la pilule miracle ou la technique qui va nous sauver. D'autre part, celle qui voit le bien-être comme le fait de cultiver un potager. Cette dernière demande une attention quotidienne à de petites choses: des habitudes, des exercices, des processus qui récoltent le bien-être.

EM: Quelles sont ces habitudes à cultiver?

IK: Un élément de base est relatif à notre attention. Elle est souvent très vagabonde – pensons à ces écrans capteurs d'attention – ou centrée sur ce qui est négatif. Notre instinct de survie nous amène à être attentif à ce qui pourrait nous menacer, au détriment de ce qui pourrait nous faire du bien. Une des clés du bien-être serait la capacité à tourner son regard vers les choses positives. Même et surtout quand on ne va pas bien. Il ne s'agit pas de nier les difficultés, mais de continuer à regarder ce qui va bien. Cela peut prendre la forme d'éléments les plus simples du quotidien: regarder un rayon de soleil, entendre le chant de l'oiseau devant chez nous…

EM: Faut-il voir dans des rythmes de vie effrénés… le foyer d'un mal-être généralisé?

IK: Ces rythmes de vie vont nous éloigner de l'essentiel. On ne peut plus s'arrêter et se poser la question de ce qui compte vraiment. On néglige l'important pour l'urgent. La santé est un excellent exemple. Porter attention à notre sommeil, à notre alimentation, s'occuper de notre corps… sont des choses simples que nous avons tendance à négliger, tant que nous ne sommes pas malades. C'est la même chose pour le bien-être. Pourtant il vaut mieux s'en occuper quand on va bien. Sinon, c'est un peu comme si on voulait apprendre à nager alors qu'on est en train de se noyer. Il ne faut pas attendre d'aller mal pour aller mieux.

EM: Prendre soin de soi passe-t-il nécessairement par un accompagnement psychothérapeutique?

IK: Se faire accompagner, on peut tous en avoir besoin dans notre vie. Ce n'est pas un signe de faiblesse, au contraire. Quand on sent que l'on ne va pas bien, cela vaut la peine. Parallèlement cultiver son bien-être, chacun d'entre nous peut le pratiquer, au travers de petites choses simples, sans nécessairement formation, ou coaching… Mais attention, ce n'est pas parce qu'elles sont très simples, qu'elles sont faciles. Elles réclament de la discipline. Une des difficultés réside dans la régularité. Une autre dans notre manière de les appréhender. On a tendance à associer simplicité et inefficacité, à penser "si c'est aussi simple, ça ne marchera pas".

EM: Certains parlent de l'utilité d'adopter une "bienveillance envers soi-même". Que veut dire cette attitude?

IK: Dans notre culture, l'exigence personnelle est mise au rang de qualité importante. Ainsi, face à un échec, nous avons tendance à nous replier sur nous-mêmes, à ruminer. D'autre part, même quand on réussit, cela n'est jamais assez. On dit souvent qu’"il ne faut pas se reposer sur ses lauriers". On imagine qu'être indulgent avec soi, c'est se laisser aller, ne pas se remettre en question. Or, être doux et indulgent avec soi, particulièrement dans les moments d'échecs, c'est dépenser de l'énergie à prendre soin de soi et des autres.

EM: La préoccupation pour soi peut apparaître nombriliste. Est-il possible d'allier altruisme et démarche de développement personnel? Le message d'Infor Santé se résume dans la formule "je pense aussi à moi". A travers ce mot "aussi", on comprend qu'il ne s'agit pas de délaisser les autres.

IK: Parmi les petits exercices très simples pour prendre soin de soi, il y a aussi le fait de porter attention aux autres. Par exemple, dans des actes de gentillesse. Ils augmentent notre niveau de bien-être. Se préoccuper réellement des autres est bon pour notre santé morale et physique. La spirale est positive. Des études montrent en effet que plus on est heureux, plus on est généreux, ouvert au bien-être commun, et que plus on prend soin des autres, plus notre bien-être augmente. Quand on va mal, on a tendance à être très autocentré, à se refermer. On se replie sur soi-même, paradoxalement sans prendre soin de soi. Nos problèmes prennent toute la place, au détriment des choses positives de notre vie et des autres.

EM: N'a-t-on pas tendance à penser que tout se passe dans la tête? A oublier le lien entre le corps et les émotions?

IK: Le côté corporel ne peut être coupé de l'esprit et des émotions. Même si, dans notre culture, on a tendance à séparer ces dimensions. Quand notre corps ne va pas bien, on va plus facilement avoir des pensées négatives. Quand on est trop fatigué, malade… on est plus réactif émotionnellement. Cette réactivité peut fragiliser notre système immunitaire, par exemple. Corps et émotions se nourrissent l'un l'autre. La méditation de pleine conscience est un très bon exemple. On travaille par le corps, notre attention et nos émotions.

Pour en savoir plus ...

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