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Vivre sa mort

2 min.
© Vivre sa mort
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Matthieu Cornélis

Matthieu Cornélis

"La mort ne me fait pas peur. C'est plutôt ce qu'il y a juste avant et la façon dont on meurt… […] Je risque quand même de passer de sacrés mauvais moments juste avant de partir, hein ! Mais c'est comme ça…" Philippe est lucide. Lorsqu'on fait sa connaissance à l'écran, on sait qu'il sait. Le diagnostic établi par l'oncologue est sans appel.

Pour Manu, même chose. La fin de sa vie, tristement précipitée, approche. Il sait qu'elle sera douloureuse mais il ignore ce qu'elle sera d'autre… Dans ces circonstances, il préfère choisir lui-même. Ce sera l'injection. Le même produit qui, administré à faible dose pour l'anesthésier avant les opérations, lui procurait "une sensation de caresse sur le bas du visage". "Cette mort atroce qui m'est naturellement promise, elle ne sera pas ! C'est moi qui choisis, je serai couché, je terminerai avec cette petite caresse. Et puis c'est fini."

Foi, médecine comme soutien

Avant le terme de leurs existences, les deux hommes nous invitent à faire quelques pas en leur compagnie. Jusqu'au cimetière, où Philippe présente ce qui sera sa dernière demeure. En voiture vers la clinique d'où il ressort avec toujours plus de questions. Sur l'échéance finale, sur l'efficacité du traitement et les raisons qu'il aurait à le poursuivre : "Est-ce que ça en vaut encore la peine ?" Plus tard, la douleur se fait grandissante et un mot émerge : euthanasie. Un acte pas anodin, écarté par son oncologue : "Ce qui compte, c'est d'accepter la vie. C'est d'être digne jusqu'à la fin." Philippe trouvera le soutien nécessaire auprès de sa famille et auprès de Dieu.

Manu ouvre la porte de sa nouvelle maison. Il y passera ses derniers jours jusqu'à l'"au revoir" qu'il a programmé. Dans la souffrance, l'attente est longue. "Ça devient dur. L'acceptation de l'avenir et la vitesse à laquelle ça chute", souffle-t-il, affaibli. Accepter ce coup du sort, un exercice difficile pour Tina, son épouse. "Ça va…", dit-elle avant de se raviser: "Ça va mais ça va pas…". Et elle fond dans les bras de son mari. Puis la dégringolade s'accélère, la lutte est toujours plus éprouvante. Le temps est long jusqu'à la date fixée à l'agenda, et la législation en la matière n'en permet aucun ajustement. Tenir jusque-là. Manu trouvera le soutien auprès des siens et de Gabriel Ringlet, prêtre libre-penseur, qui l'accompagnera jusqu'à la "caresse".© Vivre sa mort

Attention : émotion

Pour recevoir le film du réalisateur Manu Bonmariage (auteur aussi de Strip-teaseLes amants d'assises…), mieux vaut être bien accroché, et ce pour plusieurs raisons. Le "cinémadirect" qu'il pratique projette le public dans l'extrême intimité des sujets. Rien d'intrusif pourtant dans la démarche du réalisateur qui place quelques micros, travaille seul, se fait discret pour laisser la place aux protagonistes. "Ceux qu'on filme, dit-il,je veux que ce soit eux qui nous dominent et imposent leur regard". Ça secoue, ça décoche des sou rires, ça tire des larmes.

Ensuite, la difficulté du sujet. En réalité, le thème de la fin de vie s'est imposé à Manu Bonmariage par l'entremise de Philippe : "Je voudrais bien que tu fasses un film sur mon parcours !" Dans la lutte contre le cancer, il a trouvé un bon remède pour résister aux agressions répétitives et diverses de la maladie : vivre la mort jusqu'au bout. "Malgré l'adversité, la douleur, la difficulté, il voulait que je sois à ses côtés pour être témoin de son triomphe sur sa souffrance […] en continuant à vivre jusqu'au dernier soupir", raconte le réalisateur. Pour sa part, Manu souhaitait livrer cet ultime témoignage "pour accompagner des êtres humains tellement attaqués par la maladie qu'il s'impose de leur porter assistance comme à une personne en danger. Non seulement au nom des droits de l'Homme, mais surtout au nom d'un évangile de la libre-pensée."

Deux histoires, deux choix, deux fins d'existence. L'une et l'autre se valent, suggère le film. L'un et l'autre resteront acteurs de leur vie jus qu'au départ.

Pour en savoir plus ...

Vivre sa mort de Manu Bonmariage • Belgique • 2015 • 75 minutes • Avec Philippe Rondeux, Manu de Coster • Sortie en salles le 4 mars.