Arts

Les dieux du stade sont des hommes

2 min.
© Manaurore
© Manaurore
Mathieu Stassart

Mathieu Stassart

Le noir englobe la scène. Seul, au centre, un ballon brille sous la lumière d'un spot. Derrière, sur un écran, apparait la célèbre citation de l'écrivain Albert Camus : "Vraiment le peu de morale que je sais, je l’ai appris sur les terrains de football et les scènes de théâtre qui resteront mes vraies universités."

Inspiré du livre Éloge du mauvais geste d'Ollivier Pourriol, le comédien Denis Laujol raconte trois d'entre eux. Trois gestes qui ont inscrit leurs auteurs dans la légende du ballon rond : la main de dieu de Maradona, le coup de tête asséné par Zidane à Materazzi et la joie triomphale de Platini après la victoire de son équipe le soir du drame du Heysel.

Sur l'écran géant qui l'accompagne, Denis Laujol dissèque avec humour les images de ces moments historiques. Il les repasse en boucle, les arrête, les commente. Son corps accompagne celui des joueurs. Leurs gestes sont analysés et reproduits sur scène. Ainsi montrés, la filouterie de Maradona, la précision chirurgicale de Zidane provoquent l'hilarité de la salle.

Ce travail sur l'image permet de déplacer l'attention des spectateurs sur des détails qui avaient échappé au commun des mortels, de faire surgir de ces moments des touches d'humanité. À plusieurs reprises, des ban des sonores offrent des fragments de témoignage des protagonistes. Mués en confessions, ils confirment la relation intime nouée une heure durant entre les héros et leur public d'un soir.

La main de Zeus

22 juin 1986, l'Argentine et l'Angleterre s'affrontent en quart de finale de la coupe du mon de. 51e minute, Diego Maradona et Peter Shilton, le portier de l'équipe anglaise, s'élancent tous deux vers le cuir en suspension dans la surface de réparation. Bien trop petit pour espérer toucher le ballon de la tête face au géant anglais, Maradona pousse la sphère de la main et trompe son adversaire. La balle franchit la ligne. Maradona lève les bras au ciel. Ses coéquipiers, médusés, s'avancent vers lui sans trop y croire. "Enlacez-moi", leur dit-il, "Enlacez-moi sinon l'arbitre n'y croira pas". Bluffé, l'homme en noir valide le but.

Interviewé après le match, le prodige argentin déclarera, goguenard, que ce but tant contesté aurait été marqué "un peu avec la tête de Maradona, un peu avec la main de Dieu". Un dieu certes, s'exclame Denis Laujol, mais un dieu grec alors ! Placé au-dessus des hommes par la grandeur de ses pouvoirs, et pourtant si proche car manœuvré par des passions ô combien terrestres.

Théâtre et football, si éloignés ?

Pareil à une tragédie grecque, un match se déroule en plusieurs actes. Les tensions s'exacerbent jusqu'à leur paroxysme. L'issue en est souvent funeste. Plus qu'un combat contre les autres, le héros s'engage dans un affrontement contre lui-même. Un soir de 2006, dans les prolongations d'une finale de coupe du monde, Zidane sacrifie à la fois une finale, son image et une fin de carrière paisible. Dans cette lutte, l'honneur d'un homme importe bien plus qu'un trophée.

Le spectacle montre que, sous des apparences superficielles voire futiles, le football recèle une dimension philosophique. Les hommes y luttent pour des valeurs qui les dépassent. Durant nonante minutes, joueurs et spectateurs s'engagent dans un temps hors du temps. Au milieu de l'action, des instants tragiques mettent l'âme humaine à nu. "Celui qui marque un but sauve le monde" assène Denis Laujol. Car le divertissement est un éloignement du réel. Et s'en éloigner, n'est-ce pas, en quelque sorte, retarder la mort ?

Concours : 3 x 2 places

La charge du rhinocéros et En Marche vous offrent la possibilité d'assister à la représentation du mercredi 23 mars à 20h15. Pour participer, envoyez un courriel (n° de membre + nom + prénom + coordonnées complètes) à l'adresse enmarche@mc.be avant le jeudi 17 mars à minuit.

Les gagnants seront tirés au sort et prévenus par téléphone.

Pour en savoir plus ...

Éloge du mauvais geste, avec Denis Laujol • adapté du livre d'Ollivier Pourriol • mise en scène de Valérie Cordy • Compagnie La charge du rhinocéros • du 17 février au 26 mars (mardi à 19h - du mercredi au samedi à 20h15 - samedis 20.02 & 19.03 à 19h - dimanches 06 & 20.03 à 16h) au Théâtre des Martyrs à 1000 Bruxelles • tournée dans le Hainaut du 28 avril au 4 mars.

>> www.chargedurhinoceros.be