Arts

"On naît, on vit ce qu'on peut, on meurt"

2 min.
© Kim Leleux
© Kim Leleux
Matthieu Cornélis

Matthieu Cornélis

Une toux tuberculeuse, un roman d'amour, une bouteille de vodka, une bassine d'eau, un accordéon, des matelas miteux, des outils… habillent une pièce glauque dans un monde incertain. S'y côtoient une grande diversité d'individus tombés au plus bas : baron déchu, mari violent, voleur assumé, tanneur cocu, policier corrompu, artiste malade d'alcool…

Pour survivre au jour le jour, pour vaincre la faim qui tord le ventre et la faim de jours meilleurs, tout est bon à prendre. Les mensonges comme la vérité. Un des personnages s'évade dans une littérature à l'eau de rose et se construit une vie imaginaire. L'autre adopte un phrasé digne de la plus haute noblesse, s'inventant de nobles aïeuls. Des récits imaginaires qui aident – à peine - à tenir le coup.

Certains sont plus lucides et acceptent les coups du destin. Le vieux tanneur aurait pu tuer mille fois sa femme volage mais a préféré quitter sa vie d'avant : "À quoi bon, c'est comme ça…" Quant au receleur "à la petite semaine", déjà enfant il recevait des "voleur, fils de voleur !". "Alors je suis devenu voleur", dira-t-il comme pour justifier ses méfaits. Qu'ils s'évadent dans des récits chimériques ou qu'ils affrontent la vérité glaçante, la réalité est la même : le cul-de-sac.

Jusqu'à cette arrivée fortuite qui redonne espoir. L'homme est vieux, sage, réconfortant. Il trouve les mots qui donnent l'envie et le courage de se redresser. Accepté dans cette petite communauté, il amène les êtres à réfléchir à leur destin. Comme cet homme qui scande : "Il n'y a que l'homme qui existe. Tout le reste, c'est l'œuvre de ses mains et de son cerveau ! Il faut respecter l'homme ! Ne pas le plaindre, ne pas l'humilier par la pitié. C'est le respecter qu'il faut !" L'idéaliste apporte de l'espoir, l'ingrédient manquant de leurs vies, bien que certains, parmi les 19 personnages, sauront mieux l'utiliser que d'autres, plus fragiles.

"Monter Les bas-fonds de Maxime Gorki nous apparaît comme une nécessité, une évidence, une réponse face au monde actuel, écrit le metteur en scène Laurent Wanson. La pauvreté s'est installée et ne régresse pas. Il est facile d'accuser la paresse des pauvres, le coût trop élevé des aides sociales, mais ce n'est pas sérieux." Il s'agit de dénoncer les dérives de la société et de se questionner sur la facilité avec laquelle on peut porter des jugements sur l'autre et sur ses agissements qui font peur.

"Ces sans-abris, ajoute Laurent Wanson, ces rejetés, ceux qu'on montre du doigt, ceux qui nous font peur… Ceux-là même ont beaucoup à nous dire et à nous apprendre. Cette pièce met en avant leur grandeur d'âme, leur soif de justice et de liberté ; et également l'espoir d'une autre société et d'une autre vie." Les 19 comédiens sur scène s'y emploient avec énergie. Et ils y parviennent.

Pour en savoir plus ...

Les bas-fonds de Maxime Gorki • Mise en scène de Laurent Wanson • Du 26 février au 4 avril • Théâtre des Martyrs : 02/223.32.08 • www.theatredesmartyrs.be