Arts

Un siècle de culture populaire à La Ruche

3 min.
© Patrick Loyaerts Didier Colart
© Patrick Loyaerts Didier Colart
Tom Guillaume

Tom Guillaume

Lové à l'ombre de l'église de Marcinelle, le théâtre La Ruche tient autant du monument que du lieu culturel. Pas qu'il soit imposant et qu'il force le respect par la lourdeur de ses pierres. Non, plutôt monument de culture populaire, là où depuis 100 ans, sans arrêt, les sièges en moleskine et les escaliers art déco accueillent un public toujours présent.

"Les pièces jouées sont très diversifiées. Pour le théâtre, on joue surtout des vaudevilles. Mais on a aussi un humoriste carolo qui vient présenter ses dernières pépites tous les mercredis. de nombreux concerts de jazz, des cabarets...", explique Eladia Cerrato, la directrice des lieux. Une fois par an, un accent bien local résonne dans la grande salle. Un trouve de théâtre wallon investit les lieux pour revisiter des classiques. Du Molière, avec le "Bourgeois gentilhomme" et les "Fourberies de Scapin", ou encore Jules Romains et "Knock, ou le triomphe de la médecine". L'occasion de concilier le théâtre classique et la culture populaire, avec un succès qui se confirme chaque année. 

Des murs d'époque

Les trois salles qui occupent le bâtiment proposent chacun un programmation particulière. Théâtre dans sa forme classique pour la grande salle, troupe amateur pour "Le Grenier" et café-théâtre pour la salle qui tient également lieu de bar. "Les murs sont d'époque, on a par contre dû les aménager pour répondre aux normes actuelles", raconte Vincent, l'un des vingt bénévoles de l'équipe. 

Par contre, pas touche au parquet, à la scène, à l'armature qui fixe les décors, qui datent de la construction du bâtiment. Ces vieux murs attirent les artistes : "Le chanteur Arno est venu il y a 4 ans sur scène. Il cherchait un cadre intimiste, pour tester sa tournée mais aussi retrouver l'ambiance des salles qu'il fréquentait à ses débuts", se souvient Vincent.

Au cœur du quartier

Crée en 1919 par la paroisse de Marcinelle, La Ruche intégrait un théâtre, une bibliothèque et un cinéma. Réponse catholique à la présence des institutions culturelles socialistes, La Ruche était un des nombreux théâtres que comptait la région de Charleroi. Tout au long du XXe siècle, l'aventure continue, toujours sous la direction de la paroisse de Marcinelle. Le théâtre participe à la vie du quartier : "Entre 1925 et 1966, le curé mettait en scène une passion du Christ avec près de 300 figurants. Les maisons du voisinage servaient alors de loge pour les figurants, relate Vincent. C'était une véritable tradition. Tous les anciens marcinellois ont assisté à au moins une représentation de cette Passion. Sinon, ce ne sont pas des vrais marcinellois", sourit-il.

Une reprise opportune

En 2006, la paroisse décide de vendre le théâtre pour libérer des fonds. Initialement, il devait être transformé en hangar. Sauf que Thierry Piron, ingénieur architecte et mordu de théâtre passe devant le bâtiment art déco. La décision est immédiate : il l'achète. "Quand la paroisse a compris que Thierry voulait conserver l'activité théâtrale, elle a rétropédalé et a préféré son projet !", confie Eladia, directrice actuelle mais aussi la femme de Thierry Piron.

 

S'en suivent deux ans de travaux et une nouvelle levée de rideau en 2008. "On reçoit de nombreux soutiens de personnes qui venaient dans les années 40 ou 50, et qui se réjouissent que l'activité perdure", s'enthousiasme Eladia Cerrato. 

Le public au rendez-vous

Depuis, le théâtre continue d'attirer le public, avec pas moins de 30.000 spectateurs à l'année. Pour faire tourner la structure, trois salariés et une équipe de bénévoles : "Heureusement que nous avons cette équipe. Un théâtre demande une logistique important et il nous serait impossible de payer tout le monde nécessaire à son fonctionnement. On reçoit des aides, mais on ne peut pas compter là-dessus", déplore la directrice. 

Outre les subsides de la ville et de la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Ruche compte sur les recette des entrées et de son bar. 

Malgré ce manque de moyens, les projets continuent de fleurir. Dans les cartons, l'aménagement possible d'une scène en extérieur, pour profiter du jardin. "On est heureux, et c'est la motivation qui fait avancer", conclut la directrice.