Expositions

Des arbres, des mers

3 min.
Parc Royal © Marie-Francoise Plissart
Parc Royal © Marie-Francoise Plissart
Matthieu Cornélis

Matthieu Cornélis

Première œuvre : le Parc Royal de Bruxelles. On découvre les lieux en observant la composition dans son entièreté, c’est-à-dire les neuf photos moyen format assemblées pour former un carré. Ou en regardant chaque tirage composant le tableau général, là où se trouvent les détails. Le regard circule et apprécie la promenade. On y voit les bords du large bassin d'eau tracer la ligne de l'horizon. Au-dessus de cette ligne, des amis assis discutent, des arbres se déploient dans le ciel bruxellois. Au-dessous, le reflet des arbres et des lumières de la nuit dans l'eau du bassin. Les visages flous et les mouvements visibles des corps racontent les longs temps de pose. La photographe nous offre à voir la lenteur.

Horizontal

D'autres œuvres, dans cette sélection appelée "Aqua (mers)", procurent des sensations. Le Cap Blanc Nez et ses mouettes, par exemple. Le vent souffle. Ou le fracas des vagues de Bretagne. La mer de Chine, de Tasmanie, du Royaume-Uni… Pendant une douzaine d'années, Marie-Françoise Plissart a tourné son objectif vers la mer, fascinée par les valeurs plastiques et par l'espace de circulation qu'elle incarne. Elle raconte ici son voyage sur les cinq continents à la recherche de ses propres marines.

Au rez-de-chaussée de cette exposition, le même principe de la photographie-gigogne se répète au long d'une douzaine d'œuvres. Les prises de vues de différents littoraux sont recadrées sur écran avant d'aboutir à une composition finale. Pourquoi composer ? Deux arguments sont avancés par l'artiste : "Ce travail est le résultat de recherches menées pour l'installation artistique de la station de métro Parc à Bruxelles en 2018. Aux murs : des carrelages de 80 centimètres sur 80." C'est donc en partie le format du support qui justifie l'utilisation d'assemblages d'images carrées. Deuxième argument : le plaisir. "Cette technique offre beaucoup de liber tés. Et puis ça me plaît de monter les images sur l'ordinateur."

Un jour, un élagueur lui apprît que le plus grand réseau n'était pas les mers mais les arbres, capables de tirer leurs racines jusqu'au littoral.

Vertical

Ici, dans cet espace appelé "Arbor", la verticalité est mise à l'honneur. Les arbres font le lien entre les mers et les ciels. "Voilà comment tout ça se réunit", souligne l'artiste. Le parcours, fait de photos toujours en noir et blanc, retrace les rencontres de la photographe avec la nature.

"L'action des photographes est toujours d'amputer les arbres", raconte-t-elle, décidée à les valoriser. Un jour, un élagueur lui apprît que le plus grand réseau n'était pas les mers mais les arbres, capables de tirer leurs racines jusqu'au littoral. Ces sujets végétaux, capturés aux quatre coins du globe, ont pour particularité d'avoir suscité l'intérêt des hommes. En Chine, certains entourent une maison. À Londres, un poète cercle un frêne des stèles d'un cimetière. À Calcutta, les ramifications d'un arbre sont "dirigées" pour dessiner un sentier de promenade…

Brut

Dans un espace obscurci, les images animées de "Aqua (fleuve Congo)" défilent. 45 minutes de film tournées sur une rive du fleuve Congo à Kinshasa en 2003. Les autorisations de filmer ont été délivrées mais elles cadenassent le temps d'enregistrement : trois quarts d'heure, pas plus. Dans ces conditions, comment concilier intention documentaire et exigences administratives ? La production est un défilé d'images captées à la vitesse de la baleinière sur laquelle est posé le trépied de la caméra. Les images et le son ne sont pas montés, retravaillés ou post-produits.

Finalement, plus que le contenu, c'est peut-être la contrainte qui fait l'intérêt du film. Ce travail sans chichis con traste en tout cas avec "Arbor". Plus encore avec la très élaborée série "Aqua (mers)". Dans ces marines, Marie-Françoise Plissart offre aux yeux de se promener d'image en image, du détail au général d'une même composition. Des oeuvres dont le tout est supérieur à la somme de leurs parties.

"Speaking in tongues"

"Speaking in tongues" désigne en anglais l'utilisation d'une langue inconnue créée à partir de sonorités familières. Ce titre d'exposition fait écho à la façon dont six jeunes photographes issus de l'école "Le 75" envisagent leur travail collectif. La démarche n'est pas banale : "On pioche dans les images de chacun et on regarde comment elles vivent ensemble, expliquent-ils. C'est pendant cette sélection qu'un travail singulier est né."

La Grotte, du nom de leur collectif, dissout la notion d'auteur et participe, par associations visuelles, à la création d'un nouveau langage. Une langue qu'aucun Assimil n'enseigne mais dans laquelle il faut plonger pour en comprendre les subtilités.

À voir jusqu'au 3 janvier à l'espace Galerie du Botanique.

Pour en savoir plus ...

Plus d’infos : Aqua Arbor • Marie-Françoise Plissart • jusqu'au 31 janvier du mercredi au dimanche de 12 à 20h • de 3,50 à 5,50 EUR • Botanique, rue Royale 236 à 1210 Bruxelles • 02/218.37.32 ou www.botanique.be