Expositions

La vie secrète des mots

3 min.
© Bletchley Park Trust
© Bletchley Park Trust
Estelle Toscanucci

Estelle Toscanucci

Le manque de café peut sacrément stimuler la créativité.

Voyez, il y a 25 ans, cette cuisine réservée aux employés d'un laboratoire informatique de l'université de Cambridge. Lorsqu'il découvre que la cafetière est une nouvelle fois vide, un informaticien a une idée. Il décide de connecter une caméra au réseau du bureau afin de contrôler la teneur en breuvage de la machine sans devoir quitter son siège. La webcam était née. Cette petite anecdote nous amène à réfléchir sur les concepts du privé, du secret. Ainsi on apprend, en introduction à la visite, que la notion de vie privée date de la révolution française mais qu'elle est entrée dans les textes de lois en 1890, avec l'arrivée de l'appareil photo Kodak de poche, considéré comme étant un potentiel violeur de vie privée. De l'appareil photo au smartphone, la thématique est identique, amplifiée et terriblement d'actualité : la sécurité des données, la liberté, l'hyper contrôle, le nombre de données personnelles que nous fournissons sans en être conscients… Aujourd'hui, difficile de disparaître sans laisser de traces. Le moindre voyage en transport public, le moindre paiement par carte, la moindre page consultée sur Internet, le moindre yaourt acheté en grande surface avec une carte de fi délité peut-être répertorié et informe sur nos goûts, opinions, préférences et habitudes …big brother is watching you !

De la transparence et des cadenas

Et l'on pense au réseau social Facebook, accusé de récolter des données de manière illégale sur les comportements de navigation des internautes, mais également sur des non-membres de la communauté. Grâce aux interviews de différents experts (cryptologues, professeurs d'université…), les visiteurs de l'expo "Top Secret !" sont invités à réfléchir sur ce monde où, sous couvert de la sécurité, nous sommes parfois poussés à renoncer à la confidentialité. Il est permis de mettre des rideaux aux fenêtres des maisons, qu'en est-il d'un rideau numérique ? Pourtant, la démocratie, pour bien fonctionner, a besoin du secret : secret médical, secret du vote, secret d'État… Il faut donc inventer des codes, créer des signes qui garantissent cette sécurité. L'exposition s'intéresse particulièrement au billet de 50 euros et aux nombreuses techniques appliquées pour garantir son authenticité. Elle nous plonge aussi dans les profondeurs du web et dans le monde obscur des hackers. L'occasion d'apprendre que si certains de ces pirates utilisent leurs savoirs à des fins criminelles, d'autres mettent leurs connaissances au service de cause plus nobles : renforcer la sécurité de nos données, défendre les droits humains ou encore donner à chacun l'accès aux savoirs.

Éventail et Enigma

La deuxième partie de l'exposition est davantage historique. Elle nous emmène faire un tour à Bletchley Park, pas très loin de Londres. En 1936, le service de renseignements du Royaume-Uni y installe le principal centre de décryptage du pays pendant la seconde guerre mondiale. Jusqu'à 1.000 hommes et femmes y sont actifs jour et nuit pour faire gagner aux Alliés la guerre de l'information. C'est aussi par exemple à Bletchley Park que le mathématicien Alan Turing va parvenir à percer le secret d'Enigma, la machine utilisée par les Allemands pour chiffrer leurs messages. Ceux qui ont vu le film Imitation game s'en souviennent sûrement. Le voyage dans le temps continue à travers la découverte d'instruments et des mécanismes, parfois millénaires, qui ont permis de crypter les messages. Qui aurait par exemple pensé que l'éventail, joli objet anodin, avait un autre usage que se rafraîchir par temps chaud ? Il fut pourtant un efficace moyen de communication codée. Avant de quitter le Mundaneum, on se laisse tenter par un jeu, quelques questions pour vérifier si nous sommes outillés pour bien nous protéger en ligne. "Top secret" est une exposition à lire, à réfléchir, peut-être davantage encore qu'à voir. Elle nous offre de précieuses clés de lecture et permet de remettre nos paramètres (de confidentialité) à l'heure.

Do you speak émoji ?

Difficile aujourd'hui d'écrire ou de recevoir un sms ou un message numérique sans utiliser ces petites images. À priori universelle, l'utilisation des émojis peut parfois créer le doute et l'incompréhension. Eh oui, ces petits clins d'oeil standardisés dans nos téléphones sont sujets à mille interprétations, selon par exemple, la culture à laquelle on appartient. À tel point que certaines entreprises recrutent aujourd'hui des traducteurs d'émojis, histoire d'éviter les émois ;-)

Pour en savoir plus ...

>> Infos : Top Secret

• jusqu'au 20 mai 2018 au Mundaneum (MER-VEN de 13 à 17h et SAM-DIM et jours fériées de 11 à 18h)

• rue de Nimy 76 à 7000 Mons

• 7 EUR ( réductions possibles)

• visite guidée sur réservation

• 065/31.53.43 • info@mundaneum.be • www.mundaneum.org