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Donner un sens à la prison, d'urgence !

2 min.
Comment expliquer le maintien de cet
Comment expliquer le maintien de cet "enfer incompréhensible", de cette "antichambre de la mort, productrice de tout mais surtout de rien" ?
Philippe Lamotte

Philippe Lamotte

Année après année, décennie après décennie, la prison, en Belgique, ne cesse de sombrer dans le trou de l'oubli. Il faut une mutinerie, une grève du personnel ou une menace de fermeture pour cause d'insalubrité grave pour la ramener au-devant de l'actualité. Et puis… pschhhhttt, plus rien alors que près de 12.000 hommes et femmes y croupissent en permanence. Nulle question parlementaire ou si peu. Nulle réforme d'envergure alors que les manques – multiples – sont bien connus, identifiés, répertoriés, récurrents. Comment expliquer le maintien de cet "enfer incompréhensible", de ce "parc animalier", de cette "antichambre de la mort, productrice de tout mais surtout de rien" ?

Ces qualificatifs assassins ne sont pas de l'auteure de ce livre, mais de divers acteurs du monde pénitentiaire rencontrés par celle-ci au gré de ses reportages. Pendant quatre ans, Alessandra d'Angelo, ancienne avocate au barreau de Bruxelles et aujourd'hui journaliste d'investigation, a rencontré ceux et celles qui composent ce microcosme d'acier, de béton, de portes et de grilles. Au fil d'une trentaine de récits courts mais percutants, rédigés d'une plume alerte et vivace, elle invite ses lecteurs à la rencontre des prisonniers, de leurs femmes et de leurs enfants, sans oublier les moments passés avec les juges, psys, aumôniers, éducateurs, etc.

En utilisant en continu la première personne, en livrant quelques bribes éparses de sa propre histoire, l'auteure confronte sa propre humanité à celle de ses vis-à-vis, tour à tour repentis, fauves en cage, écorchés vifs, monuments de solitude et de souffrance… À travers ses portraits se dessine un monde qui, en dépit de la bonne volonté de tant des acteurs, reste englué dans sa bureaucratie, vide de sens, tournant sur lui-même en dehors de toute rationalité. Et dont la résultante, surtout, est prête à exploser à la figure de ceux-là mêmes qui réclament plus de prisons, plus de barreaux, plus de peines incompressibles.

Faute d'accompagnement pour ses "hôtes", les prisons s'avèrent – un comble – criminogènes : trois ans à peine après leur libération, six détenus sur dix auront replongé. Seule note d'espoir, au-delà des leçons de courage délivrées par certains interviewés : l'existence, dans d'autres pays européens, de système carcéraux très différents du nôtre. Et, apparemment, plus efficaces, tant pour ceux qui passent un jour par la "case prison" que pour ceux qui ont la chance d'y échapper.

Pour en savoir plus ...

>> Case prison, un jeu d'échec de Alessandra d'Angel • éd. Academia L'Harmattan • 193 p. • 19 EUR.