Insouciance, glamour et liberté

Ongles et lèvres rouge carmin, pommettes marquées, frange bombée et yeux de biches cachés sous des lunettes de soleil colorées, elles évoluent entre les bolides siglés Buick, Cadillac ou Chevrolet et saluent des bikers chevauchant des Harley, Indian et Triumph. Ces jeunes femmes se promènent aux bras de gaillards dont la brillance des cheveux gominés rivalise avec celle du King lui-même. Lorsqu'ils ne participent pas à des concours de danse jive, ils fréquentent le drive-in ou grillent une cigarette, accoudés à une table en formica.

Cette jeunesse a été photographiée par Charles Chojnacki. En France, en Belgique, en Italie, aux États-Unis, au Japon... Les clichés ne sont pas d'un autre siècle, loin de là. Toutes les photos ont été prises ces sept dernières années, lors de festivals où se rassemblent des hommes et des femmes qui ont les "fifties" pour passion. Surtout ne leur dites pas qu'ils sont déguisés. "Ils ne 'jouent pas à', ils sont, précise d'emblée Charles Chojnacki. Ils sont dans leur siècle mais ils ont le coeur qui bat dans un autre."

L'artiste s'est donc promené à la découverte de cette "communauté" avide d'insouciance, de légèreté et de liberté. La volonté de ses membres ? Prendre le bon des deux époques : la réelle et l'idéalisée. Et l'assumer pleinement. La plupart d'entre eux ont un métier qui les autorise à ne pas devoir renoncer à leur look. Et Internet leur permet d'organiser plus facilement leurs rassemblements.

"Ces jeunes gens sont dans leur siècle mais ils ont le coeur qui bat dans un autre."

Petit monde sans frontières

Charles Chojnacki a choisi délibérément de ne pas légender ses photos. Peu importe le paysage, peu importe l'environnement, l'esprit est universel. Et l'objectif est le même : entrer dans une bulle de liberté. "Tous les mouvements de passionnés prennent de l'ampleur depuis que les interdictions se sont multipliées", explique le photographe. "Ce nouveau siècle est celui où l'on nous dit ce qu'il faut manger, boire ou penser, et cela choque de moins en moins. Ces festivals sont l'occasion de vivre dans un monde où tout semble encore possible."

Petite exception toutefois pour les Japonais : "Là-bas, il s'agit clairement d'un mouvement de rébellion. Afficher des références américaines rappelle l'occupation et est toujours considéré comme subversif. Ces jeunes gens sont clairement des mauvais garçons, ils se réunissent dans des lieux-dits à Tokyo pour participer à des joutes où ils dansent seuls, sur des mélodies qui rappellent à la fois le hard rock et le rockabilly. Ce sont des marginaux difficiles à approcher".

Pas de miroir aux alouettes

Les jeunes occidentaux non plus, ne sont pas dupes. Les années 50 n'étaient pas des années "bisounours". Racisme, discrimination, maccarthisme… tout n'était pas rose. Mais cette époque d'après-guerre laissait de l'espace à la joie de vivre, à l'énergie, au retour à la prospérité, à la foi en la jeunesse… Fumer n'était pas hors norme, porter une taille 42 non plus. "Les femmes assumaient leurs corps et n'étaient pas coincées dans des critères de beauté hyper contraignants. Le corps, l'esprit et le discours étaient plus libres."

50s Today est certes un beau livre de photographies mais pas seulement. On y voyage dans le temps tout en sachant que les clichés sont actuels. On y voyage dans l'espace tout en admirant une uniformité de look, de loisirs et d'attitudes. Et l'on s'in terroge : aujourd'hui, seul le passé peut-il faire rêver ?