Lectures

Le 9e art au féminin

4 min.
Soraya Soussi

Soraya Soussi

Un bébé, si je peux

Vouloir, c'est pouvoir ! Vraiment ? S'agissant d'avoir un enfant, les embûches peuvent être nombreuses pour certaines femmes. Un bébé, si je peux dépeint, avec humour et sensibilité, le parcours tumultueux de la procréation médicalement assistée (PMA). Lors d'une journée au parc, Marie discute avec une amie, déjà maman, de sa difficulté d'avoir un enfant (cela fait cinq ans que son compagnon et elle espèrent une grossesse). Cette amie, absorbée par les bêtises incessantes de son petit garçon, ne l'écoute qu'à moitié et l'assène de pseudo-conseils : "Prends des vacances", "lâche prise", "bois quelques mojitos", "profite de tes grasses matinées"... Dans une énième tentative d'explications, Marie est à nouveau interrompue par son amie. C'en est trop. Elle explose et expose le récit de son expérience de la PMA. Un chemin ô combien difficile physiquement, psychologiquement et socialement. La jeune femme retrace sa vie, de sa quête de solutions à son impossibilité d'obtenir ce ventre rond. Le lecteur est amené à suivre Marie dans toutes les épreuves qu'elle affronte : les critiques des proches, les faux conseils, les violences médicales... Entre récit intime et documentaire, ce roman graphique signé Marie Dubois promet un moment drôle et touchant mais aussi instructif sur la manière dont des femmes et des hommes traversent cette épreuve de la procréation médicalement assistée.

>> Marie Dubois • Revue XXI – Éditions Massot • 2021 • 135 p. • 19 EUR

Le chœur des femmes

Jean Atwood rêve de devenir chirurgienne gynécologique. Major de sa promotion, la jeune femme doit d'abord effectuer un stage en section médicale avant de pratiquer dans un bloc opératoire. On comprend rapidement que ce stage est une véritable corvée pour la jeune interne. Écouter les patientes raconter leurs "petits bobos" ne l'intéresse pas. Sous la tutelle du docteur Karma, gynécologue, la jeune femme va néanmoins progressivement changer sa vision de la médecine et du rapport aux patient(e)s, jusqu'à questionner sa propre vie. Adapté du roman de Martin Winkler, paru en 2009, Le chœur des femmes interroge les pratiques gynécologiques et les tabous autour d'elles. Ici, les soignants sont portés au-devant de la scène en interrogeant leur façon d'approcher la profession, leurs savoirs, leurs théories... Sensible et nourrie de suspens, l'histoire nous plonge dans le quotidien des praticiens gynécologiques, et en particulier, dans le vécu de ce personnage qui évolue au gré de ses consultations. L'occasion aussi d'être sensibilisé à la façon dont les femmes peuvent être prises en charge dans les structures de soins.

>> Aude Mermilliod • Éditions Le Lombard • 2021 • 240 p. • 22,50 EUR

Les cœurs insolents

L'été des 15 ans de sa fille replonge Ovidie, journaliste, réalisatrice et ancienne actrice de films X féministes, dans sa propre adolescence. Une époque où Internet et les réseaux sociaux n'existaient pas. Les ados des années 90 fumaient dans la cour du lycée, louaient des films au vidéo-club du coin de la rue, achetaient de l'alcool et écoutaient leurs tubes préférés sur un walkman... La quadragénaire livre un roman graphique, illustré par Audrey Lainé, dans lequel elle raconte ses premiers émois et ses premiers engagements politiques de jeune ado de la classe moyenne. Elle peint aussi la vie sexuelle et affective d'une génération peu représentée, en comparaison aux "baby-boomers", et autres générations X, Y... L'histoire d'Ovidie, qui oscille entre son adolescence et celle de sa fille, permet de mettre en lumière ce dont sa génération a manqué comme outils pour se protéger de certaines violences (viol, harcèlement de rue, etc.). Finalement, son regard de parent interroge ce dont elle dispose aujourd'hui pour outiller sa fille vers des relations sexuelles et affectives respectueuses d'elle-même et de l'autre.

>> Ovidie et Audrey Lainé • Éditions Marabout • 2021 • 160 p. • 17,95 EUR

Dans le palais des miroirs

Face à la beauté d'une jeune femme, pourquoi les gens développent-ils un complexe d'infériorité ? Pourquoi ne pas simplement admirer, sans jugement, sans complexe justement ? Dans son dernier roman graphique, Liv Strömquist propose une analyse en cinq chapitres sur les diktats de la beauté, ses dérives et conséquences sur les nouvelles générations. En amorce, l’auteure suédoise présente Kylie Jenner, une icône de beauté et influenceuse sur Instagram. Une jeune femme aussi adulée que détestée. Drôle, saisissant, l’ouvrage nous amène à nous interroger sur notre rapport à l'image et à notre propre reflet. Liv Strömquist fait appel à des égéries comme l'impératrice Sissi ou Marylin Monroe pour offrir des explications historiques et sociologiques grâce aux théories d'intellectuels tels que René Girard, Eva Illouz, Susan Sontag ou encore Simon Weil. Bel outil d'émancipation tant pour les adultes que pour les jeunes.

>> Liv Strömquist • Éditions Rackham • 2021 • 176 p. • 22 EUR

La jeune femme et la mer

Cette BD est le fruit des nombreux voyages au Japon de l’auteure et illustratrice, Catherine Meurisse qui s’y met en scène. Lors d'une résidence d’artistes au pays du soleil levant, le personnage de Catherine cherche à renouveler son inspiration. “Je voudraispeindre de la nature”, déclame-t-elle. Seulement, en saisir toute la complexité est plus difficile qu’il n’y parait. En se promenant dans la campagne japonaise, Catherine croise un peintre énigmatique qui souhaite, quant à lui, peindre une femme... Le peintre japonais jette son dévolu sur la mystérieuse Nami, la tenancière de l'auberge thermale dans laquelle résident les artistes. Mais Nami n’est pas un modèle facile. Elle serait dotée de pouvoirs étroitement liés aux éléments naturels. C'est en tout cas ce que clame le tanuki, animal mythologique nippon qui surgit ici et là au cours du récit. L'histoire de La jeune femme et la mer se dessine à travers la relation entre l'humain et la nature. Elle transporte le lecteur dans ce qui ressemble à un conte philosophique, qui "rappelle que notre vie dépend de notre capacité à entrer en résonance avec la nature”.

>> Catherine Meurisse • Éditions Dargaud • 2021 • 116 p. • 22,50 EUR

Peau d'Homme

Imaginez pouvoir vous mettre dans la peau d'un homme comme bon vous semble ! Plutôt pratique quand vous êtes une jeune femme en âge de vous marier dans l'Italie de la Renaissance où la condition des femmes est loin d'être plaisante. C'est le cas de Bianca, fiancée au jeune et plaisant Giovanni, qu'elle ne connait cependant pas. La jeune femme, à la personnalité libre et indépendante, ne se réjouit guère à l'idée de se marier à un parfait inconnu.Par chance, sa tante lui fait part d'un secret qui se transmet de génération en génération entre les femmes de sa famille : une peau d'homme. Une fois cette peau enfilée, Bianca devient Lorenzo. Elle peut désormais se faufiler dans le monde des hommes et apprendre à connaître son fiancé. Cette expérience lui fait découvrir l'amour, l'homosexualité mais aussi les limites de la sexualité des femmes, les injonctions de la masculinité, etc. Peau d'Homme, de Hubert et Zanzim, questionne la morale comme instrument de domination, notre rapport au genre, aux libertés sexuelles et aux relations amoureuses.

>> Hubert et Zanzim • Éditions Glénat • 2021 • 160 p. • 27 EUR