Une BD qui révèle le drame du réel

Christophe Simon, dessinateur, s'est rendu à la clinique de Panzi avec le docteur Cadière. Là, le chirurgien belge apporte son soutien au docteur Denis Mukwege, "l'homme qui répare les femmes" (1). L'hôpital recueille les fem mes mutilées par les différentes milices qui ravagent la région et utilisent le viol comme arme de guerre. "Il y a eu deux moments très douloureux, raconte le dessinateur en évoquant son voyage de préparation, croiser le regard de ces femmes qui venait d'arriver et qui étaient effrayées par le simple fait de voir un homme. (...) L'autre grande douleur, c'est le quartier des 'enfants- serpents' (NDLR : enfants de femmes violées qui leur donnent naissance mais se détournent de leur bébé)." Que se passe-t-il dans cette région du monde ? Kivu permet de l'expliquer pour partie.

Conçue avec le scénariste Jean Van Hamme (célèbre auteur de XIII, Largo Winch, Thorgal, etc.), l'histoire racontée est somme toute classique, comme on plongerait dans l'aventure d'un héros qui se mue en justicier. Ainsi le personnage principal, jeune ingénieur envoyé en mission par la multinationale qui l'emploie, débarque au Congo. Objectif : conclure un accord avec des milices locales pour garantir l'approvisionnement en coltan, ce minerai indispensable à nos technologies modernes (Smartphone, Ipad, etc). En croisant par hasard la route d'une enfant rescapée d'un massacre, le jeune in génieur apprendra que les "convictions se payent à balles réelles". La tension dramatique fonctionne à merveilles, grâce aux talents de Simon et Van Hamme. Elle sera d'autant plus bouleversante pour le lecteur que la réalité est dans cette fiction. En creux, sont questionnées notre humanité, le prix de notre modernité, notre ignorance de certains coins du monde.

---

(1) Titre du livre que la journaliste Colette Braeckam a consacré au Docteur Mukwege en 2012. Le gynécologue et militant des droits humains est un des congolais les plus salués à l'étranger pour son action – il vient de recevoir le titre de docteur honoris causa de l'ULg – et paradoxalement, l'un des moins reconnus dans son pays.