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Vivre, malgré la douleur

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Sandrine Cosentino et Julien Marteleur

Sandrine Cosentino et Julien Marteleur

Couverture livre Relève-toi et danse

En lisant ce livre, le lecteur a l'impression étrange que Chantal-Iris est à côté de lui et qu'elle lui raconte tout simplement son histoire. Louisa de Groot lui a prêté sa plume pour coucher sur le papier un parcours qui, a 37 ans, est loin d'être un long fleuve tranquille. À travers quatre parties, Chantal-Iris explore d'où elle vient, qui elle est, où elle va et comment, dans sa chaise roulante, sa vie est en mouvement. Rescapée du génocide rwandais en 1994, elle arrive en Belgique alors qu'elle n'a que 11 ans et qu'elle est paralysée des jambes, séquelle d'une polio. Des examens complémentaires à l'hôpital Brugmann révèlent qu'elle est également atteinte de la "maladie des os de verre". Chantal-Iris est née avec cette maladie génétique mais elle ne s'était pas manifestée avant la polio. Pour surmonter ses douleurs, ses peurs et ses peines, elle est entourée de personnes qui lui tendent "la main pour aller au-delà de l'impossible." Elle trouve une force qui la pousse à s'instruire, chercher du travail, un appartement mais aussi à s'amuser et se faire des amis. Ce récit mêle recherche par rapport à sa famille rwandaise et quête intérieure pour trouver de nouvelles racines en Belgique alors qu'elle a été si violemment arrachée de son pays d'origine. Et puis, il y a la cyclodanse, qui d'après certains participants, efface les douleurs… alors cette discipline devient un moteur pour Chantal-Iris : elle la fait danser pour vivre et vivre pour danser.

Relève-toi et danse, Récit biographique de Chantal-Iris Mukeshimana • Louisa de Groot • Éditions Memory • 2020 • 240 pp • 18 EUR

Couverture livre Back Hurt

Back Hurt, Itin'errance dans les replis de la douleur • Jacqueline Marcel • Edilivre • 2017• 201 pp • 16,50 EURBlessure du dos en français. Pour Jacqueline Marcel, il aurait suffi d'un terme anglais au lieu du banal "mal de dos" pour que le corps médical la prenne au sérieux. "Le mal au dos étant le mal du siècle, il en perd, par sa banalité, l'importance pourtant intolérable qu'il revêt pour ceux qui en souffrent." Avec une écriture incisive et sans détour, ce récit témoigne d'un parcours difficile au cœur de la douleur, dans un monde médical que l'auteure accuse de manque d'humanité. Ponctué par l'actualité du moment (de septembre 2014 à mars 2017), le récit de Jacqueline Marcel décrit ses espoirs et ses déceptions. Elle se questionne sur sa douleur, sur la manière de vivre avec, de la dompter, si tant est que cela soit possible : "Je dois accepter d'être moins performante, reconnaitre ma vulnérabilité et l'admettre, tolérer de me trouver moins opérationnelle, de tourner en roue libre quelque temps… mais jusqu'à quand ? " Pour elle, "la souffrance induit, entre le praticien et le malade, une relation complexe parce que les deux interlocuteurs ne parlent pas le même langage." Elle s'interroge sur le sens du mot "patient" dont l'étymologie renvoie à la souffrance mais aussi au courage, à la résignation, à la patience… Ce livre est un cri d'indignation mais aussi un appel à ne pas se résigner.

Couverture livre Un visiteur très encombrant

Un peu à la manière d'un journal intime, Étienne Guillaume emporte le lecteur à travers deux ans du combat qu'il a mené contre un cancer qui s'attaque à la moelle osseuse et déforce l'immunité. La maladie a bouleversé sa vie, il a été pensionné d'office, il ne voyage presque plus et n'est plus aussi actif que par le passé. Il tient pourtant à témoigner "pour expliquer combien on peut ressentir de plaisirs et de joies, malgré la faiblesse physique, les hospitalisations, les opérations, les médicaments…" Entrecoupé d'e-mails qu'il a écrits à ses proches, le récit linéaire suit l'évolution de sa maladie, ses séjours à l'hôpital, ses rencontres avec le personnel soignant ou ses "colocataires" dans les chambres à deux lits. Il exprime toute la déception qu'un malade peut ressentir lorsqu'une date de sortie de clinique doit être postposée : "Je me rappelle avec horreur ma sortie de l'isolement d'un mois en chambre semi-stérile à Rochebois en septembre 2018. Elle était prévue pour une date donnée, à laquelle je m'accrochais de toutes mes forces morales. Elle a été reportée une première fois de 24h puis une seconde, de la même durée, et je me suis véritablement effondré." Ce patient, parmi tant d'autres, pose un regard reconnaissant mais aussi lucide sur le milieu médical et hospitalier qu'il a fréquenté.

Un visiteur très encombrant, L'histoire d'un coffre de pirate • Étienne Guillaume • Éditions de la Fraise cultivée • 2020 • 114 pp • 16 EUR

Couverture livre Ainsi court le chemin

Dans cet ouvrage, Nathalie Boutiau nous raconte son père, au crépuscule de son existence. Ces moments, douloureusement intenses, la rapprochent d'un homme qu'elle a toujours aimé et admiré, mais dont elle n’a jamais pu véritablement se rapprocher. À travers l'inévitable déliquescence du corps et la souffrance qui l'accompagne, l'effritement de la mémoire, la solitude de la vieillesse, une intimité nouvelle, particulière, se crée entre le père et sa fille. "Nous nous tenons par le bras. Le tremblement de son corps passe par le mien et rejoint l'intime, là où cogne le sang qu'on sent passer et qui nous rend vivant parmi les autres vivants", écrit-elle. C'est un contraste qui se dessine magnifiquement au fil des pages de ce récit : prisonnier d'un corps qu'il ne maîtrise plus, son père se rapproche doucement de la mort. Ce qui, paradoxalement, révèle à Nathalie la moindre étincelle de vie qui subsiste encore en lui. La vie, cette "marche en avant, à contretemps de ce temps qu'on ne rattrape jamais." Dans ses gestes rendus maladroits, son besoin constant d'être rassuré, ses silences et les yeux qu'il pose sur le monde extérieur, Nathalie retrouve en son père l'enfant qu'il a sans doute été, il y a longtemps. Et de s'interroger : lorsque la fin approche, que reste-t-il vraiment de toutes ces années écoulées ? Avec ce témoignage, Nathalie Boutiau livre une ode, sensible et douce, au temps qui passe et ce qu'il laisse derrière lui. L'évocation de la fin d'une existence qui se transmue, page après page, en vraie leçon de vie.

Ainsi court le chemin • Nathalie Boutiau • Éditions Academia • 2020 • 106 pp • 12,50 EUR

Couverture livre Sous l'immense forêt que je serai

Avec des mots simples, tout en pudeur et modestie, Guy Krettels rend hommage à sa compagne, Christine, emportée à 51 ans par un glioblastome, une tumeur au cerveau agressive et incurable. Il raconte l'arrivée de la maladie, tellement inattendue chez cette femme ultra-sportive et débordante de vie. Les relations, parfois houleuses, avec le corps médical qui accompagne la famille dans l'indicible épreuve d'une mort annoncée. Il n'occulte rien non plus de la difficulté à gérer la dégradation physique et mentale de l'être si chèrement aimé, ni de la douloureuse réconciliation avec l'inéluctable auquel ils ont dû se résoudre, lui, sa compagne et Élisa, leur fille de 20 ans. La violence de l'adversité est retranscrite par Guy Krettels sans jamais être édulcorée. Il parle de Christine avec amour et honnêteté, témoigne de son combat contre la maladie sans jamais imposer sa propre interprétation. Tout au long de ce récit poignant, ponctué de courriers intimes rédigés par Christine ou lui-même au plus fort de la tempête, on ressent que Guy Krettels tente de trouver un sens à ce combat perdu d'avance et de comprendre comment sa compagne a pu, durant de si longs mois, créer également tous ces moments de bonheur et de rire. Des moments qui permettent de tenir sur la longueur, mais qui soulignent encore plus l'absence à venir. Cet hommage poignant est autant un hymne à la vie qu'un cri de désespoir. Et, incontestablement, une vibrante déclaration d'amour.

Sous l'immense forêt que je serai • Guy Krettels (éditeur) • 2020 • 144 pp • 12 EUR

Couverture livre À chaque battement de nos cœurs vaillants

Hugo est un petit garçon comme les autres. Dynamique, vif d'esprit et drôle, il aime l'école et le judo, adore sa petite sœur, la nature et surtout les chats. Quand on lui diagnostique une tumeur au cerveau à l'issue fatale, Hugo, du haut de ses dix ans, ne s'effondre pas. Malgré les traitements, la lente dégradation de son corps qui amène tant de souffrances, le jeune garçon reste fort et accepte son sort avec courage et maturité. André Füzfa, le papa de Hugo, dévoile ici l'inconcevable horreur de perdre un enfant par la maladie. Comment survivre à une telle injustice, une telle douleur ? Face à cet abîme, André Füzfa a choisi, avec cet ouvrage, de raconter la métamorphose de son fils qui, de cocon à papillon, est devenu la plus belle version de lui-même. Les mots tentent de donner du sens à l'épreuve traversée par Hugo, cet enfant qui a dû grandir tellement vite. "Si l'histoire de sa maladie vaut la peine d'être contée, c'est parce qu'il est resté lui-même, entier et sans compromis, jusqu'au bout, malgré des circonstances terriblement implacables", souligne André Füzfa. Ce récit, déchirant mais sans pathos, où résonnent sans cesse des notes d’amour et d’espoir, veut porter un message aux parents qui devront peut-être faire face aux mêmes questions, aux mêmes déceptions, au même effondrement. Et, peut-être, les aider à se relever...

À chaque battement de nos cœurs vaillants • André Füzfa • Weyrich Édition • 168 pp • 15 EUR