Editos

Alcool : questionnement individuel, responsabilité collective

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(c) adobestock
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Alexandre Verhamme, directeur général de la MC

Alexandre Verhamme, directeur général de la MC

Comme chaque année, février voit arriver sa Tournée Minérale ! Si l’on peut s’interroger sur la pertinence générale des "mois sans", celui sans alcool a le mérite de mettre en lumière les bienfaits très concrets et rapidement observables d’une réduction voire d’une interruption complète de sa consommation : meilleur sommeil, perte de poids, amélioration du sentiment de forme physique et mentale, peau plus éclatante, économies… De manière positive, cette campagne invite chacun à s'interroger sur sa relation à l'alcool. 

Les acteurs de terrain s’accordent pour qualifier le nouveau "plan alcool" de coquille vide.

Mais si l’on peut soutenir ce questionnement et ce passage à l’action individuel, il n’exonère pas les autorités publiques d’une responsabilité collective. Il est grand temps que la Belgique se dote d'un plan alcool ambitieux. Plusieurs ministres de la Santé s'y sont déjà cassé les dents. En 2013, Laurette Onkelinx avait vu son plan torpillé par les lobbies alcooliers. En 2016, rebelote pour Maggie De Block. Fin de l'année passée, l’ébauche d’un nouveau plan fédéral a été présentée (pour validation attendue début mars).  Faut-il craindre que cette troisième tentative ne soit un nouveau coup dans l'eau ?

De manière assez unanime, les acteurs de terrain (associations du secteur des assuétudes et de la réduction des risques, de la promotion de la santé, le monde médical…) s’accordent pour qualifier ce nouveau "plan alcool" de coquille vide.

Un menu très allégé 

Au menu de ce maigre repas, on retrouve des mesures d’interdiction concernant la publicité en faveur de l’alcool dans les programmes dédiés aux mineurs d'âge, quel que soit le support concerné (journaux, radio, télévision, réseaux sociaux). 

Le plan propose aussi d'interdire la vente dans les stations autoroutières (entre 22h et 7h du matin), dans les magasins des hôpitaux et dans les distributeurs automatiques (mais la vente reste autorisée dans les night shops !). Les mesures concernant l'âge minimum pour acheter de l'alcool ne sont pas modifiées (16 ans pour la bière et le vin, 18 pour les alcools forts), mais clarifiées pour une application plus stricte.

Enfin, le gouvernement fédéral veut élaborer et mettre en œuvre un trajet de soins alcool, spécifiquement pour le groupe cible des adolescents et des jeunes adultes.

Quid de réelles mesures de santé publique ?

Faut-il rappeler que ce n’est pas le produit lui-même qui pose un problème, mais bien sa surconsommation et tout ce qui peut l’y encourager ? L’alcool est le psychotrope qui impacte le plus la santé publique dans notre pays. Avec plus de 12 litres d’alcool pur par an et par habitant en moyenne (source : panorama de la santé OCDE) la Belgique est un des pays où la consommation est la plus élevée au monde. Les excès d’alcool y sont responsables de près de 10.000 décès par an. Lieven Annemans, économiste de la santé à l'université de Gand estime le coût socio-économique de l'alcool à plus de 4, 2 milliards d'euros par an si l'on considère les dommages causés au sens large : absentéisme au travail, criminalité, accidents de la route... Soit trois fois plus que les recettes qu'il engendre !

La Belgique est un des pays où la consommation est la plus élevée au monde !

La consommation d'alcool est perçue trop souvent comme un problème uniquement au stade de l'addiction. Il n'y a pourtant pas de consommation sans risque pour la santé. On peut donc légitimement s’interroger sur l’absence de mesures fortes concernant entre autres : la prévention, l’interdiction globale de la publicité pour l’alcool, l’étiquetage (nutritionnel et indiquant le nombre d’unités d’alcool sur chaque contenant), la mise à disposition d’eau dans l'Horeca et les milieux festifs, le renforcement de la formation des professionnels (repérage précoce…), la publication d’information validée sur les risques pour la santé d’une consommation d’alcool afin que chacun puisse faire des choix éclairés.

On le sait, dans notre pays, l’alcool est la drogue festive et culturelle la plus consommée. Le budget accordé à la prévention est dérisoire et celui consacré à la gestion des conséquences de l’alcoolodépendance énorme… cherchez l’erreur ! Du courage politique sera nécessaire pour faire enfin primer la santé publique face aux enjeux économiques, dans un pays qui, à titre d'exemple, exporte pour quelques 860 millions d'euros de bière par an et en consomme pour 1.130 millions.

La MC aussi actrice concrètement

Pendant 3 ans la MC a participé à Satraq, un programme européen visant à apporter des réponses innovantes en matière de réduction de la consommation dans les régions transfrontalières belgo-françaises (nous reviendrons sur les conclusions de ce projet dans notre prochaine édition). Pas moins de 1.600 acteurs de terrain se sont mobilisés, et leurs recommandations sont unanimes : il faut absolument mener des politiques de santé publique à large échelle pour sensibiliser aux risques de l'alcool.

Par ailleurs, à la MC nous pensons également que tout ce qui favorise la convivialité sincère, le partage créatif, et plus largement le bien-être, est une manière également de prévenir les abus. C'est dans cette direction aussi qu'il faut chercher les équilibres indispensables à la santé individuelle et collective. Toutes les activités sportives et sociales que nous proposons y contribuent.