Editos

Le coût des règles

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Elisabeth Degryse

Elisabeth Degryse

Alors que nous célébrons la journée internationale des droits des femmes ce mercredi 8 mars, une bonne nouvelle nous est arrivée en provenance d'Espagne. Ce 16 février, le Parlement espagnol votait une loi instaurant un congé menstruel en cas de règles incapacitantes liées, par exemple, à des pathologies comme l'endométriose (une maladie qui touche environ1 femme sur 10 et provoque notamment desrègles douloureuses). Cet arrêt de travail, dont la durée n'a pas encore été définie, devra être accordé par un médecin et sera financé par la sécurité sociale.  

Avec ce texte, l'Espagne est le premier pays en Europe à adopter une telle mesure. Pour la ministre espagnole de l'Égalité, Irène Montero (Podemos), cette loi permet aussi de lever un tabou : " les règles doivent cesser d'être associées à la stigmatisation, à la honte et à la gêne". Certes le temps où les publicités représentaient pudiquement le sang des règles en bleu pour ne pas choquer est révoluLe sujet n’en reste pas moins toujours délicat à aborder, en particulier dans le monde du travail (Lire aussi "Bien vivre la ménopause au travail", En Marche, 21 mars 2022). 

350.000 femmes sous le seuil de pauvreté 

Les règles, un phénomène inhérent au cycle de la vie et qui touche tout de mêmela moitié de l’humanité, reste encore trop souvent une source d'inégalités, comme le souligne d’ailleurs le Conseil de l’égalité entre Hommes et Femmes de Wallonie (CESE Wallonie), qui réunit organisations syndicales et patronales, dans un avis publié en 2021. Sur une vie, une femme est amenée à dépenser entre 2.000 et 10.000 euros en protections périodiques, soit un budget qui peut facilement tourner autour 100 à 150 euros par an. On sait aussi que la pauvreté touche plus durement les femmes, rappelle le CESE, qui seraient quelques 350.000 à vivre sous le seuil de pauvreté en Belgique. Dès lors, pour nombres d’entre ellesl’accès à ces produits d’hygiène peut s’avérerproblématique. Selon un récent rapport de la Fédération des associations générales étudiantes, cité par le CESE, 13 % des étudiantes déclarent avoir parfois choisir entre l'achat de protections ou d'autres biens essentiels. Plus interpellant encore,répondante sur 10 confie avoirdéjà fabriquer ses propres protections faute de moyens. Des systèmes D qui en plus d’être inconfortables ne sont pas toujours dénués de tout risquespour la santé. 

Des lignes qui bougent 

Petit à petit, la question de la santé menstruelle affleure dans le débat public. En juillet 2022, la fédération Wallonie-Bruxelles s'est engagée dans un plan endométriose qui prévoit un meilleur financement de la recherche, une formation des professionnels de la santé et une sensibilisation du grand public pour améliorer la prise en charge de cette maladie qui reste aujourd'hui encore la source de longues errances diagnostiques (les patientes mettent en moyenne 7 ans à obtenir un diagnostic !). Toujours en 2022, en Wallonie, les pouvoirs publics ont mis en place des projets pilotes visant à distribuer des tampons et des serviettes gratuites dans des maisons médicales, des centres de planning familial, ainsi que des centres d'hébergement d'urgence et autres lieux accueillant de publics fragilisés. Saluons aussi au passage le travail réalisé par l’association BruZelles dans la capitale, qui récolte des dons afin d’offrir des protections aux femmes vivant dans la très grande précarité.   

Aujourd'hui la MC soutient la campagne que lance Caritas pour lutter contre la précarité menstruelle. L’ONG recommandl’installation de distributeurs de serviettes et de tampons gratuits dans lesécoles (la précarité menstruelle est aussi pointée comme une cause d’absentéismescolaire), la mise à disposition par les CPAS de budgets destinés à l’achat de protections périodiques, ou encore de réduire la TVA sur ces produits à 0% comme l'a réalisé le Royaume-Uni avec succès (en 2018, la Belgique a déjà réduit la Tva sur les protections de 21 à 6%, taux applicable aux produits essentiels). 

Adaptations au travail, sensibilisation à l'endométriose, prix abordable pour les protections périodiques, etc. Une meilleure prise en considération de la santé menstruelle dans notre société permettrait de lutter contre ce qui vient, encore, allonger la liste des trop nombreuses inégalités hommes - femmes en matière de santé. Si les femmes ont globalement une espérance de vie plus longue que les hommes, elles sont plus touchées par les maladies chroniques courantes, renoncent davantage à des soins pour raisons financières, sont victimes de discriminations liées à leur grossesse, sont parfois oubliées dans les essais cliniques en matière de recherche médicale... Autant de constats contre lesquels la MC se mobilise.