Editos

Remettre l'humain au coeur des maisons de repos

3 min.
Alexandre Verhamme - Directeur général MC

Alexandre Verhamme - Directeur général MC

La sortie très remarquée du livre Les Fossoyeurs sur les maltraitances dans les Ehpad en France (établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) a relancé jusque chez nous le débat sur l'accompagnement des personnes âgées. Dans cette enquête particulièrement fouillée, Vincent Castanet s'intéresse aux pratiques d'Orpea, groupe privé côté en bourse qui compte parmi les leaders du "marché". Le journaliste français y dénonce une "gestion exclusivement comptable de la prise en charge d’êtres humains vulnérables" : économies réalisées sur les soins et l'alimentation, épuisement du personnel qui ne se trouve plus dans les conditions d'exercer son travail correctement, manque de transparence financière…

Quand le temps est compté comme de l'argent, comment répondre à la fragilité, à la souffrance, à la solitude des résidents ? La logique mercantile qui régit certaines maisons de repos constitue un terreau fertile aux dérives qui conduisent à la maltraitance. Mais le caractère non marchand d'une structure juridique ne suffit pas à garantir à lui tout seul le respect des bonnes pratiques. La nuance est de mise et il faut éviter de jeter l'opprobre sur le secteur dans sa globalité : les maisons de repos ne sont pas toutes des mouroirs, loin de là heureusement ! Ils sont nombreux et nombreuses, infirmiers et infirmières, aides-soignants et soignantes, médecins, ergothérapeutes, etc., à se dévouer quotidiennement pour le bien-être de leurs résidents.

La marchandisation et la concentration du secteur qui réduit le choix autour de quelques groupes privés constituent sans doute une des causes centrales des dérives constatées et doivent nous préoccuper. Mais ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. La question de la prise en charge du vieillissement est bien plus large et complexe que cela. De même, renforcer les services d'inspections est nécessaire, mais ne va pas régler la question d'un coup de baguette magique.

Au-delà des maisons de repos, l'enjeu du vieillissement

Faire comme si nous découvrions la problématique serait hypocrite. En France, comme en Belgique, ce n'est pas la première fois que des histoires sordides de résidents maltraités atterrissent dans les colonnes des journaux. L'opinion s'émeut, s'indigne, puis passe à autre chose. Révélateur du manque de considération que nos sociétés réservent à leurs ainés ? Chacun jugera. Espérons que la prise de conscience aboutisse cette fois à des changements durables. Comme le soulignent les associations du secteur des aînés, dont Énéo, dans une carte blanche récente (2), une refonte globale du système des maisons de repos s’impose. N'attendons pas un prochain scandale, plaident-elles, "pour mettre en place une nouvelle législation, plus qualitative et soucieuse de l’intégration des résidents et de leurs proches dans les décisions qui les concernent." N’attendons plus également pour réfléchir plus globalement aux différents moyens d'accompagner les personnes en perte d'autonomie avec la plus grande bienveillance.

Ce n'est pas un scoop, la population vieillit. Et cette population est particulièrement vulnérable. Le risque de pauvreté des plus de 65 ans (18,7 %) est sensiblement plus élevé que celui des moins de 65 ans (13,1 %), selon le bureau fédéral du Plan.

L'entrée en maison de repos ne devrait plus être vécue comme une contrainte ou un choix un peu honteux. Une maison de repos ne doit pas être un lieu de soins aseptisé, mais un lieu vivant : un nouveau foyer où le résident se sent chez lui, un endroit où il est libre de donner son avis et de faire des choix, un espace à taille humaine et ouvert sur le monde extérieur. Et, si la maison de repos s'avère parfois une étape incontournable, il faut d'abord permettre aux personnes âgées de rester autonomes le plus longtemps possible dans leur environnement et respecter leur choix. La MC plaide pour la mise en place effective d’un continuum d’aides et de soins pour les personnes en perte d’autonomie et un renforcement des alternatives qui y contribuent : services d’aides et soins à domicile, centres de coordination, aménagement adapté de l’habitat, accueil de jour, centres de convalescence et de revalidation, habitats communautaires, résidences services sociales, etc. La MC rappelle que la mise en place d’une assurance autonomie permettrait d’atteindre ces objectifs. Sans oublier, c'est un sujet qui nous tient particulièrement à coeur, toutes les personnes qui ont un rôle d'aidants proches, et qui ont, elles aussi, besoin de soutien et de répit.

Le bien-être des personnes âgées n’est pas qu’une affaire de soins. Beaucoup d’autres facteurs fondamentaux influencent la santé et la qualité de vie de nos ainés : la qualité de l’habitat, l’aménagement du territoire, les transports, la mobilité, la culture, les loisirs… Ici aussi, une politique transversale en faveur des aînés prend tout son sens.