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L'irrésistible attrait pour la nature

L'irrésistible attrait pour la nature © Pixabay

Un coucher de soleil, un ciel étoilé, une étendue boisée, un dahlia ou une bruyère, l'eau d'un fleuve… la nature nous attire. Étrange fascination pour ses beautés, que l'on reproduit sur nos fonds d'écran, que l'on capture en image, pour nous apaiser.


Plus de la moitié des terriens sont aujourd'hui citadins. Mais pratiquement tous, des villes ou des champs, aspirent à "retrouver un paysage qu'ils aiment, à admirer montagnes, océans, forêts, landes ou campagnes". En ligne de mire, s'abreuver à cette source de bonheur et de bien-être inusable qu'est la nature. Contrairement à d'autres qui nous rendent joyeux, celle-là ne s'épuise jamais. Elle ne connaît pas l'usure de l'habitude. Elle est étrangère à ce que la psychologie positive nomme "habituation hédonique", c'est-à-dire l'oubli de ce qui nous rend heureux et la perte d'effet sur nous. "Ainsi, si je dispose d’une douche chaude chaque matin, ou que je vis en démocratie, j’ai tendance à oublier qu’il s’agit de chances et non d’évidences, qui me seraient dues éternellement, explique le psychiatre Christophe André (1). (…) L’habituation hédonique contamine hélas à peu près toutes nos sources de bonheur : bonheur d’être en vie, de pouvoir marcher sur ses deux jambes, de voir, d’entendre, d’avoir des amis, des enfants, un travail…" On s'habitue, c'est tout.

Bonheur inusable

Avec la nature, il en va autrement. Sans doute grâce à une de ses caractéristiques : son surgissement perpétuel. Comme l'observe le philosophe Alexandre Lacroix qui se demande pourquoi nous ressentons tant d'émotions face au spectacle de la nature, "un paysage, ce sont des apparences sans cesse rafraîchies, dont l'écoulement ne se tarit jamais. La nature est un univers pluriel qui se renouvelle sans cesse". (2) En fonction de l'heure du jour, du temps qu'il fait, de la saison…, elle se modifie. Autre explication à ce bonheur inusable : contempler la nature c'est ressentir et non posséder. "Pour être heureux durablement, mieux vaut savourer que posséder !" (1). Le titre de propriété d'un jardin ou d'un lopin de terre n'est rien au regard de l'usage que l'on peut en faire: le regarder, le cultiver, s'y allonger… Là se trouve une source de bonheur.

Source de santé

Systématiquement, la nature nous "ressource", elle "infuse en nous son énergie", "suspend momentanément nos préoccupations et nos conflits intérieurs". Sa simple présence serait même thérapeutique. Ainsi, depuis les années 80, et les études du chercheur américain Roger Ulrich, il a été montré que les patients convalescents en contact avec la nature bénéficiaient d'effets cliniques (bienêtre accru, diminution des symptômes pathologiques), et biologiques (diminution du cortisol dans le sang, de la pression artérielle et du rythme cardiaque). Des images d'espaces naturels et des plantes vertes provoquent cet effet verdure. Mais sans commune mesure avec l'immersion. La nature représente une source vitale de santé mentale et corporelle. Plus encore, "notre cerveau est sensible, sans que nous en soyons conscients, à la biodiversité, relate Christophe André sur base des recherches en la matière. Le bien-être que nous ressentons dans la nature est proportionnel au nombre des espèces de plantes et de chants d'oiseaux".

Nos sens à distance

La nature en recèle des bienfaits … enfin quand nous lui en laissons l'occasion. Car notre modernité nous éloigne des paysages, et même des simples pousses d'herbes. Notre brouhaha couvre le chant des oiseaux et la musique du monde. "Par rapport à nos lointains ancêtres les chasseurscueilleurs ou simplement à un paysan du XIXe siècle, nous faisons figure d'infirmes auditifs" (2). Nous avons aussi pris l'habitude de vivre narines fermées pour éviter les gaz d'échappement et nous désodorisons artificiellement notre environnement. Nous ne connaissons plus le corps-à-corps avec la nature. Tresser, cueillir, creuser : nos mains n'en font plus leur quotidien… Bref, nos sens sont rendus insensibles à la nature, sans que nous en ayons vraiment cons cience. Pour renouer avec cette composante de notre humanité, il n'est pas utile de chercher loin. Même derrière un mur d'immeubles, le soleil se couche. Répétons-nous de temps à autre : regarde ! Écoute ! Respire !...