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Les élections et après…

Les élections et après… © Jean-Luc Flémal/BELPRESS

Les lendemains d'élections charrient leur lot de leçons. Certaines sont directement nécessaires pour guider l'assortiment de couleurs au gouvernement. Alors, les pronostics s'étalent sous la forme de nuanciers. Mais cette rapide analyse coûts/bénéfices ne devrait pas faire oublier d'autres enseignements. Eux aussi sortis des urnes ou plus précisément de leurs bouderies.


10% des électeurs belges ne se sont pas présentés aux portes de l'isoloir, ce 25 mai, malgré l'obligation à laquelle est tenu le concitoyen. 5,70 % ont remis un vote blanc ou nul. Tandis que le taux de participation aux élections européennes dans les pays de l'Union atteint un malheureux 43,09 % de moyenne. Certes, on peut lire ces chiffres sans dramatiser : ces totaux n'affichent pas vraiment une situation qui empire en comparaison avec les scrutins précédents de 2010 ou de 2009. Néanmoins on doit sûrement s'inquiéter de cette tendance lourde, de cette lame de fond que rien ne semble contrarier.

Indifférence, voire rejet ? Impression d'un combat gagné ou perdu d'avance? Isolement voire exclusion de la vie de la cité? Cas de force majeure? Les raisons de l'abstention ne sont en tout cas pas monocordes. Un détour par le site www.faussesbonnesexcuses.be (1) attestera de la diversité des prétextes cocasses ou d'autres motifs plus sérieux, avancés par ceux qui ne vont pas voter. S'agit-il pour autant de considérer le taux d'abstention comme une donnée permanente, un fait devenu immuable? Les lecteurs d'En Marche en juin 2011 auront encore à l'esprit un dossier à propos des “oubliés de l'isoloir”. Leur profil : âgés et résidents en maison de repos. La pratique répandue : établir des certificats médicaux pour l'ensemble d'entre eux, les exemptant de voter. Dans ce reportage, il était surtout instructif de découvrir des maisons de repos dissonantes qui se mobilisent pour le vote de leurs résidents et qui innovent(2). Elles prouvent que même ces abstentions de circonstances – quasi normalisées – ne relèvent pas de la fatalité.

Pourtant la “crise de la représentation” serait une constante des démocraties. Le politologue Vincent de Coorebyter évoque cette “inévitable” tension dans un outil à destination des professeurs du secondaire pour parler politique avec leurs ouailles(3). Il rappelle ainsi que “l'élection est un système de sélection des dirigeants, et non de transfert de volonté”. Et de pointer un “malentendu” intimement chevillé au corps des démocraties : “Si l'élu se réclame de l'identité de vue entre mandataires et mandants, il se rend coupable aussitôt qu'il s'écarte des volontés populaires. Si l'élu se réclame au contraire de sa différence, de son surcroît de sagesse et de compétence puisé dans une information éclairée, le sens des intérêts contradictoires et l'art du compromis, il ne peut plus prétendre être représentatif de ses électeurs”.

Il n'empêche : alors qu'un certain nombre de citoyens ne se déplacent pas pour aller voter, plus d'un observateur se questionne. L'historien et écrivain belge David Van Reybrouck en fait partie. Il décrit l'effritement du soutien à l'action publique fait d'abstention, de volatilité, de manque d'adhésion, de mouvements d'indignation, de mépris affichés… Dans un récent opus au titre malheureusement réducteur (“Contre les élections”)(4), il se pose en médecin au chevet de notre démocratie. Symptômes, diagnostics et remèdes l'entraînent d'un constat de “syndrome de fatigue démocratique” à un plaidoyer pour un renouveau dans le domaine. Ainsi, il imagine un modèle bi représentatif, associant élection de politiciens et tirage au sort de citoyens.

Cette adaptation du système actuel cumulerait les vertus de compétences de politiciens de métier et de liberté de citoyens qui n'ont pas à se faire réélire ; en plus de constituer une véritable école de la démocratie pour ces derniers. Expériences à l'appui – comme le G1000 en Belgique(5) mais aussi une récente assemblée constituante en Islande –, le défenseur des processus participatifs est convaincu du dévouement des citoyens que le hasard désigne, de leur approche constructive et de la finesse de leurs recommandations. En réunissant politiques et citoyens, le modèle serait le gage d'une plus grande implication populaire, d'un soutien à l'action publique. Pourquoi pas? Finalement, la proposition serait moins saugrenue qu'il n'y paraît au moment où le Sénat est en mutation. Et la première étape serait à franchir sans tarder, en nommant un ministre de la participation. A voir avec la constitution du gouvernement.