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"Trois pas en avant, trois pas…", ritournelle autour de l'accord social

© Guy Puttemans

Une marge pour négocier des augmentations de salaires, le relèvement des allocations sociales les plus basses, la prolongation de certaines dispositions de fin de carrière... : l'accord social approuvé par les interlocuteurs sociaux - à l'exception de la FGTB – engrange des acquis. Mais les trois syndicats restent très mobilisés.


Dans les médias, on entend parler de "Groupe des 10 ou des 8", de "partenaires sociaux" - on devrait d'ailleurs les appeler plus justement des "interlocuteurs sociaux" -, de préaccord social, d'accord rejeté ou conclu… Pas toujours facile de s'y retrouver dans les mécanismes de la concertation sociale. Reprenons depuis le début…

Traditionnellement, tous les deux ans, représentants des employeurs et des travailleurs du secteur privé s'assoient autour de la table pour négocier un accord interprofessionnel qui concerne l'ensemble des travailleurs salariés. Cela n'inclut donc pas le secteur public qui a son propre organisme de négociation (le comité A), ni les indépendants. Ces accords interprofessionnels portent sur le pouvoir d'achat des travailleurs salariés et des allocataires sociaux, la formation, la fin de carrière, etc. Ils balisent le cadre des négociations qui peuvent ensuite être entamées au cœur des secteurs et des entreprises.

Le contexte politique n'a pas permis au Groupe des 10(1) de négocier un accord professionnel digne de ce nom pour 2015 et 2016(2). En effet, en imposant une série de mesures jugées inacceptables par les syndicats, le gouvernement Michel a réduit les marges de négociations possibles.

Après de longues séances de discussions, les négociations ont toutefois abouti à un préaccord avalisé par tous, à l'exception de la FGTB regrettant l'absence de concertation sur l'emblématique saut d'index. Le groupe des 10 est ainsi devenu le groupe des 8 (sans les deux représentants de la FGTB). Restait à voir si les instances de ces 8 négociateurs allaient entériner le préaccord. Ce fut le cas, notamment à la CSC dont les instances législatives (le Conseil général) ont approuvé de justesse l'accord avec une courte majorité des voix (52,13 %).

Premiers pas

Quelles sont les grandes lignes de l'accord 2015/ 2016 ? Sur le plan salarial, aucune augmentation ne sera possible en 2015. La modération salariale se poursuit donc pour la 3e année consécutive. Pour 2016, par contre, le blocage salarial est levé (selon une marge de 0,8%). Deuxième point important de l'accord : l’utilisation de l'enveloppe budgétaire affectée à l’adaptation au bien-être (lire L'enveloppe bien-être). Elle satisfait la Mutualité chrétienne : "Les interlocuteurs sociaux n’ont pas oublié les malades et les invalides dans la répartition de l’enveloppe bien-être", commente Jean Hermesse, secrétaire général.

En ce qui concerne la fin de carrière, l'accord social exécute le "mini-accord" conclu à la mi-décembre par le Groupe des 10 sur cet épineux sujet. Le gouvernement souhaitait durcir les conditions pour accéder à la prépension et au crédit-temps de fin de carrière. Patrons et syndicats se sont accordés sur des conditions d’âge et d’ancienneté plus favorables. À traduire dans des conventions collectives de travail (CCT) interprofessionnelles.

Toujours mobilisés

L'accord social engrangé, les trois syndicats poursuivent néanmoins leur mobilisation en front commun, dans l'espoir d'un changement de cap gouvernemental. En ligne de mire : "les mesures injustes et vexatoires qui subsistent dans les projets du fédéral", précise la CSC. Tel le saut d’index qui "reste une perte de revenus pour chaque travailleur, invalide, chômeur, pensionné et n'a aucun sens dans le contexte socio-économique actuel". Telle la disponibilité des chômeurs et des ex-prépensionnés jusqu’à l’âge de 65 ans ("une mesure absurde"). Telle la suppression de la moitié de l’allocation de garantie après deux ans ("une mesure odieuse qui va plonger les travailleurs à temps partiel – surtout les femmes - dans la détresse"), etc.

Les syndicats continuent de réclamer une fiscalité équitable et progressive, avec une juste contribution des revenus du capital, ainsi que des engagements pour des services publics de qualité. "L'évasion fiscale reste reine en Belgique et en toute impunité alors que les exclusions des allocations sont très faciles. En matière de protection sociale et de services publics, une réduction de 20%, ce n'est plus de l'austérité : c'est mettre en danger les plus fragiles", dénonce la CSC.

La mobilisation syndicale est vivace. Le 11 mars prochain, un rassemblement est programmé. D'ici là, le front commun informe, rassemble et sensibilise.