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Pour la curiosité, mention très bien

Pour la curiosité, mention très bien © J-M Lallemand /BELPRESS

Le témoignage d'un enfant qui ne fût pas élève – au contraire de l’ensemble de ses contemporains – attise la curiosité. André Stern a la quarantaine. Dans un livre, il raconte son parcours d'apprentissages(1). Originalité: il se déroule loin des bancs de l'école, en dehors d'un rythme habituel de leçons, sans manuels scolaires.


Les parents d'André Stern ont fait le choix de ne pas l'inscrire à l'école, sans non plus faire classe à domicile. Comme on apprend à marcher ou à parler, il apprendra la lecture, l'écriture, les mathématiques, puis la lutherie, la musique, le journalisme, les langues… En dehors des sentiers battus, son témoignage ne se veut ni l'indication de la route à suivre, ni une nouvelle méthode. Il agit par contre tel un petit caillou dans une chaussure. Il nous oblige à nous arrêter un instant. Le temps de reconsidérer l'aventure humaine trop souvent cadenassée dans une formule “études/métiers/ retraite”, et nos catégories : boulot/vacances, vie professionnelle/vie privée, apprentissage/récréation...

À écouter cet autodidacte d’un genre particulier, on perçoit les bases de l'apprentissage : observation, écoute vigilante, imitation sincère..., compagnonnage aussi. André Stern rencontrera des “maîtres” qui accompagnent pas à pas “sans vous précéder, sans vous assommer d'une méthodologie préconçue, sans vous distraire de votre cheminement, sans vous imposer de questionnaires à réponses multiples, ni de parcours chronométrés…”. Dès le plus jeune âge, il se nourrit d'un arrivage hebdomadaire de bouquins en tout genre, poussant à l'exploration d'un thème, d'une mécanique… Et surtout son enthousiasme n'est pas étouffé.

Le désir d'apprendre compte parmi les dispositions spontanées de tous, dit-il. Il s'agit de le protéger – par exemple en valorisant le jeu, au lieu de confiner les apprentissages dans des cases, de les traduire en moyennes, puis de s'inquiéter si l'apprenant ne correspond pas au modèle. À ses yeux, l'enthousiasme constitue un engrais pour grandir : “Tous les neurobiologistes vous le diront : le cerveau se développe là où on l'utilise avec de l'enthousiasme (…). Tout ce qui s'apprend dans un acte d'enthousiasme s'inscrit en nous à jamais”. Et d'ajouter qu'apprendre ne cesse jamais.

Mais comment choyer cette pulsion de savoir, cette curiosité? Du côté du Fraje – association de formation continue pour les milieux d'accueil 0-12 ans(2) – on s'y attèle. Certes le parcours d'André Stern ne leur apparaît pas généralisable, tant il nécessite de l'attention et une présence importante. Mais ne peut-il pas être source d'inspiration? Actuellement, le Fraje explore cette approche. Avec les travailleurs de l'accueil extrascolaire eux-mêmes. Résultat dans quelques mois. D'ici là, ces adultes se seront frottés à ce que l'expérimentation implique : oser, risquer, prendre du temps – “même tout son temps parfois” –, accepter la surprise, se retrouver en situation d'échec. Mais forts de la “présomption de compétences” – comme l'appelle Michel Serres(3). Confiants, face à l'inconnu, au vide, aux tâtonnements.