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Ces économies qui n’en finissent pas

Ces économies qui n’en finissent pas © M. Detiffe

Malgré un contexte budgétaire et social rendu difficile par certaines décisions gouvernementales, les mutualités ont pris leurs responsabilités. Elles présentent des économies et un budget 2017 pour les soins de santé en équilibre. Le Comité de l’assurance de l’Inami l’a approuvé. Mais il a aussi clairement averti qu'imposer à nouveau des économies conduira à un recul de l’accès et/ou de la qualité des soins. Ce serait inadmissible et injuste !


Le calendrier budgétaire prévoit que le premier lundi du mois d’octobre, le Comité de l’assurance de l’Inami, réunissant les représentants des prestataires de soins et des mutualités, formule une proposition de budget pour les soins de santé. Ceci vient donc d'être fait. Le budget 2017 proposé à la Ministre de la Santé est à l'équilibre, avec seulement 1,5 % de croissance des dépenses par rapport à l'année passée.

Néanmoins, il y a lieu de s'inquiéter du long terme. Le contexte économique et social se dégrade fortement. Et les promesses du grand tax shift décidé par le gouvernement Michel en juillet 2015 n'ont pas porté leurs fruits. Rétroactes.

Un tax shift qui mine la sécurité sociale

En juillet 2015, le gouvernement Michel décidait d’une réforme qu'il nommait tax shift. Le dispositif était double. D’une part, il prévoyait la réduction des cotisations sociales et autres charges patronales, dans la perspective annoncée d'alléger les coûts de production, de rendre nos entreprises plus compétitives et de générer de nouveaux emplois.

D’autre part, le gouvernement entendait "augmenter le pouvoir d’achat des travailleurs". Pour financer ces mesures, des économies importantes ont été imposées à la sécurité sociale, et en particulier aux soins de santé.

Dès le lancement de cette réforme présentée comme LA solution, nous avons dénoncé le côté aléatoire et surestimé des recettes. Surtout, il nous est apparu que les pertes de cotisations pour la sécurité sociale risquaient clairement de ne pas être compensées de manière suffisante. Aujourd’hui, un an plus tard, nous constatons que nos craintes étaient fondées. Le déficit de la sécurité sociale s’est creusé. En cause, non pas l'explosion des dépenses, mais un manque de rentrées financières. Les conséquences ne sont pas des moindres pour les soins de santé.

Aujourd'hui, l’effort budgétaire consenti ne cesse d'augmenter. Il s'élève à plus de 4 milliards d’euros maintenant ! Il serait vraiment injuste et contre-productif de poursuivre dans cette voie. Nous ne pouvons plus accepter de nouvelles économies en sécurité sociale, ni de réductions de moyens financiers pour exercer les fonctions collectives de l’État…, alors que les revenus mobiliers et immobiliers ne sont pas davantage mis à contribution.

Aux soins de santé, le gouvernement a imposé une norme de croissance annuelle réduite à 1,5 %. Une véritable gageure pour le secteur quand on sait que le bureau du plan estime la croissance normale des dépenses à 2,2 %.

Une norme de croissance insuffisante

Aux soins de santé, le gouvernement Michel a également imposé une norme de croissance annuelle réduite à 1,5 % jusqu’en 2019. Une véritable gageure pour le secteur quand on sait que le Bureau du Plan estime la croissance normale des dépenses à 2,2 %. Pour respecter les injonctions du gouvernement, 660 millions d'euros supplémentaires ont dû être dégagés, notamment par une indexation partielle des honoraires des prestataires de soins et en exécutant entièrement le pacte conclu avec l’industrie pharmaceutique. Les mesures prises ne toucheront pas le patient.

Néanmoins, si le gouvernement exige davantage et réduit encore le taux de croissance, nous sommes convaincus que conclure des accords sur les tarifs entre mutualités et prestataires de soins deviendra difficile. En l’absence de tels accords, cela en sera fini de la sécurité tarifaire pour les patients.

Avec une vision à long terme

En juin dernier, l'ensemble des mutualités ont proposé au Comité de l'assurance un projet de vision à long terme (Vision 2030). Elles invitent tous les acteurs de soins à réfléchir hors des "silos", c’est-à-dire au-delà du portefeuille de chaque secteur, et avec l’intérêt général comme guide. Sans cela, il n'est pas possible de dégager les moyens nécessaires pour lancer de nouveaux projets attendus de longue date.

Quelques exemples ? Organiser le soutien aux médecins généralistes en mettant en oeuvre des fonctions d'assistant, lancer des projets pilotes pour l'intervention de psychologues de première ligne, améliorer les remboursements de soins optiques…

La confection du budget 2017 est l'occasion de poser les premiers pas dans une dynamique qui ouvre des perspectives à long terme. L’exercice n’est pas facile mais il est essentiel si l'on veut que l’offre de soins corresponde mieux à l’évolution des besoins.