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Et maintenant, la crise financière des hôpitaux. Inadmissible !

Et maintenant, la crise financière des hôpitaux. Inadmissible !

Rapide, efficace, exemplaire, la mobilisation du secteur hospitalier pour soigner les patients atteints du Covid-19 est sans précédent. MERCI et BRAVO ! Mais cette mobilisation inédite a complètement déstabilisé les finances des hôpitaux. Il serait inadmissible qu’ils soient financièrement pénalisés et qu’in fine, ce soient les patients qui paient la facture.


Prévoir le budget d’un hôpital est un exercice difficile et stressant : les sources de financement sont multiples, les règles changent chaque année, des économies sont régulièrement imposées et annoncées tardivement. Cette complexité et cette instabilité rendent l’équilibre financier des hôpitaux fragile. Les réserves sont maigres et tout changement d’activités peut rapidement déséquilibrer les comptes. Pas étonnant que la mobilisation d’urgence de toutes les ressources pour soigner les patients attients du covid-19 a complètement déstructuré les finances des hôpitaux. 

Comment est financé l’hôpital ? 

L’hôpital tire ses moyens de quatre sources de financement : le budget des moyens financiers (42% estimés en moyenne du budget total des hôpitaux), les honoraires (35%), les médicaments et matériel médical (13 %) et les paiements des patients (10 %) 1. Le budget des moyens financiers (BMF) couvre principalement le personnel infirmier et soignant, les frais d’hôtellerie, les amortissements. Le BMF de chaque hôpital est fixé annuellement en tenant compte de ses activités. Il est liquidé à 80% en douzièmes. Le solde est payé en fonction de la réalité des admissions et des journées. Le BMF des hôpitaux aigus était de 6,3 milliards en 2019. 

Pour la même année, le budget des honoraires était de 5,3 milliards 2. Les honoraires servent à rémunérer les médecins et paramédicaux, mais aussi à pallier le sous-financement chronique des hôpitaux. C’est pourquoi 40 à 60% des honoraires sont rétrocédés au gestionnaire de l’hôpital pour couvrir le coût des actes techniques, les appareillages, les locaux, le personnel technique du laboratoire de biologie clinique, du service de radiologie… Les honoraires sont remboursés à l’acte, par jour et par admission. Quand il n’y a pas de patients, pas d’actes, il n’y a pas de rentrées financières pour l’hôpital.

Les médicaments et le matériel médical sont en partie remboursés par la sécurité sociale de manière forfaitaire par admission (selon la pathologie) et/ou en fonction du médicament matériel utilisé. 

Enfin, dernière source de financement, les patients. Ils paient de leur poche les tickets modérateurs, les prestations non remboursées, les suppléments d’honoraires et de chambre. Les paiements des patients représentent 1,4 milliard soit 9% en moyenne du budget de l’hôpital. 

Les budgets du BMF, des honoraires, des médicaments et du matériel médical sont tous prévus dans le budget 2020 des soins de santé.

La crise sanitaire déstabilise les budgets hospitaliers

Face à la vague de contamination rapide et soudaine, le plan d’urgence hospitalier (PUH) a été activé début mars. Toutes les activités, les consultations, les interventions, les examens non essentiels programmés ont été postposés. Les unités de soins, le personnel soignant et médical, les services d’urgence, les lits de soins intensifs ont été mobilisés pour accueillir et soigner les patients atteints du Covid-19. Entre mars et mai, les activités régulières ont ainsi chuté de 40 à 90%. Moins d’activités, moins de patients, moins d’actes, moins d’honoraires, moins de paiements … et donc, moins de rentrées financières alors que tout le personnel est mobilisé. L’hôpital ne touche plus les recettes habituelles nécessaires pour financer les coûts de fonctionnement et en même temps, les surcoûts liés aux soins des patients souffrant du covid-19 s’accumulent : matériel de protection, respirateurs, unités reconditionnées, heures supplémentaires… 

Les moyens sont là ! 

Le budget des soins de santé est disponible, mais les mécanismes financiers habituels pour amener ces moyens aux hôpitaux sont déstabilisés. Cette situation exceptionnelle exige une procédure exceptionnelle. Les gestionnaires des hôpitaux doivent être rassurés. En 2020, leur budget de fonctionnement « habituel » et les surcoûts liés aux soins des patients covid-19 doivent être couverts. La formule doit être simple, rapide et compréhensible. Une piste, par exemple, pourrait être de garantir 100 % du BMF et un pourcentage fixe du total des recettes d’honoraires d’une année “ normale ” (2019). 

L’utilisation des moyens doit être guidée par les principes de transparence, d’équité et de modération. Ces garanties budgétaires permettront aux gestionnaires et au personnel soignant et médical de se consacrer à la relance des soins pour tous les patients. La qualité des soins ne peut être mise à contribution pour des raisons de survie financière. 

La viabilité financière des hôpitaux n’est pas mise en péril à cause des coûts de la crise sanitaire, mais simplement parce que les circuits financiers habituels sont déstabilisés. Après la formidable mobilisation du secteur hospitalier, une crise financière serait inadmissible ! Il faut garantir un budget de fonctionnement normal pour chaque hôpital. La santé des hôpitaux, du personnel soignant et des patients est en jeu.