Retour à Éditos

L'expertise ne peut se passer de la proximité

L'expertise ne peut se passer de la proximité © M. Detiffe

Séduit par les paysages d'automne ou sensible aux ambiances d’un quartier, il nous arrive de saisir des images. Certains remarqueront les détails – une écorce, un regard – et d’autres la globalité – la forme d'un bosquet, le chamarré d'une foule. Les plus connaisseurs se demanderont : "je zoome ou je dé-zoome ?". Ce choix n'est pas qu'esthétique. Il témoigne de façons de voir le monde. Vues macroscopiques et microscopiques se complètent. En matière de politiques de santé, il en va de même.


Avez-vous déjà pris connaissance des décisions du Comité de l'assurance – cet organe qui réunit représentants des mutualités et des prestataires de soins – et des textes qui les commentent ? Voilà des rapports qui contiennent montagne de chiffres, expressions complexes, mots scientifiques relatifs à l’exercice de la médecine… De l'Aviq (Région wallonne) à l'Iriscare (Région bruxelloise), tous les lieux de débats et de décisions – peu accessible pour nous, citoyens – sont pourtant bien utiles. La maladie et la fragilité y sont intégrées dans des mécanismes globaux de protection liés à notre sécurité sociale. On y veille par exemple à l’accessibilité financière des soins, au financement de nouveautés thérapeutiques,… Le niveau de débat est large, les engagements sont importants, les conséquences économiques et sociales aussi.

Complémentairement, les politiques de santé sont pilotées par les gouvernements (fédéral, régionaux, etc) et mises en oeuvre par nos ministres. Avec l'aide d'experts de leurs cabinets, ils constituent les budgets, organisent l'offre de soins, décident des programmes de prévention… qui impactent notre vie en société. Tous ces acteurs de la politique de santé se doivent donc de développer une vision macro.

L'expertise ne suffit pas

Heureusement, ceux-ci sont davantage que des experts. Ils sont aussi des médecins proches de leurs patients, des citoyens soucieux de leur bonne santé, des personnes impliquées dans leur tissu local, des potentiels malades ou invalides… Lorsqu’ils s’expriment et formulent leurs propositions, leur positionnement ne peut se limiter à celui du technocrate déconnecté. Une dimension plus micro, s’élaborant sur les réalités concrètes de nos vies quotidiennes, se doit de rejoindre un point de vue plus global qui permet de construire les équilibres généraux.

La Mutualité chrétienne développe ce double regard, en tant que garante de l'accessibilité et de la promotion de la santé pour tous. Nous tenons à maintenir – voire à développer – ce double ancrage qui passe entre autres par le fait de permettre la participation de chacun aux débats d'experts. L'expertise se construit par le contact des réalités locales et par les échanges réguliers avec les acteurs médicaux, associatifs d'une région, d'une localité ou d'un quartier.

Un regard nourri par les contacts

La MC, dans son travail quotidien, à travers notamment ses mouvements partenaires – comme J&S, Énéo, énéoSport, Altéo qui s’adressent à des publics spécifiques – construit un point de vue collectif sur la santé. De nombreux volontaires, jeunes, seniors, malades, fragiles ou invalides…, s’engagent, interpellent, argumentent, rassemblent des points de vue pour faire entendre des voix engagées.

Si la MC est une experte, c'est bien dans cette mise en réseau et la construction collective. Elle fait remonter, d’abord localement et ensuite plus largement, les préoccupations de chacun. Les volontaires qui siègent dans les conseils d’administrations des mutualités régionales, dans les organes de gestion d'institutions de soin; ceux qui sont actifs dans la promotion de la santé à l’école, dans les entreprises de travail adapté… apportent un regard précis et avisé sur les politiques collectives. À travers eux aussi, l’accessibilité aux soins et la préservation de la bonne santé se déclinent activement.

À leurs côtés, les membres du personnel de la MC contribuent, chaque jour, à la juste redistribution des moyens de la sécurité sociale. Bons gestionnaires de dossier, de projet, experts du contact attentifs aux demandes des membres, ils possèdent aussi et surtout une fibre engagée. Car la construction du socle solidaire de notre organisation mutualiste passe par la compréhension des enjeux qui se cachent derrière le courrier d'un membre ou l'interpellation lors d'une activité. Ces échanges concrets permettent d'élaborer des systèmes de pilotage globaux.

Un des défis de demain sera certainement de maintenir notre proximité. Celle-ci se déclinera par la rencontre et sans doute aussi par les nouveaux canaux plus digitaux. L’essentiel n’est pas là. Il faut faire réseau, il faut que les actions micro se combinent pour devenir macro. Devons-nous zoomer ou dé-zoomer ? Sans doute devons-nous zoomer et dézoomer. Il s’agit de rester actif sur les terrains locaux, efficace dans nos services, utile dans nos revendications pour plus de justice sociale et de solidarité. Il s'agit de nous tenir au plus proche des "vrais gens". Il s'agit de combattre l'hermétisme des experts tout en pesant sur les politiques publiques. C’est en dé-zoomant que l’on s’engage et en zoomant que l’on construit son engagement. Nous pouvons certainement tous prendre cette double attitude.