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La concertation est fondamentale pour nos soins de santé

La concertation est fondamentale pour nos soins de santé © M. Detiffe

Le gouvernement fédéral a imposé de grosses économies dans le budget des soins de santé. Les mesures touchent tous les secteurs de soins. Et les prestataires manifestent de plus en plus clairement leur désappointement, voire leur énervement. Certains menacent de se déconventionner… In fine, les patients risquent de payer une facture plus lourde encore. Nous ne pouvons l'accepter. Nous appelons à la concertation et à la modération.


Nous l’avons déjà évoqué à plusieurs reprises, les choix sociétaux de l'actuel gouvernement fédéral portent atteinte à la protection sociale, en particulier en matière de santé. Un tiers de l’effort budgétaire de 2017 est à charge du budget des soins de santé. Malgré l'opposition de l'ensemble des acteurs – organismes assureurs et prestataires de soins – rien n’y fait. La ministre de la Santé, Maggie De Block, a communiqué les mesures détaillées pour atteindre l’économie globale de 902 millions d'euros. Aucun secteur de soins n’est épargné.

Face à cette détermination, il y a deux attitudes possibles : soit chaque secteur "sauve sa peau" et, tout en levant les bras au ciel, fait payer le patient ; soit l'ensemble des acteurs, par la concertation, cherche des mesures sélectives, équilibrées, inscrites dans une vision à long terme.

Trop et trop vite

Les mesures d'économie imposées sont sans précédent tant par leur ampleur que par leur précipitation. Dès lors, elles ne peuvent être que linéaires et brutales : réduction des budgets des hôpitaux, réduction de l’indexation des tarifs, réduction de certains remboursements. Prises en dernières minutes, elles n’offrent pas la possibilité de dégager des perspectives, d'envisager une orientation plus constructive, de mettre en place des manières d'absorber la réduction des moyens.

En outre, il n’y a pas ou peu de plans d’accompagnement et de rationalisation. Et chacun fait ses comptes. Les médecins généralistes ou spécialistes, pour lesquels le saut d’une partie de l’indexation (0,8 %) représente 20 à 30 cents par consultation. Les hôpitaux, avec une économie imposée qui représente plus de 150 millions d'euros, soit 1 à 2% de leur budget. Les pharmaciens, pour lesquels le recul des rémunérations dépasse les 3%.

Après une période continue de croissance modérée du budget des soins de santé, l’arrêt est brutal. Et cela risque de durer, les perspectives de croissance économique étant faibles.

Sauve qui peut ou réaction concertée ?

Tous les acteurs de soins de santé sont touchés : médecins, industrie pharmaceutique, hôpitaux, pharmaciens, infirmières, kinésithérapeutes… et des pertes d’emplois s'annoncent. Certains seront tentés de faire porter les mesures d'économie par les patients. Mais là aussi les limites sont atteintes. Les patients paient déjà aujourd’hui un quart du coût total des soins de santé en Belgique.

En milieu hospitalier, un tel transfert de charges impliquerait d’augmenter les suppléments d'honoraires de 10%. Impensable ! Dans certaines régions, les patients n’en ont pas les moyens. Le contentieux des factures impayées augmentera.

Tandis que dans d’autres régions plus "riches", les hôpitaux pourront compter sur les assurances privées dont les primes augmenteront. La stratification sociale des hôpitaux s’accentuera : des hôpitaux mieux équipés avec plus de moyens dans les régions "riches" et puis les "autres". Ne laissons pas s'installer cette médecine duale, l’anarchie où le chacun pour soi détermine si l’accès aux soins est garanti ou non, s’il y a un spécialiste conventionné ou non…

Jusqu'à présent, nous avons réussi à garantir la qualité et l’accès aux soins pour tous par la concertation et la responsabilisation des acteurs de soins. Ce modèle a bien fonctionné depuis 50 ans. En période de disette, la concertation et la modération sont encore plus importantes et nécessaires pour préserver l’équité, l’accès aux soins et la cohésion sociale.

S’attaquer aux enjeux et défis structurels

Pour conduire et appliquer une politique de santé digne de ce nom, il faut du temps, de la concertation et surtout de la stabilité. Gouverner, c’est prévoir. Mais comment prévoir quand chaque année en dernière minute, les règles du jeu sont modifiées ?

Pourtant, les enjeux et les défis sont connus : réorienter notre offre de soins pour correspondre à l’évolution des besoins en soins chroniques, réduire la surconsommation et surprescription de médicaments et d’actes techniques, organiser la transparence des prix et des rémunérations, introduire la délégation des tâches, revoir le mode de financement des hôpitaux, investir en santé mentale…

Si nous voulons éviter de reproduire en 2018 le scénario actuel, il faut dès maintenant partager et débattre de cette vision pour que chaque secteur de soins puisse s’adapter et s’intégrer dans une politique de santé concertée et bien comprise. Si le budget des soins de santé devait être réduit structurellement autant en parler franchement et s’organiser plutôt que de subir des coupes linéaires annuelles déstabilisantes et qui nous conduisent de manière insidieuse vers une plus grande privatisation.

Les mesures d'économie dans les soins de santé sont linéaires et brutales. Elles déstabilisent et désorientent l'ensemble des acteurs. Pour que demain ce ne soient pas les patients qui paient la facture, pour que demain le patient reste au centre de la politique de santé, pour que demain chaque prestataire trouve sa place et du sens dans une vision d’avenir partagée, nous faisons appel à la concertation, à la modération et à la responsabilité de tous les acteurs des soins de santé.