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La pollution atmosphérique, ce tueur silencieux à terrasser

La pollution atmosphérique, ce tueur silencieux à terrasser © M. Detiffe

Selon une récente étude parue dans une publication britannique spécialisée en cardiologie (European Heart Jounal) (1) , la mortalité imputée à la pollution atmosphérique aurait été largement sous-estimée jusqu'à présent. Ce ne sont pas quelque 480.000 vies amputées qui seraient à déplorer annuellement en Europe, mais bien près de 800.000... Vraiment étonnant ?


Cette étude a fait grand bruit dans la presse généraliste. Et c'est une bonne chose ! Outre ses résultats édifiants, sa particularité est d'avoir utilisé une méthodologie faisant appel à des données récoltées auprès d’une large population, plus complètes qu'autrefois, et tenant compte des interactions entre diverses sources de pollution. Les 800.000 décès évoqués concernent des Européens dont le décès est "anticipé" d'environ deux ans en raison de pathologies liées au système respiratoire, mais aussi cardiaque. Plus précisément, 40 à 80% des décès seraient liés, selon les auteurs, à une pathologie cardiovasculaire comme l'infarctus, l'accident vasculaire cérébral (AVC), l'arythmie ventriculaire ou l'insuffisance cardiaque.

De telles "révélations" nous remettent d'autres informations en tête. Dès 2011, le Conseil supérieur de la santé avait averti du sérieux de la situation en Belgique (2). Chez l'enfant à naître, disait-il, la pollution atmosphérique entraîne un risque accru de poids moindre à la naissance, de retard de croissance intra-utérine, de naissance prématurée, voire de décès ou de mortalité post-(néo) natale". Et puis... pschtttt ! De tels avertissements sont vite retombés dans une sorte d'oubli, noyés dans l'avalanche des informations véhiculées par les médias. Avec son réseau routier exceptionnellement dense et son parc de voitures de société inégalé en Eu-rope, la Belgique est pourtant au premier rang des pays européens concernés par ce type d'avertissement. L'enjeu de santé - mais aussi sur les budgets de santé publique - est majeur. Rappelons simplement qu'en 2013, l'Agence européenne de l'environnement chiffrait à 100 millions le nombre de journées de travail perdues dans l'Union à cause des arrêts de travail provoqués par la pollution de l'air (3).

Des appels répétés

En 2017, déjà, une centaine de médecins de disciplines variées, dans notre pays, avaient lancé un appel (4) aux autorités pour dénoncer la contribution de polluants atmosphériques (par-ticules fines, ozone, dioxyde d'azote...) à l'éclosion de maladies aussi graves que les patholo-gies cardiovasculaires évoquées ci-dessus ; mais aussi celle de diverses formes de cancer (poumon et vessie, leucémie chez l'enfant) et de maux moins pénibles qui – disons-le – pourrissent néanmoins la vie quotidienne de millions de familles : asthme, allergies, bronchites ponctuelles ou chroniques... Comme les auteurs de la récente étude, ces médecins avaient avancé une revendication fondamentale à laquelle la Mutualité chrétienne souscrit pleinement : aligner les normes européennes –particulièrement celles des particules fines émises par nos moteurs diesels et nos chauffages domestiques – sur les recommandations plus sévères de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Pourquoi sommes-nous si lents à remettre en cause nos manières de nous déplacer et, bien avant cela, nos manières de nous loger ? Le choix du lieu de vie – pour autant qu'on dispose de ce choix... ! – influence en effet le nombre de kilomètres parcourus et le mode de transport utilisé. À la Mutualité chrétienne, nous avons toujours voulu associer les déterminants de santé (revenus, logement, emploi, instruction...) à la réflexion en faveur d'une mobilité et d'un aménagement du territoire plus doux, faisant la part belle à la marche à pied, au vélo et aux transports en commun, mais en intégrant les préoccupations sociales. Chaque jour, nous encourageons notre personnel et nos membres à adopter des comportements qui préservent la santé de nos concitoyens et, plus particulièrement, le bien-être de nos enfants. Agir chacun à son niveau, c'est – déjà – résoudre une partie du problème. 

Dès 2015 (déclaration de Bruges) puis encore en 2018 (déclaration de Tallinn), en as-sociation avec l'agence internationale mutualiste – l'organisation qui regroupe les mutualités issues de différents pays – notre mutualité a porté sur le terrain international une revendication ferme d'alignement des normes de qualité de l'air sur les recommandations de l'OMS. Ne pas accorder l’attention qu’ils méritent aux travaux des scientifiques spécialisés nous ferait courir un risque majeur : celui de mettre trop longtemps la tête dans le sable face à diverses problématiques où santé et environnement s’entremêlent étroitement.