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La santé est-elle un droit ?

La santé est-elle un droit ? © M. Detiffe

Par le passé, on voyait la santé comme une chance. Aujourd’hui, le hasard prend moins de place. La santé est davantage considérée comme un objectif à atteindre, voire comme une condition, un moyen pour une vie réussie. Deviendrait-elle un droit ? Une exigence ?


À l’occasion de la journée des droits de l’Hom me, le 10 décembre dernier, le docteur Ghebreyesus, directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), intitulait sa déclaration : "La santé est un droit humain fondamental". L'Éthiopien, directeur de l’OMS, développe son point de vue : "La possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain (…)"

Dans un horizon sans limites ?

La santé est en effet considérée par une majorité de personnes comme l’un des biens les plus précieux. Dans nos pays occidentaux, elle donne l'impression de pouvoir être sans limite, soutenue par des innovations constantes. Les progrès scientifiques, les avancées technologiques – et la communication prometteuse qui les accompagne – poussent de plus en plus de citoyens à penser que plus rien ne doit s’opposer à ce que la médecine leur garantisse la santé. L'allongement de la durée de la vie ne va pas démentir cette opinion. En Belgique, entre 1980 et 2015, nous avons en moyenne "gagné" 7,5 années de vie. L'espérance de vie est passée de 73,3 ans à 81,1 ans. Et ce n'est qu’un début !

On nous annonce des cures de jouvence miraculeuses. L’allongement des télomères (morceau d'ADN), l’impression d’organes en 3D, la re-programmation des cellules, la duplication du contenu du cerveau… sont autant de promesses dans l'air du temps. Si ces concepts vous intriguent, lisez le dernier roman de l'écrivain français Frédéric Beigbeder : La vie sans fin. Il y part à la découverte de ce qui pourrait rendre immortel. Bien sûr, il s'agit d'une fiction mais l'écrivain y mène aussi une enquête sérieuse. Son roman se base sur des interviews d'authentiques sommités scientifiques. Dans quelle mesure, la perspective d'une vie encore plus longue en bonne santé relève-t-elle de mythes ou de la réalité ? Comment faire la part des choses par rapport à ces prédictions ? Les questions sont ouvertes et elles nourrissent des attentes énormes.

Dans ce contexte, affirmer de façon directe et absolue un droit à la santé engendrera nécessairement des frustrations. Il est en effet pratiquement impossible de supprimer tout ce qui met la vie ou la santé en danger. Et les inégalités à l'échelle de la planète sont criantes.

Trop d'infos tue l'info ?

Face à ces promesses nouvelles de la médecine et à la multitude d’informations plus ou moins fiables autour de ces questions, il n'est pas facile pour chacun de s’y retrouver. Une enquête que nous avons menée récemment en atteste. L'interview de quelques centaines de personnes (membres ou non membres de la MC, de tous les âges, résidant sur le territoire de notre mutualité régionale du Hainaut oriental) a mis en évidence à quel point nombreuses d’entre elles se sentent seules, dépourvues, perdues face au flot d’informations relatives à la santé auxquelles elles sont confrontées aujourd’hui.

Cette enquête a mis en lumière l’évolution des besoins des citoyens en matière d’accompagnement santé. Les relations entre les soignants et les patients ont évolué. De multiples informations médicales sont à disposition. De plus en plus d’applications santé et d’autotests... soutiennent cette connaissance approfondie que peuvent développer les patients sur leur santé. Ils entendent comprendre ce qui leur arrive, savoir ce qui pourrait leur arriver, ce qu’ils peuvent espérer. Mais avoir accès au monde numérique et à la pléthore d'informations santé dont la Toile regorge ne suffit pas à répondre à ces attentes. L'enquête de la MC Hainaut oriental confirme à quel point il est difficile, voire souvent impossible, de trouver une information santé simple, rigoureuse et objective. Ne serait-ce qu'à cause du temps nécessaire pour s'y retrouver. Ainsi, le manque de temps risque de devenir aussi pénalisant que le manque d’argent, par rapport à l'accès à la santé.

La mutualité en soutien

Face à ces constats, il nous apparaît que le rôle de la mutualité sera davantage encore dans l'avenir d’accompagner, de soutenir ses membres dans l’identification simple et rapide des informations santé qui leur sont directement utiles. Elle a à les guider dans le tissu d'informations et de soins qui les environne, forte de sa connaissance de la réalité locale. Dans ce sens, la mutualité régionale du Hainaut oriental a l’ambition de développer des espaces santé (physiques ou virtuels) dans lesquels chacun pourrait être guidé pour obtenir l’information, la ressource pour l’aider à conserver ou à retrouver la santé. Le but n’est évidemment pas de donner des conseils en santé, ceci relève du rôle des soignants, mais bien de donner une information pour aider à agir. Selon les besoins, cela pourrait prendre la forme d'une orientation, d'adresses de contacts, d'une liste de questions à se poser face à un souci de santé… Cela pourrait se traduire par un temps d'écoute active pour aider à identifier la problématique et guider adéquatement. Cela pourrait aussi relever d'une forme de "coaching santé", d'un soutien dans une vision globale de la santé de la personne.

Pour que la santé soit un droit, l’accessibilité (y compris financière) aux services de santé est essentielle. Mais la réalisation du droit à la santé est aussi liée à celle d’autres droits fondamentaux tels que le droit à l’alimentation, au logement, au travail, à l’éducation… et à l’accès à l’information, à la participation. À l'heure de l’hyper information, il est plus que nécessaire d’accompagner chacun à comprendre et à s’approprier les données qui seront utiles pour améliorer sa santé.