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La sécurité sociale est en danger !

La sécurité sociale est en danger ! © M. Detiffe

Elle est présentée comme la voie vers plus de simplification et de transparence. Pourtant la réforme du financement de la sécurité sociale qui vient d'être décidée par le gouvernement fédéral risque au contraire de conduire au démantèlement progressif de la protection sociale dont nous bénéficions tous. Elle ouvre le champ à la privatisation et à encore plus d'inégalités. Le danger est plus qu'imminent.


La 6e réforme de l'État, impliquant le transfert de certaines compétences liées à la sécurité sociale vers les Régions et Communautés, a entrainé une complexification du financement de notre modèle. D'autant que le gouvernement fédéral a pris en sus des mesures de réduction des cotisations sociales. Pas le choix alors, pour assurer la pérennité de la Sécu, il fallait revoir le système de financement. Les partenaires sociaux ont fait une proposition en ce sens, mais le gouvernement n'a suivi que partiellement cette dernière. Il a ajouté tant de conditions et de modalités au financement que cette réforme ne peut plus être vue comme une avancée. Elle constitue un recul social.

En effet, elle provoque davantage d'instabilité budgétaire pour les matières de sécurité sociale (pensions, incapacité de travail, soins de santé, chômage…). Elle ne tient nullement compte des conséquences du vieillissement de la population. Et elle met la concertation sociale encore plus hors-jeu.

Devant ces nouvelles "insécurités" qui vont nous conduire à moins de protection collective, les assurances privées ne manqueront pas de prendre le relais… Sachant qu'elles bénéficient à ceux qui ont les moyens de se les offrir.

En réduisant les cotisations sociales, le gouvernement porte l'espoir que les entreprises créent de l'emploi. Mais il s'agit d'un pari sur le comportement de ces acteurs qui peuvent tout aussi bien augmenter le bénéfice de leurs actionnaires…

L'instabilité budgétaire s'accroit

En réduisant les cotisations sociales, le gouvernement fédéral porte l'espoir que les entreprises créent de l'emploi en contrepartie. C'est ce qu'on appelle l'effet retour. Mais il s'agit d'un pari sur le comportement de ces acteurs qui peuvent tout aussi bien augmenter le bénéfice de leurs actionnaires, réduire la voilure de leur activité… Or, les recettes compensatoires pour combler l'éventuel manque à gagner de ces réductions de cotisations sociales ne sont pas garanties.

Autre incertitude dans le financement, la dotation de l'État. Elle ne sera pas augmentée si la croissance du PIB n'atteint pas au moins 1,5 %. Or depuis 10 ans la croissance du PIB n'a été que de 1,2 %. Ici aussi, le gouvernement s'appuie sur un pari – celui d'une croissance plus élevée que par le passé. Sans qu'un plan B ne vienne assurer les arrières.

En bref, la réforme s'appuie sur un modèle où les recettes de la sécurité sociale deviennent instables et incertaines. Le déficit est organisé.

L'impact du vieillissement est nié

Le Comité d'études pour le vieillissement (CEV) créé en 2001 étudie les conséquences budgétaires à long terme du vieillissement de la population, sur la sécurité sociale entre autres. Il estime que les dépenses sociales vont augmenter entre 2015 et 2040 de 2,9 % du PIB, soit plus de 12 milliards d'euros ! Cette croissance est normale : le vieillissement entraîne l'augmentation du nombre de pensionnés, d'invalides, ainsi que du budget nécessaire pour les soins de santé.

Dans la réforme du financement de la Sécu, le gouvernement prétend adapter la dotation de l'État via un coefficient de vieillissement, sans même faire référence à l'estimation budgétaire du CEV. Par contre il lie la dotation à deux paramètres qui n'ont rien à voir avec le vieillissement : l'âge moyen de sortie du marché du travail et la croissance du PIB. La réalité du vieillissement est tout simplement niée ! Comment seront alors assurés le paiement des pensions, celui des soins de santé, celui des indemnités pour les personnes en incapacité de travail longue durée… ?

La concertation sociale hors-jeu

Notre système de sécurité sociale est encore financé en grande partie par les cotisations des travailleurs et des employeurs. Ce financement légitimise la gestion paritaire par les syndicats et les employeurs de la sécurité sociale. La réforme votée ce 30 mars crée néanmoins une commission finance et budget composée exclusivement de fonctionnaires et représentants des ministres, pas de partenaires sociaux. Cette commission sera chargée de décider des mesures d'économies à prendre, ainsi que d'évaluer l'action des partenaires sociaux par rapport à ces mesures. Mais envisager la responsabilisation des partenaires sociaux en matière financière, sans leur donner l'occasion de participer à l'élaboration des mesures ou à l'estimation de leur impact, c'est un non-sens.

Sur ces différents points, la MC avait, avec d'autres acteurs notamment syndicaux, formulé des critiques et surtout proposé des amendements constructifs. Aucun de ceux-ci n'ont été retenus par le gouvernement fédéral et le Parlement. Nous craignons vraiment que cette réforme du financement de la sécurité sociale ne cache en fait de futurs plans d'économie, c'est-à-dire des réductions du montant des pensions, des allocations d'invalidité, des remboursements en soins de santé... Bref que l'horizon soit au démantèlement progressif de notre modèle de sécurité sociale, pourtant efficace.

La réforme du financement de la sécurité sociale a été votée dans une certaine indifférence, sans grand éclat, comme si la sécurité sociale n'était qu'une simple variable d'ajustement budgétaire. Que deviennent les valeurs qui la portent : la cohésion sociale, la protection contre les aléas de la vie, la lutte contre les inégalités ?