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Les jeunes, mauvais élèves face au covid ?

Les jeunes, mauvais élèves face au covid ? © M. Detiffe

La crise du covid est repartie : plus de malades, plus de situations de détresses, plus d’incompréhension et de confusion aussi. Si nous avons, à juste titre, mis en évidence les dégâts dans nos maisons de repos, dans nos hôpitaux, dans les mondes de l’économie, de la culture, de la famille, etc., nous avons peu évoqué notre jeunesse, sans doute plus désemparée qu’on ne le perçoit.


Dans les semaines et les mois qui viennent, l’adhésion de la population aux mesures de précautions et de protection sera de la plus haute importance. Les discours qui limitent les libertés sont sans doute plus difficiles à entendre quand on est un adolescent ou un jeune adulte assoiffé de découvrir la vie. Mais leur avons-nous demandé comment ils communiqueraient ? Quels sont leurs perceptions, leurs questionnements et leurs projets ? Ils sont capables de se mobiliser. Ils sont aussi désemparés, trop peu impliqués. Faisons-en des partenaires, des acteurs. Oui, Mme Delvaux, comme vous le titriez dans un de vos éditoriaux récents, "les 20 ans de 2020 sontnotre carburant pour l’avenir" (1)! 

"Nos jeunes aiment le luxe, ont de mauvaises manières, se moquent de l’autorité et n’ont aucun respect pour l’âge. À notre époque, les enfants sont des tyrans !" Ces 29 mots, qui auraient pu tenir dans un tweet, sont de la plume du philosophe grec Socrate, qui vécut quatre siècles avant notre ère. "La jeunesse d’aujourd’hui (...) ne sera jamais comme la jeunesse du passé et sera incapable de préserver notre civilisation"retrouvait-on gravé sur une tablette d’argile datée d’il y a 3.000 ans dans les ruines de Babylone... L’adage "Il n’y a plusde jeunesse" est une vieille ritournelle. "À chaque génération, les adultes considèrent que leurs enfants sont devenus plus agressifs, plus insolents, et moins respectueux qu’ils ne l’étaient à leur âge", regrette le délégué général aux droits de l’enfant, Bernard Devos, dans une carte blanche adressée à La Libre (2).

Notre époque n’échappe pas à cette sempiternelle rengaine, si prompte à pointer du doigt la jeunesse pour sa désinvolture supposée face aux règles imposées par la crise sanitaire, à blâmer les étudiants qui ont manifesté contre le réchauffement climatique pour leurs penchants consuméristes : que celui qui n’a jamais été confronté à ses propres contradictions jette la première pierre... "Ok boomer" pondent narquois des jeunes agacés par ces jugements à l’emporte-pièce. Comme si la génération des papy-boomer, née entre 1945 et 1960 après la génération "Libération", était à son tour responsable d’avoir profité du plein-emploi et rempli le réservoir d’essence à ras bord avant de leur laisser, à eux les jeunes, un monde au bord de la crise économique et écologique... Œil pour œil, stéréotype pour stéréotype.

La responsabilité, en toute spontanéité

Comment dépasser ces antagonismes stériles entre générations quand la pandémie menace chaque jour de nous diviser un peu plus ? Bien sûr, la maturité de l’adulte accompli est indispensable, mais elle peut être contrebalancée par la spontanéité et l’enthousiasme des jeunes, si on leur en laisse la possibilité. La responsabilité et la vitalité ne sont pas des concepts qui s’opposent, mais des notions qui doivent cohabiter ! Depuis des mois, notre jeunesse est privée de contacts, d’insouciance, de voyages, de découvertes de leurs lieux de vie que sont les écoles, les clubs de sport, les mouvements de jeunesse, les maisons des jeunes, de leurs fêtes et de leurs célébrations. Devant cette énumération douloureuse, il faut oser leur donner une partie des clés du futur.

Non comprises, les restrictions sont culpabilisantes. L’adhésion à ces règles contraignantes est à tout prix nécessaire pour mieux les dépasser. Nous devrions leur faire davantage de place dans les médias, dans les journaux et dans les lieux de discussions et de décisions, y compris politiques. Ils nous apporteraient audace, créativité, ressources et énergie. L’enjeu dépasse notre santé à court terme, il s’agit aussi de la société que nous voulons reconstruite au sortir de cette crise. Nous vivons dans un monde perturbé, osons l’écrire, insécurisant : il nous faut reconnaître que c’est dur pour ensuite permettre le dépassement collectif, toutes générations confondues. Merci Béatrice Delvaux pour votre édito que vous terminez par ces mots lucides : "Nous devons surtout aujourd’hui ne pas les (les jeunes) encombrer de nos reproches, de nos regrets et de nos peurs. Car c’est eux, le carburant de la suite. Le combat climatique a déjà prouvé qu’ils allaient à l’abordage du monde, tel qu’il est, tel que nous leur laissons, sans se résigner, mais avec la volonté de le réinventer. C’est aussi pour cela qu’en ces temps de virus, on ne peut pas les montrer du doigt. Leur appétit de la vie est leur moteur le plus précieux. Mais c’est aussi le nôtre."


(1) "Les 20 ans de 2020 sont notre carburant pour l’avenir", Béatrice Delvaux, Le Soir, octobre 2020

(2) "Mesures anti-Covid : entre "vieux cons", on peut tout se dire...", Bernard Devos, La Libre, juillet 2020