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Ma santé n'est pas à vendre !

Ma santé n'est pas à vendre ! © M. Detiffe

Nos données personnelles valent de l'or. En analysant et combinant nos consultations sur Internet, nos déplacements, nos consommations, la publicité peut mieux nous cibler, et nos désirs peuvent être satisfaits même avant d’avoir été exprimés ! Objectif ? Vendre et consommer plus. Imaginez qu'on injecte aussi vos données de santé… pour alimenter le commerce. Scandaleux, eh bien non, aujourd'hui c'est autorisé !


On l'affirme partout, les données sont l’or noir de demain.

Les capacités d'analyse, de traitement, de combinaison des données sont devenues quasi illimitées. Le profil de chaque consommateur, utilisateur d'Internet, de ses mouvements, de ses achats permet de l'identifier, de connaître ses habitudes, ses préférences, ses goûts. On peut ainsi proposer des publicités individualisées, guider et orienter les achats, une source inestimable pour faire du marketing personnalisé. Et si les données de santé étaient injectées dans big data ?

Des données de santé individualisées sont vendues

La firme Quintiles IMS, une entreprise américaine, s'est spécialisée dans la récolte et le traitement des données de santé et médicales. Cette multinationale a réalisé un chiffre d'affaires de 7,8 milliards de dollars en 2016 et dispose de données sur plus de 530 millions de patients. Elle rachète les données à différents acteurs de soins, hôpitaux, médecins, pharmaciens pour les revendre ensuite à l'industrie du médicament et de l'équipement médical, un business très lucratif. Ces données et études servent donc principalement à rendre les démarches marketing plus efficaces, mesurer l'impact des campagnes publicitaires, identifier les clients les plus intéressants… bref augmenter les ventes, les bénéfices et… donc les dépenses en soins de santé.

Ces pratiques commerciales coûtent donc très cher à notre sécurité sociale. En Belgique, Quintiles IMS a proposé d'acheter aux hôpitaux, pour une croûte de pain, toutes les données individualisées anonymisées des patients hospitalisés : l'âge et le sexe du patient, la date d'admission, la pathologie, le service de l'hôpital, les médecins, les prestations facturées, le coût à charge du patient… Le contrat prévoit, en plus, la transmission de toutes les données pour les années 2015 et 2016, et charge les hôpitaux d'informer chaque patient sur l'usage de ces données. À notre connaissance, 15 établissements hospitaliers ont signé ce type de contrat. Dès lors, oui aujourd'hui, on peut affirmer que des données de santé individualisées sont vendues à l'industrie pour des intérêts commerciaux et lucratifs.

Essentielles pour la santé, les soins et l'assurance obligatoire

Les données de santé du patient sont évidemment nécessaires et essentielles aux prestataires de soins pour poser un diagnostic, décider du traitement, soigner. Si elles sont échangées de manière sécurisée, elles évitent aux médecins de reproduire des examens identiques ou de prescrire des médicaments à mauvais escient. Elles permettent de connaître l'historique du patient, ses antécédents, ses éventuelles allergies et d'identifier des contreindications à certains traitements.

Par ailleurs, ces données sont indispensables pour rembourser correctement les soins et contrôler si les conditions sont effectivement remplies. Elles peuvent servir à repérer des abus et parfois des fraudes dans l'usage de prestations. Et sur la base de profils de prescriptions, elles permettent d'alerter sur des situations de surconsommation, comme par exemple en matière d'antibiotiques. Bref, les données de santé des patients sont nécessaires pour gérer l'assurance soins de santé obligatoire et garantir la bonne allocation des moyens financiers. Elles sont également utiles pour mener des campagnes de santé publique, tels que le dépistage des cancers, la prévention en soins dentaires, la vaccination…. Enfin, ces données permettent d'évaluer l'efficacité de médicaments ou de construire des indicateurs de résultats pour améliorer la qualité des soins. Dans ce contexte, la digitalisation des données de santé et leur partage via e-health facilitent grandement leur utilisation pour rencontrer toutes ces finalités.

L'utilisation à des fins commerciales doit être interdite Les patients acceptent de partager leurs données de santé en toute confiance, rassurés par des systèmes sophistiqués de protection, convaincus qu'elles sont utilisées pour leur propre santé et dans l'intérêt général. Même si la confidentialité et la protection de la vie privée sont garanties, nous ne pouvons pas admettre que ces données soient utilisées à leur insu à des fins commerciales et lucratives. D'autant plus que l'enregistrement, la codification et la digitalisation de ces données ont été financés par d'importants moyens publics. Il faut donc de toute urgence réguler et interdire le commerce des données de santé individualisées.

Les patients sont invités à participer à l'e-santé, à donner leur consentement éclairé à l'échange de leurs données dans le but d'être mieux soignés, pas pour servir des profits financiers. La confiance risque d'être rompue. Madame la ministre fédérale de la santé, vous devez rassurer les patients et interdire le commerce des données de santé financées avec des moyens publics. Il y va de la crédibilité de notre système d'assurance soins de santé obli gatoire. Notre santé n'est pas à vendre !