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Notre regard, rempart contre la discrimination ?

Notre regard, rempart contre la discrimination ? © M. Detiffe

Avec ses associations partenaires (Énéo et Altéo), la Mutualité chrétienne défend l’idée que les fondations de notre modèle de société s’ancrent dans l’entraide et la solidarité. Oser la rencontre, remettre du lien là où il a disparu… Tels sont quelques-uns de nos fils conducteurs, destinés à éviter la peur et le repli, sources de mille formes de discriminations.


Discriminer, qu'est-ce que cela signifie ? Selon la philosophe Geneviève Fraisse, cette action s’exerce à l’intérieur d’un même espace, d’un même milieu, où les altérités se croisent, se construisent et se hiérarchisent. La discrimination résulte aussi de la constitution d’ensembles à caractère identitaire. L’idée même d’appartenir à un groupe, une communauté ne jette-t-elle pas les bases d’une volonté de marquer nos différences avec d’autres ?

La constitution d’un "nous", ne renforce-t-elle pas le questionnement suivant : comment rassembler sans exclure ? Ces questions nous renvoient au coeur de l’organisation des relations humaines et aux actes de jugement qui fondent les hiérarchies sociales.

La discrimination étend ses racines au coeur de notre société, en traversant les genres, les classes sociales, l’orientation sexuelle, les ethnies, les religions, l’âge, les caractéristiques physiques en ce compris le handicap.

La neutralité de l’espace public, garant des relations humaines ?

Lieu de convoitise, l’espace public (même numérique) fait l’objet d’une attention toute particulière des autorités politiques. Nombreux sont les partis politiques qui revendiquent sa nécessaire neutralité pour le bien-être de tous. C’est pourquoi, depuis des années, une constante anime les actions des politiques publiques : l’estompement de toute différence. Quelques exemples ? L'instauration des CV anonymes pour éviter tout jugement à partir d’un nom ; la suppression des genres dans les sanitaires pour inclure les personnes transgenres, etc. Simul - tanément, des débats apparaissent autour du port de signes religieux dans nos rues, où au sein de nos administrations, ... Et que dire du débat récent en France autour de l’écriture inclusive (1) ? On peut saluer la volonté d’une autorité de vouloir garantir l’expression des valeurs d’égalité entre les sexes, comme levier de l’intégration et de la dite grande inclusion sociale et universelle. Et pourtant… Avoir décrété l’égalité entre les hommes et les femmes a-t-il permis de mettre fin à toute forme de discrimination sur le genre ? Décréter ne suffit pas. Il faut accompagner, éduquer au quotidien les personnes pour une réelle application de ces mesures d’égalité. Aujourd’hui, force est de constater que le cercle d’entreprises qui, comme la Mutualité chrétienne garantissent un salaire identique quel que soit le genre de la personne, est trop restreint.

"Forcer" le regard

Énéo, le mouvement social des aînés et Altéo, le mouvement social de personnes malades, valides et handicapées, ont lancé il y a deux ans une campagne visant à réinvestir l’espace public avec une idée : "forcer" les rencontres, le dialogue, l’échange, les liens entre personnes de tous horizons, de tous bords, … Comment ? Notamment en organisant des "apérochapos" où chacun est invité à partager un moment de convivialité, tout en portant un chapeau original. Un chapeau, non comme un masque visant à effacer les différences, mais bien comme un étendard, les marquant à l’excès, comme pour mieux apprivoiser ses peurs et guider ensuite le regard vers ce que l’on partage entre individus comme projets, préoccupations, perspectives ou points de vue. Nous portons tous un chapeau différents. Nous sommes les mê mes, dans notre différence.

Au travers de cette démarche, nous sommes bien au coeur de l’engagement mutualiste : défendre un modèle de société avec l’entraide et la solidarité comme fondations. Remettre du lien, oser la rencontre, décloisonner, mettre en réseau sont autant d’actions vitales destinées à éviter le repli, la peur, qui constituent le terreau du populisme, de la haine et de l’exclusion. C’est pourquoi la MC s'attache au quotidien à permettre à chacun de mieux appréhender le monde proche comme lointain. L’ouverture à l'"autre" constitue l’un de nos fils rouges. Notre ambition ? Renforcer les liens qui nous réunissent, afin de construire cette cohésion sociale, nécessaire pour une plus grande qualité de vie.

Libérer l’autre de nos propres représentations du monde

Construire, éduquer notre regard au monde qui nous entoure, c’est d’abord prendre conscience que "c’est notre regard qui enferme souvent les autres dans leurs plus étroites appartenances, et c’est notre regard aussi qui peut les libérer", comme l'écrit si bien Amin Maalouf dans son livre "Les identités meurtrières".

Notre identité, on l’oublie trop souvent, n’est pas acquise à la naissance. Elle n’est pas non plus unique, mais constituée de multiples facettes qui se construisent et se transforment tout le long de notre vie, justement par ces échanges avec d’autres. L’altérité fait donc partie intrinsèque de notre identité et le regard que nous portons sur l'autre et sur nous-même demeure le vrai rempart contre la discrimination et l’exclusion.