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Stop à la médecine à deux vitesses

Stop à la médecine à deux vitesses © M. Detiffe

Les témoignages de patients ayant subi une forme de pression pour séjourner en chambre individuelle lors d'une hospitalisation se multiplient. Cette pratique illégale de certains prestataires de soins, leur permettant de facturer des suppléments d'honoraires, entache tout un secteur. Elle atteste d’un système de santé favorisant l’accès aux patients qui ont davantage de moyens financiers. À la veille des élections, la MC plaide pour l'interdiction totale des suppléments d’honoraires à l’hôpital.


Depuis 2015, les médecins ne peuvent plus porter en compte de suppléments d’honoraires aux patients qui séjournent en chambre à deux lits et communes. Ces suppléments restent toutefois autorisés en chambre individuelle. En concertation avec le corps médical, chaque établissement hospitalier fixe le plafond des suppléments d'honoraires (100% des honoraires, 200%, 300%…) que les médecins ne peuvent dépasser. L'hôpital est tenu d'informer les patients sur ce pourcentage maximum (notamment dans la déclaration d’admission, le document à compléter et signer au plus tard au moment de l'admission). Mais il n’y a pas de limite légale.

Depuis plus de dix ans, la MC analyse l’évolution des factures à charge des patients hospitalisés. Le constat est sans appel : les suppléments d’honoraires réclamés aux pa­tients en chambre individuelle ne cessent d'au­gmenter. Ils peuvent aussi fortement varier d’un hôpital à l’autre, selon la spécialité médicale et entre les médecins. Cette spirale nous enfonce dans un système de santé à deux vitesses.

Les primes d'assurance hospitalisation à la hausse

En 2017, les suppléments d’honoraires facturés par les hôpitaux ont atteint 563 millions d'euros. Leur croissance annuelle tourne autour de 6,5% par an. C'est presque le double par rapport à la hausse des honoraires pris en charge par l'assurance soins de santé obligatoire.

Forcément, si les suppléments d’honoraires augmentent, les factures des patients prises en charge par les assurances hospitalisation augmentent aussi. Les assureurs commerciaux et mutualistes sont dès lors obligés de répercuter la hausse des risques financiers sur les primes d’assurance qu'ils réclament à leurs assurés. La croissance de ces primes dépasse 7% par an. Primes payées par les particuliers et primes versées par les employeurs dans le cadre des assurances groupe pour leurs travailleurs, elles ont atteint ensemble la somme colossale de deux milliards d'euros en 2017 ! Pour de plus en plus de gens – les pensionnés notamment – le niveau de ces primes est devenu impayable.

À quoi servent les suppléments d’honoraires ?

Le sous-financement des hôpitaux est l'argument avancé par le secteur hospitalier pour légitimer la pratique des suppléments d’honoraires. Au sein de chaque établissement, le comité de direction négocie avec le corps médical un taux de rétrocession des suppléments portés en compte par les médecins. Ce taux varie d’un hôpital à l’autre, d’un service à l’autre. Pas de règle uniforme. Aucune information sur la hauteur des rétrocessions. Et les données comptables des hôpitaux ne permettent pas d'y voir plus clair. Seul constat : la santé financière de l’hôpital ne semble pas liée à la hauteur des suppléments d'honoraires.

Le corps médical explique, quant à lui, que ces suppléments leur donnent un pouvoir de négociation avec l’hôpital. Ils seraient indispen­sables à une rémunération juste. Mais qu'est-ce qu'une rémunération juste ? Les écarts sont grands entre les spécialités et les médecins. Après rétrocession à l’hôpital, la rémunération varie de 150.000 à 800.000 euros bruts par an. Cette grande variation pose question et crée des tensions entre collègues.

Solidarité et transparence

Les suppléments d'honoraires seraient donc indispensables à un financement de l’hôpital et à une rémunération correcte des spé­cialistes. Mais l’on n’y voit pas clair, il y a un manque de trans­parence.

La MC propose une solution simple et efficace : interdire tout supplément d’honoraires à l’hôpital et réinjecter l’équivalent de la masse totale de ces suppléments (environ 600 millions d'euros) dans le budget de l’assurance soins de santé. Comment ? Via les cotisations sociales et le financement alternatif de la sécurité sociale. Ce financement solidaire sera moins cher pour tout le monde : employeurs, citoyens et patients. Un budget correct sera alloué aux hôpitaux et des moyens budgétaires seront disponibles pour rémunérer correctement les spécialités médicales qui en ont besoin. Cette proposition est tout à fait réaliste. C’est une question de choix politique.

Dans la perspective des élections du 26 mai, nous vous invitons à interpeller les candidats politiques et à leur demander ce qu'ils comptent faire pour que les soins de santé ne deviennent pas un luxe (1). C’est l’accès à une médecine de qualité pour tous qui est en jeu.