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Suppléments d'honoraires : le ver est dans le fruit

Suppléments d'honoraires : le ver est dans le fruit © Detiffe

L'analyse des factures des membres de la MC hospitalisés en 2016 est inquiétante. Malgré des durées de séjour qui raccourcissent, les coûts à charge des patients continuent d'augmenter en chambre particulière. En cause ? Des suppléments de chambre et d'honoraires en hausse constante, surtout en hospitalisation de jour (+ 9 % à 10% en un an) ! Sans régulation, la médecine duale s’étendra de plus en plus...


Pour la 13e année consécutive, la Mutualité chrétienne (MC) publie son baromètre hospitalier qui analyse 1,4 million de factures de membres admis en 2016 dans 101 hôpitaux belges. Ces études rigoureuses et nos recommandations ont donné lieu à des mesures pour mieux protéger les patients hospitalisés en chambre commune ou à deux lits : suppression des suppléments de chambre, interdiction des suppléments d'honoraires, meilleure couverture des coûts du matériel médical… Grâce à cela, nous sommes arrivés à maîtriser le coût à charge des patients hos pita lisés en chambre à deux lits (plus de trois admissions sur cinq). En 2016, la facture moy enne a encore diminué de 2% passant à 277 euros pour une admission classique.

La chambre particulière de plus en plus chère

Payer 5 à 7 fois plus cher son séjour à l'hôpital parce qu'on préfère être seul dans sa chambre, est-ce légitime ? Une facture moyenne qui grimpe de 10 % en un an pour une hospitalisation de jour, est-ce bien normal ? Il faut bien se rendre compte qu'en chambre particulière, 80 à 90% de la facture patient se compose uniquement de suppléments de chambre et d’honoraires. Pour le patient, c'est l'insécurité financière qui prédomine même si les plafonds exprimés en pourcentage de suppléments d'honoraires sont précisés dans la déclaration d'admission. Il ne sait pas quelles sommes lui seront réellement facturées et par quels prestataires.

Les représentants des médecins prétendent que la hausse des suppléments en chambre particulière compense le manque à gagner dû à leur interdiction en chambre commune et à deux lits. C'est faux. Tout d’abord, la hausse des suppléments d'honoraires en chambre particulière est ininterrompue depuis la parution de notre premier baromètre en 2003. L’interdiction des suppléments en chambre à deux lits n’a pas eu d’effet sur cette tendance. En fait, 10 hôpitaux sur les 110 concentraient plus de 80% de la totalité des suppléments d’honoraires en chambre à deux lits, et un seul établissement hospitalier - le Chirec - en concentrait la moitié. Dans plus de 90 hôpitaux, il n’y avait donc pas de suppléments d’honoraires en chambre à deux lits. Pour la chambre particulière, notre crainte s’est hélas confirmée : la tache d'huile s'étend d'année en année. Plus de la moitié des hôpitaux sont passés à un pourcentage maximal de 200%. D'autres sont déjà au-dessus avec du 300%, voire plus, en particulier en région bruxelloise.

La dérive risque encore de s’accélérer

La spirale inflatoire des suppléments d'honoraires n'est pas prête de s'interrompre. Au contraire, elle pourrait même s’accélérer. D’une part, dans leurs projets de construction et/ou de rénovation, les établissements hospitaliers étendent leur offre de chambres individuelles. Séjourner en chambre particulière est une demande bien légitime des patients et est d'ailleurs préférable pour des raisons de santé (moindre stress, moins de risques de contagion, meilleur repos…). Certains hôpitaux offrent déjà 40% voire la moitié de chambres individuelles, certaines étant de véritables suites pour VIP !

D'autre part, nous craignons que la réforme du financement des hôpitaux que la ministre fédérale de la Santé, Maggie De Block, veut appliquer en septembre 2018 pour des soins à faible variabilité ne pousse les hôpitaux et médecins à compenser leur éventuel manque à gagner en augmentant les suppléments, c’est-à-dire en faisant payer le patient. Les mutualités ont ex plicitement demandé à la Ministre de bloquer les suppléments d’honoraires mais à ce jour aucune mesure n’est prévue pour protéger les patients.

Il faut supprimer les suppléments d'honoraires

La pratique des suppléments d’honoraires selon le type de chambre est injustifiable. Ce système pousse à la médecine duale. Les compagnies d'assurances n’arrivent pas à maîtriser la hausse continue des coûts facturés par les hôpitaux, et les primes augmentent dès lors chaque année. Cela devient intenable. En plus, on ne sait pas exactement à quoi servent ces suppléments. Quelles parts sont nécessaires pour assurer l’équilibre financier de l’hôpital et rémunérer correctement les médecins spécialistes ? Et qu’est-ce qu’une rémunération correcte ? De nombreux hôpitaux qui réclament peu de suppléments sont à l’équilibre. Alors à quoi servent ceux-ci ? Notre demande de transparence reste sans réponse. Incroyable !

Les responsables politiques n’osent pas intervenir alors que les rémunérations des médecins et les coûts de fonctionnement des hôpitaux sont financés à 90% par la collectivité. Le laisser-faire mine l’efficacité de l’assurance soins de santé obligatoire et l’accès aux soins.

La chambre particulière ne peut pas être un luxe. La spirale des suppléments d’honoraires est intenable. Les primes d’assurance explosent. La médecine duale s’étend. Et toujours pas de régulation… Jusqu’où faudra-t-il pousser l’indignation pour que les responsables politiques se réveillent ?