Activités physiques

Parkour : l'art de se déplacer

5 min.
© Matthieu Cornélis
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Matthieu Cornélis

Matthieu Cornélis

"Faites quatre files", demande Sylvain du haut d'un plinth de gymnastique. Aussitôt dit, - presque - aussitôt fait, la vingtaine d'enfants se présente face aux tapis pour l'échauffement suivant. "Chacun fait deux trajets en araignée. Tout le monde sait comment le faire ?", demande l'animateur du stage. "Ah oui, comme une table", dira l'un. "On avance en arrière ou en avant ?", demandera l'autre. Une fois les précisions apportées, quatre par quatre, les jeunes s'essayent au mouvement, certains plus stables que d'autres sur leurs gambettes et leurs bras.

Autre manœuvre : "Placement de dos, détente puis chandelle." "Bien Juan" – prononcez Rouane -, dit Emilie, animatrice elle aussi, pour encourager celui qui se lance le premier. Entre les exercices, les jeunes lorgnent le trampoline, le trapèze, la fosse remplie de cubes de mousses, les barres de métal et les structures en bois disposées dans le hangar. Ils ne semblent avoir envie que d'une chose : s'entraîner au parkour.

Du point A au point B

Le stage organisé par l'ASBL Promusport à la Freerun it parkour school(1) amène les jeunes à s'essayer à un sport peu connu : le parkour. Appelé également "art du déplacement" ou freerun, cette activité physique initiée par le Français David Belle vise un déplacement libre et efficace dans tous les types d'environnement. "Le parkour, c'est un mélange de plusieurs choses, explique Sylvain. Principalement de l'hébertisme(2), de la gymnastique et de l'escalade. Physiquement, c'est un sport complet, sauf peut-être pour l'endurance. Ceux qui le pratiquent travaillent leur musculature, les chevilles, les poignets, les abdominaux, les bras…"

Sur le plan psychologique, les bienfaits qu'offrent la discipline sont nombreux : confiance en soi, assurance, valorisation de ce qu'on est capable de faire… "Surtout, c'est un sport où il n'y a pas vraiment de compétition. Les 'traceurs' créent leurs propres runs (figures), leur propre style, il n'y a pas de codes."

Dangereux ? On pourrait le croire à la vue des films français Yamakasi et Banlieue 13 qui ont popularisé le parkour et exhibé sa dimension la plus spectaculaire : escalader des façades d'immeubles, sauter des murs, atterrir sur le capot d'une voiture, terminer par une culbute… Lors du stage, évidemment, rien de tout cela. Les jeunes s'entraînent dans un hangar aménagé tout spécialement pour eux et dans des conditions de sécurité optimales. Chaque exercice est surveillé et encadré par Emilie et Sylvain, tous deux diplômés en éducation physique. "Ce n'est pas dangereux lorsqu'on sait ce qu'on fait, précise Sylvain. C'est un sport extrême mais bien encadré. Le danger se présente lors que le jeune est 'foufou', lorsqu'il ne réalise pas les effets qu'un saut peut avoir." À ce jour, pas d'accidents à déclarer, "juste une seule entorse", ajoute-t-il.

Reste que les parents ne sont pas toujours à l'aise lorsque, à l'heure de récupérer leur enfant, celui-ci tient à montrer ce qu'il a appris au stage. "Ils se cachent les yeux tellement ils sont inquiets, raconte Emilie, tout en mimant la scène avec ses mains. Ils ne veulent pas regarder les sauts, ça les fait paniquer."

La gymnastique de demain

Après la collation de dix heures, les enfants cheminent entre quatre exercices : rebondir sur le trampoline, monter sur une paroi verticale, sauter d'un support à un autre avec élan ou encore, gravir des modules de bois à la force des bras. Tout en les regardant évoluer, Sylvain partage avec nous une prémonition : "Le parkour, c'est la gymnastique de demain".

L'expérience d'Annabelle, dix ans, semble le confirmer. Adepte de la gymnastique "classique" qu'elle pratique tout au long de l'année, elle a décidé de suivre la voie de son grand frère initié au parkour depuis quelques mois. "Il y a plus de possibilités, c'est plus varié. C'est aussi plus excitant ! J'ai me les barres horizontales, sauter d'un mur à un autre… ça m'apporte de la force dans les bras. Par contre, le lendemain, j'ai souvent mal aux abdos." Quel exercice lui semble le plus difficile ? "Le saut du chat et le salto avant. Le salto, je sais que j'y arriverai à la fin du stage. Mais le saut du chat, c'est plus difficile…"

Ce sport, tel que l'évoque encore Sylvain, a aussi son petit succès auprès des jeunes de plusieurs institutions de la région. "Les enfants caractériels ont beaucoup de difficultés à participer à des sports collectifs. Ici, ils se dépensent sans devoir dépendre des autres. On leur ouvre la salle et on leur dit : 'Libérez-vous, faites-vous du bien !'"

Preuve que le parkour à des chances de devenir la nouvelle gymnastique enseignée à l'école, 23 professeurs ont dernièrement suivi une journée de "recyclage" à la Freerun it parkour school. Curieux, intéressés, certains d'entre eux intègrent déjà quelques-uns de ces exercices dans leurs cours.

"Dans ce hangar, on a des enfants tout le temps. On donne cinq cours par semaine et les séances d'accès libre ramènent du monde. Avec nos postes d'enseignants en plus, on a des vies de fous", raconte Sylvain, pas du tout plaintif, juste lucide sur leur investissement dans ce projet qui, au départ, n'était qu'un exercice de création d'ASBL fictive dans le cadre d'un cours. Après trois ans de travail, de coups de pouce et d'acharnement, ils ont mis sur pied le premier parkour park de Belgique. Et les jeunes semblent apprécier…


L’amour du risque ?

Le stage de parkour qui s'est déroulé à Montigny-le-Tilleul en juillet dernier est une initiative de l'ASBL Promusport, encourageant l'activité physique au bénéfice de la santé, et partenaire de la MC en Hainaut oriental. Rencontre avec Benjamin Sottiaux, permanent à Promusport.

En Marche : Pourquoi le choix du parkour ?

Benjamin Sottiaux : Un collègue de l'ASBL Jeunesse & santé (J&S) m'avait informé de l'existence de cette salle de parkour à Montigny-le-Tilleul. Je m'étais dit : "La MC ne peut tout de même pas encourager ce sport de malades, sauter des balcons…". Mais quand j'ai vu ce que c'était, j'ai été conquis. On a alors organisé une journée-découverte lors de laquelle des familles sont venues s'essayer. Au vu du succès, on s'est décidés à organiser un stage.

EM : Votre première impression était mitigée… C'est un sport risqué ?

BS : Les animateurs sont diplômés en éducation physique. Ils savent encadrer les jeunes et ne prennent pas de risques inutiles. Lorsqu'ils identifient un jeune qui représente un danger pour lui-même ou pour les autres, ils le font descendre fissa. À l'heure actuelle, il n'y a eu aucun problème.

EM : Est-ce le danger qui excite les jeunes ?

BS : Évidemment. La première chose que font les jeunes lorsqu'ils entrent dans le hangar est d'aller sauter dans la fosse remplie de cubes de mousse. D'ailleurs, moi aussi !

EM : Le stage s'est-il vite rempli ?

BS : On a limité le nombre de participants à 20-25 jeunes de 7 à 17 ans. Filles, garçons, très jeunes, moins jeunes, tous les profils sont là. Certains sont déjà inscrits dans les cours de l'école de parkour. D'autres découvrent…

EM : N'y a-t-il rien à déplorer ?

BS : Au premier abord on pourrait reprocher au parkour d’être une discipline individuelle. C’est en pratiquant ou en observant plus profondément qu’on se rend compte que pour réussir un passage, un saut, une figure… il n’y a pas que le dépassement de soi qui favorise la réussite. Ce sont aussi les encouragements du groupe, les avis des pairs, les conseils des moniteurs… Cette discipline me fait penser au programme Je cours pour ma forme que la Mutualité chrétienne propose dans de nombreuses régions. Là aussi, c'est grâce au groupe qui progresse en même temps sous les conseils du coach que le participant atteint son objectif.