Soins de santé

La médiation pour fluidifier les relations

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Près d'un Belge sur deux ignore vers qui se tourner en cas de plainte pour un problème d'ordre médical survenu à l'hôpital.<br />
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Près d'un Belge sur deux ignore vers qui se tourner en cas de plainte pour un problème d'ordre médical survenu à l'hôpital.
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Mathieu Stassart

Mathieu Stassart

Monsieur Y. a subi une intervention qui ne s'est pas bien déroulée. Pris de doute, il demande à un praticien d'examiner son dossier médical afin de lui remettre un avis supplémentaire. Madame V. doit se faire hospitaliser. Avant de franchir le pas, elle demande des informations complètes sur les implications – notamment financières – de sa décision. Ces droits – et d'autres – ont été définis en 2002 par la bien-nommée loi "droits du patients" (1). Celle-ci prévoit également la possibilité d'introduire une plainte auprès d'un service de médiation lorsqu'un de ces droits n'a pas été respecté. Ainsi est née en Belgique la fonction de médiateur hospitalier, dont les contours ont été fixés par un arrêté royal en 2003.

Encore méconnu

Longtemps, cette fonction est restée largement sous-utilisée. En 2008, une enquête du Crioc – Centre de recherche et d'information des organisations de consommateurs, aujourd'hui dissout – pointait du doigt la méconnaissance des services de médiation par le grand public (2).

Depuis, des efforts ont été réalisés pour améliorer leur visibilité et leur accessibilité (informations publiées par les hôpitaux dans leurs brochures d'accueil, sur leur site internet…). Mais une récente étude du magazine Test santé, parue en août 2016, souligne toutefois que près d'un Belge sur deux ignore toujours vers qui se tourner en cas de plainte.

Solution amiable, la médiation offre pourtant un espace qui peut être approprié pour résoudre les malentendus et prévenir l'escalade d'un conflit.

Ouvrir un espace de discussion

Dans l'esprit de la loi, le patient doit s'adresser en priorité au praticien concerné par le sujet de sa plainte. Emmanuel Legrand, médiateur au Centre hospitalier chrétien de Liège, précise : "Le patient dispose du droit d'introduire une plainte. Et le praticien professionnel a la responsabilité d'y répondre."

En cas d'échec du dialogue et si les deux parties concernées sont partantes, le médiateur peut entrer en jeu. Interlocuteur neutre, il n'est l'avocat ni du patient ni du prestataire. Il offre en revanche la possibilité aux deux parties de se faire entendre.

Un certain nombre de plaintes reposent en effet sur un déficit de communication entre patient et prestataire, déficit à même d'être comblé dans ce cadre propice à la discussion.

Faire preuve d'empathie à l'égard des parties

L'expérience d'Emmanuel Legrand l'amène à souligner la nécessité d'attirer régulièrement l'attention du patient sur les réalités de l'hôpital : "Des plaintes peuvent être 'fondées' dans la mesure où le patient est en colère mais elles découlent en réalité de la mauvaise compréhension de l'objet d'un service, comme celui des urgences. Si un patient vient un dimanche à deux heures du matin pour obtenir un certificat médical, on peut comprendre qu'il ne soit pas reçu en priorité".

Il rappelle également la nature de la médecine : "C'est une science, mais c'est aussi un art. Les médecins ont rarement une obligation de résultat. C'est parfois un malentendu dans notre société de consommation. Les gens ont tendance à croire que parce qu'ils payent, le résultat leur sera garanti. Ce que la médecine tend parfois à leur faire croire aussi. Même si elle a fait des progrès considérables, le 'succès' ou la guérison ne sont pas toujours certains. C'est une réalité difficile à accepter pour le patient… et pour le prestataire de soins, confronté à ses propres limites".

Dans le dialogue entre les parties, Emmanuel Legrand interpelle également les prestataires de soins à propos du vécu des patients : "Lorsqu'une personne se fait hospitaliser, elle se trouve dans une relation de confiance avec son prestataire et est avant tout préoccupée par sa santé. Pour elle, les questions administratives passent alors au second plan".

Le médiateur du CHC de Liège insiste aussi auprès des prestataires sur la nécessité de bien informer leurs patients à propos de leur conventionnement et des frais liés à l'hospitalisation. "Je souligne souvent l'importance d'alerter le patient au sujet, notamment, de sa police d'assurance hospitalisation. Histoire d'éviter la mauvaise surprise d'une facture trop salée."

Car le médiateur est aussi un acteur préventif. Outre le dénouement de conflits, il a pour fonction d'empêcher la répétition de certaines plaintes. En faisant circuler ce type de points d'attention auprès des prestataires. Par exemple aussi, en ajoutant une information sur le risque de chute dans le carnet préopératoire d'anesthésie. Ou en faisant traduire les documents d'admission à l'hôpital dans la langue maternelle de patients qui ne maitrisent pas bien le français, etc.

Il arrive que le processus de médiation n'accouche pas d'une solution satisfaisante pour le patient. Le médiateur se doit alors de l'orienter vers d'autres pistes envisageables. Parmi elles, le service Défense des membres de sa mutualité (voir ci-dessous).


Médiation, locale ou fédérale ?

Les médiateurs locaux interviennent en cas de plainte concernant un hôpital généraliste ou psychiatrique. Pour les professionnels du secteur ambulatoire travaillant hors hôpital, les plaignants peuvent s'adresser au service de médiation fédéral "Droits du patient".

Certaines institutions hospitalières vont plus loin que ce cadre légal et proposent les services d'un médiateur local pour des structures qui leur sont associées, par exemple des maisons de repos et de soins.


Une profession en construction

La médiation hospitalière souffle cette année ses quatorze bougies. Grégory Simon, médiateur au Centre hospitalier universitaire de Tivoli à La Louvière et président de l'Association des médiateurs en institutions de soins (Amis), en tire un bilan tout en nuances.

Côté pile, le Président de l'Amis se montre résolument positif vis-à-vis du travail effectué par ses pairs. Sur le nombre total de plaintes adressé par les patients, de plus en plus transitent par les médiateurs. Petit à petit, ceux-ci échangent leurs expériences, se forment. Ils trouvent leur place au sein des structures hospitalières.

Veiller à la formation et à l'indépendance

Côté face, Grégory Simon regrette que les médiateurs "travaillent sans filet". Il pointe le cadre légal fragile de la médiation hospitalière. Selon les institutions dans lesquelles les médiateurs officient, leur contexte de travail varie énormément. Grégory Simon déplore l'absence d'un cadre formatif minimal, à même de préparer le futur médiateur aux différents aspects de sa fonction. Il alerte également sur la nécessité de protéger l'indépendance des médiateurs.

Chaque institution est libre de définir la place de celui-ci dans son organigramme. Dès lors, comment le médiateur peut-il exercer en toute indépendance s'il dépend par exemple de la direction médicale – potentiellement mise en cause par certaines plaintes ? Voire quand il exerce lui-même une autre fonction au sein de l'hôpital ?

Autre point sensible : la loi soumet le médiateur au secret professionnel mais ne garantit pas la confidentialité des échanges en médiation par toutes les parties. En conséquence, lorsqu'ils y recourent, patients et prestataires peuvent se montrer frileux à l'idée d'exprimer l'intégralité de leur pensée.

L'Amis milite donc pour une évolution de la législation entourant la médiation hospitalière. L'association professionnelle voudrait offrir au médiateur un statut renforcé ainsi qu'une plus grande protection légale. Objectifs : garantir davantage l'indépendance, la neutralité du médiateur ainsi que la confidentialité des échanges.

Chaque institution est libre de définir la place du médiateur dans son organigramme.

Faire bouger les lignes

Depuis la sixième réforme de l'État, les compétences en matière de médiation hospitalière sont partagées. Si le Fédéral gère la définition de la fonction de médiation, il appartient désormais aux Régions de contrôler le respect des normes dans les institutions hospitalières. Un chassé-croisé périlleux, selon la Commission fédérale "Droits du patient", qui suggère, pour une collaboration optimale, l'établissement de protocoles d'accord entre les différents niveaux de pouvoirs.

En octobre, la commission paritaire 330 (SPF Emploi, travail et concertation sociale) devrait se pencher sur l'aménagement du temps de travail et de la rémunération des médiateurs. Un premier pas, espère Grégory Simon, pour permettre à la profession d'être pleinement reconnue et de se déployer dans un cadre optimalisé.


Pour en savoir plus ...

Ma mutualité peut-elle aussi m'aider ?

Le service Défense des membres de la MC offre une assistance juridique au membre qui s'estime lésé. Il intervient notamment dans le cadre de la défense des droits du patients et met gratuitement ses compétences à disposition pour :

  • une consultation,
  • des démarches en vue d'obtenir un arrangement à l'amiable,
  • une assistance devant le tribunal compétent.