Maladies chroniques

EPILEPSIE : Dépasser le silence

6 min.
© Ligue francophone contre l’épilepsie
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mongeneraliste.be

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Dans notre cerveau, les neurones communiquent entre eux par des signaux électriques. Si les décharges de cet influx nerveux sont émises trop rapidement, simultanément, de manière excessive ou contradictoire pour les cellules, cela provoque un trouble momentané, au cours duquel le cerveau ne fonctionne plus normalement et envoie des messages erronés au corps : c'est la crise d'épilepsie. Ce dysfonctionnement peut survenir dans une seule zone du cerveau (on parle de crise partielle) ou bien le concerner entièrement (crise généralisée). Les symptômes qui en découlent sont différents. Les crises d'épilepsie peuvent survenir à tout âge, de l'enfance à la vieillesse.

Origines et facteurs déclenchants

Souvent, il est impossible de connaître l'origine exacte de cette affection. On suppose que les cellules nerveuses du cerveau sont plus sensibles chez les personnes qui en sont atteintes, peut-être à cause d'une anomalie génétique, ou à cause d'une perturbation survenue lors de leur maturation. Dans une minorité des cas, une influence héréditaire est repérée, avec la présence d'autres malades dans la famille. Mais on peut également faire une ou plusieurs crises après un traumatisme crânien, une infection (comme une méningite), un manque d'oxygène, des troubles vasculaires (un accident vasculaire cérébral), et ce parfois des années après le problème initial (c'est alors le tissu cicatriciel dans le cerveau qui est à l'origine des troubles de la conduction électrique).

Plus rarement, les crises peuvent être déclenchées par la présence d'une tumeur. Une seule crise ne suffit pas pour dire d'une personne qu'elle est "épileptique". On parle d'épilepsie quand les crises se répètent. Chez une personne atteinte d'épilepsie, certains facteurs risquent de déclencher les crises : les émotions fortes, les grandes fatigues (ou le manque de sommeil), le stress ou l'anxiété, les musiques fortes, les lumières aveuglantes ou clignotantes (comme en boîte de nuit). Le diagnostic d'épilepsie peut être posé sur base de la description des troubles et par électroencéphalogramme. Cet examen non douloureux consiste à enregistrer les ondes électriques émises par le cerveau. En présence d'épilepsie, les tracés sont caractéristiques. L'imagerie cérébrale (scanner, IRM) permet parfois de comprendre les raisons du problème, par exemple en montrant l'existence d'une zone cicatricielle dans le cerveau.

Les signes plus ou moins parlants de l'épilepsie

L'épilepsie ne provoque pas systématiquement des crises de convulsions et une perte de conscience. Ce type de manifestations ne survient que dans 20% des cas et uniquement lorsque les décharges anormales perturbent le cerveau dans son ensemble. Lors de ces crises dites "tonicocloniques" d'une durée de une à deux minutes, la personne se raidit : si elle était debout, elle chute brutalement inconsciente, elle est prise de convulsions qui durent généralement moins de 60 secondes. Lors de la détente qui suit, une perte d'urine est possible, tout comme une respiration bruyante. Souvent, elle ressent ensuite un irrépressible besoin de dormir. Contrairement à certaines croyances, la personne ne risque pas "d'avaler sa langue" pendant de telles crises. En revanche, pour empêcher tout problème de déglutition, dès que possible, il faut doucement placer la personne au calme, sur le côté, en position de sécurité. Il existe un autre type de crise généralisée, beaucoup plus discrète : les absences. Ces brefs moments de perte ou de trouble de la conscience passent parfois pour une rêverie profonde ou une forte inattention. La personne ne tombe pas et reprend aussitôt ses activités, parfois même sans se rendre compte de son moment d'absence. Mais les crises d'épilepsie les plus nombreuses sont des crises dites "focales", c'est-à-dire qui restent localisées à une seule zone du cerveau. Leurs symptômes varient selon la zone concernée. Elles vont de la répétition involontaire de signes automatiques (mâchonner, faire des mouvements de bras...), à des hallucinations ou des déformations visuelles, par exemple. Parfois, la personne reste consciente et peut ensuite décrire ses symptômes. Certaines crises commencent de manière focale, puis le désordre électrique se propage à l'ensemble du cerveau, entraînant une crise généralisée. Si une crise tonico-clonique ne cesse pas après quelques minutes, ou si les crises se succèdent, ou si la personne reste longtemps inconsciente après une crise, des secours (1) doivent être appelés.

Les médicaments antiépileptiques

Le développement de médicaments antiépileptiques a modifié le vécu de cette affection : une majorité de personnes voient leurs crises cesser ou diminuer en fréquence et en intensité. Une parfaite observance du traitement est cependant indispensable. Parfois, le médecin doit recourir à une combinaison de médicaments pour contrôler les crises. De nombreux médicaments antiépileptiques peuvent entraîner des effets secondaires tels que fatigue, somnolence, variations du poids, dépression, etc. Un suivi médical régulier est indispensable. Un enfant présentant une épilepsie doit aussi bénéficier d'un suivi neurocognitif et pédagogique spécifique. Un traitement contre l'épilepsie ne peut jamais être arrêté sans avis médical, et surtout pas brutalement. Certaines formes d'épilepsie peuvent être traitées par une intervention chirurgicale. Cela nécessite une préparation minutieuse et de multiples examens visant à déterminer si des séquelles neurologiques ne seront pas à redouter.


Faire évoluer les regards

"Il n’y a pas d’autre affection que l’épilepsie pour laquelle les préjugés sociaux sont pire que la maladie elle-même", écrivait, il y a 50 ans le neurologue américain William Lennox. Malheureusement, constate le professeur Michel Ossemann - Neurologue et Chef de service au CHU UCL Namur -, cette observation reste aujourd’hui d’actualité.

Une enquête réalisée par la Ligue francophone belge contre l’épilepsie auprès de la population belge francophone montre que certains stéréotypes ont la vie dure. Des exemples ? Près de 30% des sondés pensent toujours que l’épilepsie est une maladie mentale et déconseilleraient aux personnes atteintes d’épilepsie d’avoir des enfants. Une récente étude (1) montre également que l’état de santé mentale et physique évalué subjectivement par les patients avec épilepsie est moins bon que celui de personnes souffrant d’hypertension, du diabète ou même d’un cancer, probablement en raison de ce phénomène de stigmatisation. Le professeur Osseman remarque que l’épilepsie a toujours été considérée comme mystérieuse. Les premières descriptions de l’épilepsie, remontent à environ 1000 ans avant JC et sont assez précises. Son origine était attribuée à des possessions surnaturelles par des esprits démoniaques ou malicieux. Et malgré la reconnaissance de l’origine neurologique de l’affection fin du 19e siècle, la stigmatisation a persisté. Au 20e siècle, aux États-Unis, 60.000 personnes atteintes d’épilepsie ont subi une stérilisation entre 1907 et 1960. Encore aujourd’hui, la mésinformation perdure. Participer à des activités scolaires ou sportives, trouver un job, s’épanouir socialement, etc. restent des parcours semés d’embûches. Cela engendre un sentiment de malaise qui a des répercussions sur le bien-être des personnes et, par effet domino, sur l’évolution de la maladie.


// Estelle Toscanucci

Témoignage

Adrien, 35 ans, est atteint d’épilepsie

"Je suis papa de deux petits garçons, je ne dors donc pas beaucoup en ce moment ; je suis indépendant, je conduis, je bois parfois de l’alcool et j’utilise souvent un casque de réalité virtuelle pour mon métier. Rien d’exceptionnel… Mais je suis également épileptique. J’avais 20 ans quand j’ai eu ma première crise d’épilepsie, un matin, en vacances avec des amis après mon premier blocus universitaire. Ils ont eu la peur de leur vie et moi, à mon réveil, je ne croyais pas ce qu’ils me disaient. Et puis j’ai fait une autre crise, puis une autre et encore une autre. On commence à chercher la cause des crises; on teste la bonne médication; je prends du poids, je ne peux plus conduire; j’arrête l’unif. Je suis fatigué en permanence à cause des médicaments. Petit à petit, les "absences" se sont espacées, les crises "grand mal" se sont arrêtées et on a commencé à diminuer le dosage des médicaments que je prenais quotidiennement. Au bout de dix ans, j’ai tenté d’arrêter les médicaments avec l’accord de mon neurologue mais j’ai refait des crises et j’ai donc recommencé le traitement. Aujourd’hui, j’ai une vie normale, sans restriction mais avec quelques précautions à garder en tête comme l’importance de dormir suffisamment ou la nécessité de prendre mes médicaments quotidiennement. Avant d’être indépendant, j’étais employé et je n’ai jamais dit à mon employeur que j’étais atteint d’épilepsie. Dans ma vie sociale, le plus difficile est d’expliquer la maladie, et de rassurer les gens qui m’entourent. Même si tout le monde en a entendu parler, peu de gens connaissent la maladie et les stéréotypes sont nombreux. C’est cette méconnaissance qui engendre la peur."

La journée mondiale de lutte contre l’épilepsie s’est déroulée le 11 février dernier. Pour lutter contre les représentations négatives qui entourent la maladie et leurs conséquences, la Ligue francophone belge contre l’épilepsie a choisi cette date pour lancer une campagne de sensibilisation. Différents types de support ont été créés pour l’occasion : spots radio et vidéo, affiches et brochures. Pour en savoir plus et se procurer les supports :

Ligue francophone belge contre l’épilepsie, avenue Albert 49 à 1190 Forest • 02/344.32.63 • info@ligueepilepsie.be • www.ligueepilepsie.be