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Soigner, c'est rencontrer la différence

2 min.
© A. Benoist BSIP Reporters
© A. Benoist BSIP Reporters
Catherine Daloze

Catherine Daloze

Tolérance ? Le mot a des accents de consensus. Mais, il n'est pas toujours évident à intégrer dans la pratique. Tolérer s'apparente-t-il à démissionner devant l'autre ? Cédric Juliens, professeur de philosophie, y voit davantage un appel à la créativité. Il donne un conseil aux étudiants et aux soignants de manière générale : reconnaître que la rencontre avec les patients est susceptible de les faire progresser.

Confrontations au rendez-vous

Là, la maladie est une infortune, le signe d'un désordre qui se situe bien au-delà du malade. Là, elle est une occasion de montrer sa foi, une bénédiction de Dieu. Là, trois mots veulent dire "maladie" : diseaseillnesssickness. Là, elle n'est pas nommée. Là, le soin prend la forme d'une ingestion de médicaments, d'examens médicaux à passer… le patient qui se soigne se doit d'agir. Là, ce n'est pas son rôle : lui doit se plaindre tandis que sa famille se charge de le faire soigner. Là encore, être au courant de la maladie qui vous atteint ne vous amènera qu'à mourir plus vite, etc.

Toutes ces différences, il n'est pas nécessairement utile de les connaître par le menu, indique Johanna Maccioni, psychologue et enseignante. Il est par contre essentiel de savoir que des représentations différentes existent. Et Cédric Juliens de suggérer que le soignant se mue en chercheur qui découvrirait avec chaque "patient-client", un nouveau protocole de rencontre, une collaboration particulière. Tout en notant, que la démarche n'est certainement pas évidente dans les métiers médicaux et des structures tels les hôpitaux où technique et rentabilité sont capitaux. Néanmoins, "plus on soigne l'autre, plus on essaie d'aller à sa rencontre", avance le philosophe.

Curieux et bienveillants

"On est tous l'étranger de quelqu'un d'autre. Quand vous qualifiez d'étranger un patient dans son lit, dites-vous que vous êtes étranger pour lui", résume une enseignante. "Soyez des ignorants attentifs", invite-t-elle à être. Car il s'agit pour le soignant d'avoir conscience que lui aussi est au centre de croyances. Et ajoute Johanna Maccioni d'avoir conscience de sa culture professionnelle, avec ses représentations, ses normes et ses valeurs propres. Les soignants d'un hôpital ont par exemple leurs codes vestimentaires (les blouses blanches, les autres couleurs, ceux qui n'ont pas de blouses…). Ils ont leurs manières de parler, leurs hiérarchies… Leurs métiers s'inscrivent dans une forte volonté de contrôle de l'incertitude, etc.

In fine, on perçoit que l'attention portée à la relation de soin ne manque pas de questionner profondément. Sur les pratiques mais aussi de manière plus existentielle.

Au programme des futurs soignants – et finalement de tout un chacun –, les intervenants inscrivent un mixte de "curiosité bienveillante", de recours à des interprètes, à des outils de communications et la conscience de ses limites pour aborder les négociations qui ne manqueront pas d'apparaître dans la relation de soins. Les propos de Sam Touzani, artiste invité à éclairer à sa manière la thématique, offrent une superbe conclusion : "On n'a pas à vous dire comment il faut penser, mais qu'il faut penser".