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Utiles les autotests de diagnostic ?

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Joëlle Delvaux

Joëlle Delvaux

De nos jours, tout le monde considère comme une évidence que les femmes puissent réaliser un test de grossesse en parfaite autonomie chez elles pour savoir si elles sont enceintes. Il y a plus de 40 ans pourtant, lors de l'arrivée de ce test dans les pharmacies, d'aucuns craignaient que cela crée de l'anxiété chez les femmes et dépossède les médecins de leurs compétences... 

Depuis peu, d'autres types d'autotests de diagnostic ont intégré les rayonnages des pharmacies. Certains sont destinés à fournir une première indication sur un problème de santé. D'autres sont appelés à contribuer au dépistage d'affections graves. D'autres encore sont présentés comme des outils d'évaluation et de mesure, en particulier des niveaux hormonaux.
 
Disponibles sans prescription médicale, ces tests peuvent être réalisés à domicile, au départ d’un échantillon de sang, d’urine, de sperme ou de selles. Le matériel nécessaire, à usage unique, est fourni pour le prélèvement et la réalisation. Leur coût, entièrement à charge des patients, varie entre 8 et 30 euros selon le test.
 
La mise sur le marché de nouveaux autotests, assez récente chez nous en comparaison de pays voisins comme les Pays-Bas, ne semble pas – encore ? – répondre à une réelle demande. "Mais elle n'est pas sans poser questions dans un contexte de marchandisation de la santé et dans une société de plus en plus individualiste et anxiogène, s'inquiète le Dr Thomas Orban, médecin généraliste et Président de la société scientifique de médecine générale. Quel est l’intérêt des autotests sur le plan strictement médical alors que leur fiabilité n'est pas nécessairement établie ni leur utilisation aisée ? Permettront-ils réellement d'améliorer la prise en charge des problèmes de santé des patients ?" Essayons d'y voir plus clair.
 

Prendre sa santé en main 

"Les tests d’autodiagnostic sont dis ponibles en pharmacie. Ils sont donc particulièrement accessibles. Cela pourrait inciter certaines personnes à se préoccuper de leur santé, ce qui est une bonne chose, convient le Dr Alex Peltier, Directeur du département politique de santé de la MC. Il faut considérer les autotests comme des outils pouvant aider à rapidement détecter un problème de santé chez des personnes qui, en temps normal, n’auraient sans doute pas consulté un médecin. En cas de résultat positif, ces tests d'autodiagnostic pourraient être l’élément déclencheur pour aller chez le médecin. Ils peuvent aussi permettre le dépistage précoce de certaines maladies. De ce fait, les patients peuvent démarrer un traitement plus vite, ce qui augmente les chances d'obtenir de meilleurs pronostics"
 
Encore faut-il que l'autotest soit utile. Alain Chaspierre, Vice-président de l'Association pharmaceutique belge, acquiesce : "Le rôle de conseil du pharmacien est déterminant à cet égard. Un test peut être intéressant pour certains patients et pas pour d'autres. Un test sur le cholestérol, par exemple, n'a aucune utilité pour une personne qui n'est pas à risques de maladie cardio-vasculaire. Par contre, un test d'allergies peut être opportun pour un patient dont l'oeil reste rouge malgré un traitement sous antihistaminiques. Ou un test de tétanos peut être conseillé à un monsieur qui s'est blessé dans son jardin et ne sait plus s'il est en ordre de vaccin. Quant au test d’autodépistage du virus du sida, il peut être conseillé pour détecter des infections datant de plus de trois mois. Mais il ne permet pas de rassurer par rapport à une prise de risque la veille. Le test donnerait un résultat faussement négatif".
 

Quelle plus-value ? 

Le conseil national de l'Ordre des médecins souligne le risque que le résultat d'un test isolé révèle peu d'informations, voire aucune, sur une maladie déterminée. Il peut alors provoquer plus de mal que de bien. Par exemple, rassuré par le résultat négatif d'un autotest, le patient ne consulte pas de médecin qui aurait pu pourtant diagnostiquer d'autres problèmes de santé. À l'inverse, des résultats pris individuellement, comme des taux élevés de cholestérol ou d'antigène prostatique, peuvent induire un stress alors qu'ils ne sont pas significatifs en soi. Ils doivent être interprétés par le médecin lequel prend en compte d’autres paramètres ou facteurs de risques. "D'où l'importance, en tant que patient, de choisir un médecin traitant et de lui confier la gestion de son dossier médical global, insiste le Dr Peltier. Il y consigne tout ce qui le concerne : vaccinations, dépistages, allergies, antécédents familiaux, résultats d'analyses et d'examens divers, rapports de médecins spécialistes consultés, etc".
 
"Les autotests dont le résultat doit par la suite être confirmé ou spécifié par un médecin ont en fait peu de plus-value sur le plan mé dical, estime le Dr Orban. Le médecin devra, la plupart du temps, réaliser un nouvel examen, généralement similaire"
 

Fiables et faciles ? Pas sûr !

Les tests d'autodiagnostic ne sont pas considérés comme des médicaments mais comme des dispositifs médicaux. La réglementation relative à la mise sur le marché est dès lors beaucoup moins stricte. Par ailleurs, le contrôle de qualité de tous ces tests pose question car il est peu transparent comparativement aux tests effectués en laboratoires de biologie clinique, soumis à des normes de qualité très exige antes. Il n’est en outre pas toujours évident de comprendre comment sont déterminées les valeurs permettant de qualifier un test de positif ou de négatif. Sans parler de la réalisation concrète de certains autotests qui est loin d'être simple. La mauvaise utilisation est à l'origine de nombreux faux résultats.
 

Une pratique à encadrer

Dans l'intérêt de la sécurité du patient, les autotests devraient être davantage réglementés et contrôlés. Et leur vente réservée aux pharmacies pour garantir aux patients des produits fiables et des conseils d'experts en santé, estime le Dr Peltier qui insiste sur l’importance d’un rôle neutre et encadrant du pharmacien. Même si le succès des autotests reste encore à démontrer, il faut en effet éviter que la disponibilité d’un tel arsenal ne crée un sentiment d’angoisse inutile voire renforce une tendance hypocondriaque et une auto-médication chez les patients. "Cela peut conduire à la médicalisation de plaintes parfois banales et, par conséquent, à une surconsommation, tant dans le dépistage des affections que dans leur traitement", conclut le Dr Peltier.

Du bon usage des autotests

  • De manière générale, si vous avez des plaintes ou des questions sur certaines maladies, consultez votre médecin traitant. Il verra avec vous si des examens sont nécessaires.  
  • Adressez-vous à votre pharmacien si vous souhaitez réaliser un autotest en particulier. Demandez-lui si ce test est intéressant et utile pour vous, ce qu'il vous apprendra exactement mais surtout ce qu’il ne mesure pas. 
  • Réfléchissez bien à ce que vous ferez du résultat. Mesurez bien aussi l'impact qu'il peut avoir si vous êtes seul à interpréter un diagnostic qui peut se révéler bouleversant. 
  • Si un programme organisé de dépistage existe pour l'affection que vous souhaitez détecter (par exemple le cancer colorectal), préférez-le à un autotest. Le test délivré dans le cadre du programme est gratuit, enregistré et interprété par un médecin. Vous pouvez aussi bénéficier d'un dépistage gratuit du VIH et d'un accompagnement dans des structures de dépistage et des circuits de soins. 
  • Si vous achetez un autotest, demandez au pharmacien de vous montrer comment l'utiliser et de vous guider dans l’interprétation du résultat. 
  • Lisez attentivement la notice jointe au test et respectez rigoureusement les manipulations et les étapes. Si vous avez des doutes ou des craintes, demandez à un proche de vous aider. 
  • Si le résultat du test est positif, des explorations complémentaires sont nécessaires. N'attendez pas pour aller voir un médecin. Un suivi médical est aussi conseillé si le résultat est négatif et que les symptômes et plaintes subsistent.

Focus sur quelques autotests

Le taux de cholestérol

Ce test mesure le taux global de cholestérol dans le sang. Il n'est pas significatif car la mesure est un instantané et n'opère pas de distinction entre le bon et le mauvais cholestérol. Un taux normal n'est pas une garantie que tout va bien. Pour se prononcer, le médecin doit disposer d’indications sur les proportions de bon et de mauvais cholestérol ainsi que sur les autres facteurs de risque de maladie cardiovasculaire (obésité, hypertension artérielle, tabagisme, diabète...).

La maladie coeliaque

Le test mesure les auto-anticorps spécifiques fabriqués par l'organisme en réaction au gluten. Complexe, la procédure n'est pas à la portée de tous. Un test positif implique de consulter le médecin pour confirmer le diagnostic de maladie coeliaque mais aussi pour analyser les lésions ou complications éventuelles par une biopsie. La maladie exige un régime strict sans gluten mais il ne faut pas commencer un tel régime sans que le diagnostic de la maladie ait été posé par un médecin. Si le test est négatif et que les symptômes persistent (ballonnements, inconfort digestif...), consulter un médecin.

Les infections urinaires

Le test mesure, dans les urines du matin, la présence de globules blancs, de nitrites et de protéines. Mais le résultat est douteux dès qu'un des trois facteurs d'infections n'est pas détecté. Par ailleurs, la probabilité que le test fournisse un faut négatif varie de 8 à 12% selon les facteurs. Ce test nécessite des explications précises de la part du pharmacien sur ce qu'il mesure, ce que le résultat apprend, comment effectuer le test et quand consulter un médecin.