Vie sexuelle et affective

Les pilules sous la loupe

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Joëlle Delvaux

Joëlle Delvaux

"Depuis toujours, on sait que la pilule contraceptive comporte des risques d’accidents vasculaires et cardiaques, lance d’emblée le Dr Xavier De Muylder, chef du service gynécologie, obstétrique et infertilité à la Clinique St-Jean à Bruxelles. Depuis sa découverte au milieu des années ‘50, la pilule a fortement évolué pour améliorer la tolérance, diminuer les effets secondaires comme la prise de poids, le gonflement des seins, les nausées, les céphalées et migraines... et pour réduire les risques vasculaires, cérébraux et cardiaques”.

“Les accidents vasculaires restent heureusement très rares chez les femmes en âge de procréer”, observe encore le Dr De Muylder. Ainsi, le risque de thrombose veineuse (thrombophlébite ou embolie pulmonaire) est de 0,5 à 1 cas pour 10.000 femmes non utilisatrices de la pilule. Ce risque est doublé avec les pilules de 2ème génération et multiplié par trois ou quatre avec celles de 3ème ou 4ème génération. Il reste toutefois inférieur à celui qui existe lors de la grossesse (multiplié par six, voire nettement plus encore d’après certaines données).

“Cela étant, la pilule combinée (associant œstrogène et progestatif) ayant une propension à abîmer les vaisseaux, elle est contre-indiquée aux femmes présentant des risques cardiovasculaires, enchaîne le Dr De Muylder qui cite parmi ceux-ci l’hypertension artérielle, les anomalies de la coagulation, des antécédents de phlébites, le diabète mal contrôlé... Elle est également contre-indiquée aux fumeuses de plus de 35 ans, l’association pilule combinée et tabac augmentant considérablement le risque d’accidents cardiovasculaires après cet âge”.

En présence de facteurs de risque ou d’antécédents de thrombo-embolie veineuse, on optera pour un progestatif à faibles doses par voie orale ou sous forme de stérilet lorsqu’une contraception hormonale est souhaitée.

“Quel que soit le type de pilule combinée, le danger thrombotique est maximal durant la première année d’utilisation, précise par ailleurs le Dr Isabelle Crabbé, médecin généraliste qui consulte en planning familial et en hôpital. J’insiste toujours auprès des jeunes filles pour qu’elles n’interrompent pas leur contraception car le risque redémarre à chaque fois qu'on recommence sa pilule, même si c'est la même qu'auparavant. Une fois débutée, si tout va pour le mieux, l’idéal est de poursuivre la prise de la pilule jusqu’au moment où une grossesse est souhaitée ou si l’on veut changer de moyen de contraception”, conseille-t-elle.

Le médecin, un rôle-clé

“Une discussion approfondie avec son médecin généraliste, son gynécologue ou dans un centre de planning familial est toujours nécessaire au démarrage d’une contraception, plaide de son côté le Dr François Sumkay, médecin à la direction médicale de la Mutualité chrétienne. Le médecin envisagera avec sa patiente ce qui lui convient le mieux parmi les différentes méthodes hormonales et non hormonales(1) en fonction de son âge, de sa situation, de son anamnèse, de ses antécédents personnels et familiaux, ajoute-t-il. Souvent, les jeunes filles demandent qu’on leur prescrive telle ou telle marque utilisée par leur copine ou leur sœur mais ce n’est pas pour cela qu’elle leur conviendra”, fait-il remarquer.

Il est nécessaire de faire un bilan afin de rechercher les facteurs de risque éventuels. Une évaluation régulière est également conseillée, tenant compte notamment de l’âge, des modifications du mode de vie, du désir éventuel de grossesse. “Mais si la pilule convient et qu’il n’y a pas de changement notoire, il n’y a pas de raison d’en changer”, conseille le Dr Crabbé.

Des recommandations ?

Le Centre belge d’information pharmacothérapeutique (CBIP) – qui fournit aux acteurs de santé une source neutre d'information sur les médicaments, en dehors de l'influence de l'industrie pharmaceutique(2) – est très clair: la règle générale est de prescrire la dose la plus faible d’œstrogènes qui puisse être bien tolérée tout en apportant la meilleure efficacité. Dans un article rédigé récemment, il suggère explicitement de préférer les pilules combinées contenant comme progestatif du norgestimate, de la noréthistérone ou du lévonorgestrel (les contraceptifs de 2ème génération) aux associations contenant les progestatifs présents dans les pilules de 3ème et 4ème générations, en raison de leur risque accru de thrombo-embolie veineuse et d’accident vasculaire cérébral. “Cette augmentation du risque – limitée en chiffres absolus – est connue depuis de nombreuses années. Les avantages suggérés avec ces contraceptifs sur les paramètres métaboliques ou sur la qualité de vie n’ont jamais été démontrés d’une point de vue clinique”, précise encore le CBIP.

Sur la base des données scientifiques disponibles et de celles relatives aux effets indésirables potentiels qui leur ont été notifiées(3), les experts de l’Agence fédérale des médicaments estiment, de leur côté, que les pilules de 3ème et 4ème générations ne sont pas à proscrire mais à utiliser avec précaution, sans pénaliser les patientes qui y recourent actuellement. Et elles sont nombreuses ! Environ un million de femmes prennent la pilule en Belgique. Et, plus de 75% des pilules prescrites appartiennent à la 3ème ou 4ème génération, selon les chiffres fournis par la ministre fédérale de la Santé. Le Dr De Muylder estime, pour sa part, qu’il serait dommage de priver un certain nombre de femmes de pilules récentes dont elles tirent par ailleurs des avantages.

Le débat est loin d’être clos. La conférence de consensus organisée par l’Inami en mai prochain sur la prescription des méthodes contraceptives est fort attendue. Elle devrait permettre d’y voir plus clair et de fournir aux médecins des recommandations de bonnes pratiques. Ce qui est certain, c’est que la pilule représente la méthode contraceptive la plus efficace (à plus de 99%). A condition, bien sûr, de la prendre correctement. Le rapport bénéfice/risque des pilules contraceptives reste très positif(4), quelle que soit leur composition, à condition de respecter les contre-indications et les précautions d’emploi.


D'autres moyens contraceptifs

A côté des pilules contraceptives, d’autres méthodes hormonales, aussi efficaces se sont développées : anneau vaginal, patch contraceptif, implant, stérilet hormonal, contraceptif injectable... Chaque méthode comporte ses indications et ses contre-indications, ses avantages et ses inconvénients en termes d’utilisation, d’effets secondaires, de risques, de coût financier aussi...

Il existe par ailleurs des méthodes non hormonales, mécaniques (barrières) qui empêchent la rencontre du spermatozoïde et de l’ovule : stérilet au cuivre, préservatifs masculin et féminin et spermicides sont les principales méthodes. A l’exception du stérilet au cuivre - qui peut d’ailleurs, sauf contre-indications, être prescrit aux femmes qui n’ont pas encore eu d’enfants -, ces méthodes mécaniques sont un peu moins fiables que les méthodes hormonales. Mais le préservatif est le seul moyen de contraception qui protège aussi des maladies sexuellement transmissibles.

Il existe encore des méthodes naturelles qui consistent à détecter les jours fertiles et non fertiles du cycle sur base, notamment, de l’observation de la température corporelle matinale et de la glaire cervicale. Ces méthodes comportent l’avantage de ne pas avoir d’effets indésirables liés aux hormones mais elles font partie des méthodes les moins fiables et les plus exigeantes à respecter.

Enfin, la stérilisation, méthode efficace à plus de 99 %, s’adresse aux personnes qui ne souhaitent plus avoir d’enfant. Bien que, en principe, la ligature des trompes (chez la femme) et la vasectomie (chez l’homme) puissent être réversibles, en pratique, ces méthodes peuvent être considérées comme définitives.

Pour s’y retrouver parmi les sortes de pilules

Les pilules les plus utilisées sont composées d’œstrogènes et de progestatifs: ce sont les pilules combinées qui mettent les ovaires au repos et bloquent l’ovulation. Il existe aussi des pilules progestatives (appelées aussi minipilules) qui ne contiennent pas d’œstrogènes. Elles sont recommandées aux femmes qui allaitent et à celles pour lesquelles la pilule combinée est déconseillée ou contre-indiquée. L’inconvénient majeur est que cette pilule doit être prise en continu (28 jours) et strictement à la même heure. Elle est aussi un peu moins efficace que la pilule combinée et n’apporte pas de solution aux règles irrégulières et abondantes.

Parmi les pilules combinées, les monophasiques (c’est-à-dire avec des doses en œstrogène et progestatif identiques dans chacun des 21 comprimés) sont le premier choix chez la plupart des femmes et les plus adaptées pour avoir des menstruations régulières. Dans les pilules bi- ou triphasiques, les doses d’hormones augmentent au cours de la plaquette en deux ou trois paliers. Ces pilules doivent impérativement être prises dans le bon ordre pour être efficaces.

Les pilules combinées sont classées en quatre grandes catégories, selon la nature du progestatif qu'elles contiennent :

  • Les pilules de la 1ère génération, qui contiennent des doses élevées d’œstrogènes (50 µg d’éthynilestradiol), ne sont quasiment plus prescrites car moins tolérées. La seule marque qui subsiste est Microgynon 50.
  • Les pilules de la 2ème génération, apparues dans les années 70 et 80, contiennent de faibles doses d’œstrogènes (20 ou 30 µg d’éthynilestradiol) et comme progestatif du norgestimate (Cilest), de la noréthistérone (Ovysmen, Trinovum...) ou plus souvent du lévonorgestrel (Microgynon 20 et 30, Stediril 30, Eleonor, Lowette, Nora-30, Trigynon, Trinordiol...).
  • Les pilules de la 3ème génération, mises sur le marché dans les années 90, contiennent également de faibles doses d’œstrogènes mais d’autres types de progestatifs : le gestodène (Femodene, Harmonet, Liosanne, Meliane, Gestodelle, Gestofeme...) et le désogestrel (Marvelon, Mercilon, Deso 20 et 30...). Ces pilules présentent un risque avéré de thrombose veineuse deux à trois fois plus élevé que les pilules de la 2ème génération.
  • Les pilules de la 4ème génération, apparues au début des années 2000, contiennent, outre de faibles doses d’œstrogènes, la drospirénone comme progestatif (Yasmin, Yasminelle, Yaz, Annabelle, Annaïs...). La drospirénone agit sur le rein, ce qui augmente le risque d’effets indésirables, et son action interfère avec celle de nombreux médicaments. Les pilules qui contiennent ce progestatif ont la réputation de faire perdre du poids mais c’est une illusion, comme l’explique la Revue Prescrire dans un article paru en octobre 2011. Dans une expérimentation, au bout d’un an, les femmes qui ont pris une pilule à la drospirénone ont perdu en moyenne 270 grammes de plus que les femmes qui ont pris une pilule classique. Par ailleurs, ici aussi, le risque de thrombo-embolie veineuse est deux à trois fois plus élevé que celui encouru avec les pilules de 2ème génération.

Parmi toutes les pilules combinées, celles à base d’acétate de cyprotérone (Diane, Daphné, Claudia, Elia…) occupent une place particulière car elles ne sont pas cataloguées comme contraceptifs hormonaux mais sont souvent prescrites pour de possibles effets sur l’acné en raison des propriétés anti-androgènes de ce progestatif. Cependant, l’acétate de cyprotérone augmente de façon significative le risque de phlébite et d’embolie.

Pour en savoir plus ...

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