Médicaments

Se soigner en toute confiance

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Mathieu Stassart

Mathieu Stassart

Chacun, à un moment de son existence, se trouve confronté à un traitement médical. Certains sont difficiles à suivre : longs, coûteux, complexes… La manière dont le patient se conforme aux indications de son médecin – ou d'autres prestataires de soins – et respecte les prescriptions données porte le nom d'observance thérapeutique. Selon que le traitement prescrit soit ou non correctement suivi, les scientifiques parleront de bonne ou de mauvaise observance. Quand il s'agit d'un oubli ponctuel, d'une erreur dans le dosage… la mauvaise observance est dite non-intentionnelle.

Dans d'autres cas, la mauvaise observance est dite intentionnelle. Lorsque le patient choisit de ne pas commencer un traitement ou de l'arrêter en cours de route. Parce qu'il se sent mieux, parce que des contraintes ne le permettent pas… Les raisons peuvent être nombreuses.

Les soignants le savent : l'enjeu d'une bonne observance est double. D'abord, elle participe à l'amélioration de l'efficacité du traitement. Ensuite, une meilleure prise de médicament et un meilleur suivi permettent de réduire le gaspillage et éviter des examens techniques répétitifs voire des hospitalisations. Résultat ? Une facture moins salée pour le patient et pour le budget des soins de santé.

"Le patient consulte pour un problème lié à sa santé envisagée de manière globale, à sa vie. au-delà d'une simple prescription, un dialogue est donc nécessaire."

Une définition incomplète

Pourquoi ne suit-on pas un traitement correctement ? Le docteur Patrick Trefois (1) (ASBL Question Santé) donne l'exemple des entrepreneurs. Nombre d'entre eux s'impliquent corps et âme dans la gestion de leur entreprise. Avec, pour conséquence, des journées soutenues laissant peu de place à des préoccupations de santé, spécifiquement à court terme. D'où l'importance, souligne-t-il, d'un cheminement conjoint entre le patient et son médecin pour gagner l'adhésion du premier à un traitement. Quitte à commencer en douceur et évoluer de manière progressive.

Dans le milieu médical, certains pensent d'ailleurs que le terme d'observance ne laisse entrevoir qu'une partie de la relation entre le patient et son prestataire de soin. "Le terme 'observance thérapeutique' implique une analyse du comportement du patient pour voir s'il répond bien à ce qu'on attend de lui", explique le docteur Trefois. "On le met dans une position assez passive, en occultant une série de choses importantes. Tout cela n'est pas neutre et peut induire des résistances".

Comme d'autres, il préfère employer le terme d'adhésion thérapeutique. "Le patient consulte pour un problème lié à sa santé envisagée de manière globale, à sa vie. Au-delà d'une simple prescription, un dialogue est donc nécessaire." Cette manière de voir dépasserait en quelque sorte l'opposition entre bon et mauvais patient, et reconnait le rôle actif qu'endosse celui-ci dans ses choix de santé.

Le rôle du médecin

Comment garantir une bonne adhésion thérapeutique ? Le docteur Trefois précise : "En centrant la consultation sur le dialogue, le médecin et le patient essayent de trouver la solution idéale à un moment-donné, sans jamais figer les choses et en gardant une vision à long terme. Pour autant, pas question pour le médecin d'accepter tout ce que le patient lui dit. Il accompagne sans adoucir la vérité scientifique."

Discuter pour désamorcer

La consultation médicale offre au patient un espace pour s’informer et mieux saisir ce à quoi il fait face. En effet, compréhension et adhésion vont de pair. Ensuite, il peut exprimer son ressenti face à une maladie ou un comportement à risque. C'est l'occasion de dire ses réticences, ses peurs, son inconfort vis-à-vis d'un traitement. Parfois aussi d'expliquer son trajet de vie et les incompatibilités éventuelles avec les soins proposés.

Une fois les obstacles identifiés, le médecin peut aider le patient à franchir certains d'entre eux. Prenons l'exemple des trente minutes d'exercice physique quotidien, injonction récurrente parmi les messages de santé publique.

Comment les intégrer dans le rythme de vie d'une personne annonçant d'emblée ne pas avoir le temps ? Des aménagements peuvent être proposés par le soignant : privilégier la marche à pied, emprunter les escaliers… Mieux vaut envisager les choses à deux lors de la consultation. Car, en dernière instance, le patient reste "maître" de son existence et choisira d'appliquer ou non les conseils fournis par son médecin.

Les déterminants culturels remplissent également un rôle non négligeable dans l'adhésion thérapeutique, observe Patrick Trefois : "Aux yeux de certains, le surpoids est considéré comme un gage de bonne santé. De là peut découler une incompréhension lorsque le médecin établit le lien entre l'excès de poids et l'apparition du diabète. Cela nécessite un travail de mise en commun entre le médecin et le patient, par exemple concernant les habitudes alimentaires. Si on ne sait pas comment le patient mange, ce que représentent certains aliments pour lui, un simple conseil peut poser des problèmes dans l'adhésion au traitement."

L'importance des trajets de vie

Dans le cadre des maladies chroniques, on parle bien souvent d'un traitement médicamenteux et d'un changement d'habitudes à adopter tout au long de l'existence. Avec, en ligne de mire, une amélioration de la qualité et de l'espérance de vie. Par contre, le malade en retire peu de bénéfices immédiats, voire des désavantages causés par les potentiels effets secondaires du traitement. Dès lors, l'adhésion du patient se révèle tout à fait fondamentale.

Lorsque la maladie ne représente pas de risque important à court terme, différer un traitement peut représenter une bonne option pour le patient. Cela lui permet d'identifier le moment le plus opportun pour lui, de réfléchir aux aspects pratiques… Bref, de se sentir prêt.

Une coordination entre les différents acteurs

À côté du médecin, d'autres prestataires de santé jouent un rôle important pour soutenir le traitement. C'est le cas du pharmacien, en première ligne lors de la distribution de médicament. Il reçoit les prescriptions du généraliste et des spécialistes, ce qui lui donne une vue globale sur le traitement. Il est en mesure de fournir des informations claires sur les posologies à respecter, les effets secondaires et les incompatibilités éventuelles entre plusieurs remèdes.

Un schéma de médication élaboré par le pharmacien peut aider le patient à visualiser l'ensemble des médicaments pris et en précise l'utilisation (dose, fréquence, durée). En outre, le pharmacien représente un interlocuteur aisément accessible, sans rendez-vous.

Dans une campagne récente, l'Association pharmaceutique belge (APB - fédération nationale des pharmaciens d'officine indépendants) plaidait pour le renforcement de la mission du pharmacien. Là aussi, le discours promeut un dialogue constructif avec le patient, dans le but de lui proposer des solutions adaptées. Des outils tels que le dossier pharmaceutique partagé doivent permettre au secteur d'obtenir une meilleure vue sur la situation globale du malade.

La coordination dans le trajet des soins est un objectif partagé par les acteurs de santé. La Fédération des aides et soins à domicile (FASD) plaide aussi pour une meilleure communication entre les prestataires. Notamment en partageant entre soignants le schéma de médication du malade. Qui lui garantit le meilleur suivi possible. Car, rappelons-le, faute d'un traitement adapté, la meilleure des adhésions thérapeutiques ne pourra porter ses fruits.


Ne rien oublier

Pour certains patients, comme les personnes âgées isolées, suivre un traitement médicamenteux conséquent n'a rien d'une sinécure. Prendre cinq comprimés par jour ? Difficile pour des personnes qui parfois font face à des problèmes de motricité, de désorientation voire de démence… L'infirmier en visite à domicile peut offrir une aide utile dans la préparation des soins, aidé dans cette tâche par différents outils pratiques. Une série d’outils permet au patient de mieux suivre son traitement.

Point de solution miracle, plutôt des coups de pouce utiles. On distingue notamment les piluliers manuels ou électroniques, dans lesquels on stocke la préparation médicamenteuse. Vitatel, le service de télé-assistance de la Mutualité chrétienne a également développé un pilulier intelligent. Programmable et connecté, il prévient la centrale lorsque le patient oublie de prendre son médicament. D'autres systèmes d'alerte existent, pour les plus connectés : un SMS à l'heure de la prise, voire une application dédiée.

En parler avec son médecin ou pharmacien permet d'évaluer l'outil le mieux adapté selon le cas.


Aider son médecin

SEAMPAT est un projet de continuité des traitements médicamenteux développé par l'UCL, l’UNamur et le CETIC , en partenariat notamment avec la Mutualité chrétienne, le CHU UCL Namur et le Réseau de Santé Wallon.

Objectif : améliorer la qualité des soins et la diminution des risques de mauvaise interaction entre les différents médicaments. Ses créateurs ont en effet relevé que les médecins n'ont pas toujours connaissance de l'ensemble des médicaments pris par leurs patients. Or, cela peut être une vraie source de danger pour ces derniers. Le projet SEAMPAT veut donner à chaque prestataire de soin une vue complète sur les traitements pris par ses patients.

En pratique, le patient se connecte à l’application SEAMPAT sur son ordinateur, il visualise alors la liste des informations disponibles à propos de ses traitements médicamenteux en cours et peut les valider, modifier voire compléter. Il joue un rôle actif au sein du projet. Originalité : des représentants de patients ont été impliqué au projet dès ses prémices.

Actuellement en phase de test, l'application a pour but d'être accessible à tous. Les patients "polymédiqués" et ayant affaire à plusieurs prestataires de santé constituent toutefois un groupe cible prioritaire. À l'avenir, les créateurs du projet espèrent pouvoir également y intégrer les données des pharmaciens.

Rendez-vous mi-2017 pour la fin de la première phase de test et l'évaluation des perspectives possibles.