Médicaments

Valproate et grossesse : attention danger

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L'Assemblée nationale française vient de donner son feu vert à la création d'un fonds d'indemnisation pour les victimes du valproate de sodium.<br />
© Reporters BSIP
L'Assemblée nationale française vient de donner son feu vert à la création d'un fonds d'indemnisation pour les victimes du valproate de sodium.
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Catherine Daloze

Catherine Daloze

Tout un temps, on a pensé que le placenta jouait le rôle de "barrière de protection" pour le fœtus. Mais les connaissances médicales ont conduit à abandonner cette notion et à considérer a contrario le placenta comme une "zone d'échanges" entre la mère et l'embryon. "Ceci n'a fait que renforcer l'appréhension liée aux prises médicamenteuses, demeurée très vive depuis le drame du thalidomide", expliquent des professionnels référents en matière de grossesse et de risques liés aux médicaments, aux dépendances… (1)

Le thalidomide résonne en effet dramatiquement : cette molécule est responsable d'une véritable tragédie médicale dans les années 50-60. Utilisée pour traiter les nausées matinales de certaines femmes enceintes, elle a été à l'origine de graves malformations pour de nombreux nourrissons. On connaît le thalidomide dans le grand public sous le nom funeste de Softénon®, une des marques sous laquelle la molécule a été mise sur le marché.

Aujourd'hui, un autre médicament ramène aux devants de la scène médiatique – en particulier du côté de nos voisins français – la problématique de la tératogénicité (effet potentiel de malformation fœtale). En effet, l'Assemblée nationale française vient de donner son feu vert à la création d'un fonds d'indemnisation pour les victimes du valproate de sodium.

En cause : les médicaments commercialisés, depuis les années 60, sous l'appellation Dépakine® ou Convulex® ou sous le nom du principe actif lui-même. Ces médicaments sont indiqués comme antiépileptique et comme régulateur d'humeur (dans la cadre de troubles bipolaires).

Mieux informer

Leur nocivité vis-à-vis des enfants à naître n’est pas inconnue pour les autorités sanitaires. En 2013, ils faisaient l'objet d'une "réévaluation" de l’Agence européenne des médicaments. L'Agence concluait à la nécessité de mieux informer les patientes et les professionnels de la santé des risques liés à l'utilisation du valproate pendant la grossesse.

Des études ont en effet montré que les enfants exposés in utero à cette substance courraient davantage de risques de malformations à la naissance (11%, en comparaison à 2-3% dans la population en générale), de risques de troubles du développement (30 à 40%), de risques de troubles dans le spectre autistique (environ 3 fois plus que dans la population générale) et d’autisme infantile (cinq fois plus que dans la population générale).

Sur la base des recommandations européennes, un guide destiné aux professionnels de la santé, un feuillet d'information pour la patiente et un accusé de réception ont été développé par les firmes pharmaceutiques concernées et mis à disposition par les autorités belges de santé, en 2015. Ainsi le médecin prescripteur et la patiente concernée par ce traitement sont tenus de signer un formulaire détaillant qu'ils ont bien expliqué pour l'un et compris pour l'autre les risques encourus en cas de grossesse.

Conscience des risques

Quand on sait qu'une crise d'épilepsie pendant une grossesse par exemple constitue un risque significatif de mortalité chez la mère et l'enfant, on perçoit l'aspect délicat du choix du traitement par le médecin et sa patiente. Il transparaît également en parcourant les recommandations du Comité européen pour l'évaluation des risques (2). Pas question d'utiliser le valproate "sauf si d’autres traitements se sont révélés inefficaces ou non tolérés".

En bref, si c'est la seule option. Et, en cas de traitement au valproate, les précautions sont les suivantes : utiliser une contraception efficace, instaurer une supervision par "un médecin expérimenté dans le traitement de ces affections". Et surtout, "ne pas stopper la prise du médicament sans avoir préalablement consulté leur médecin". Car, l'épilepsie tout comme les troubles bipolaires n'ont rien d'anodin. L'équilibre de la patiente est lui aussi en jeu.

En Belgique

L'Association belge des victimes du syndrome valproate (3) s'est donné pour mission – entre autres – d'"informer activement pour une meilleure prévention". Avec divers experts et associations de patients, elle participe à un groupe de travail tout récemment mis sur pied par l'Agence fédérale du médicament. Ils y examinent notamment l'opportunité d'apposer un avertissement visuel sur les boîtes de médicaments tératogènes. Affaire à suivre.