Prévention

Sous le vernis des jolis ongles…

5 min.
© Istock
© Istock
Philippe Lamotte

Philippe Lamotte

"Pour 50 euros à tout casser, vos ongles, chez nous, seront bling bling…". Deborah (prénom d'emprunt) est fière de son métier. En train d'astiquer les ongles de sa cli ente, elle commente avec réprobation la manière de faire de ses voisines confinées – comme elle – dans les minuscules commerces juxtaposés de cette galerie du centre de Bru xelles où planent d'obsédants relents de vernis.

Bienvenue dans l'un des temples de la prothèse ongulaire de la Capitale ! Les centres comme ceux-là, au cours des dix dernières années, n'ont cessé de fleurir dans les villes. Objectif : offrir tout ce que les ongles peuvent rêver d'ornements les plus divers (couleurs, longueurs, mais aussi pose de prothèse, voire véritables créations artistiques – le nail art), le plus souvent à des prix qui défient toute concurrence par rapport au travail classique des manucures.

Deborah se targue de n'avoir recours qu'à des produits sûrs et respectueux de la santé de ses client(e)s. La preuve : ils portent tous une étiquette avec leur composition. "Et, au moins, ils n'ont pas été commandés sur Internet". Difficile, pour autant, de vérifier le caractère inoffensif des produits contenus dans les dizaines de fioles et récipients divers étalés derrière la jeune femme. Sur la table où repose la main de sa cliente, visiblement ravie d'être bichonnée, ne se trouve en tout cas aucun dispositif extracteur d'air. De ceux, pourtant, que préconise en France l'ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail).

Une grève qui fait date

Rétroactes. En 2014, une poignée de manucures salariées (non-déclarées) d'un salon de beauté installé près de la gare de l'Est à Paris entre en grève. Chinoises pour la plupart, elles en ont marre de ne plus être payées. Le conflit social s'étend rapidement aux salons voisins puis, de fil en aiguille, aboutit devant les tribunaux. La France découvre les conditions de travail de ces orfèvres de l'ongle, généralement très jeunes et employées dans un statut de faux indépendant. Confinées dans des espaces très petits et exposées aux émanations de produits toxiques, elles sont souvent payées à l'acte et prennent généralement leur repas sur les lieux mêmes de leur activité.

Sollicitée par les pouvoirs publics, l'ANSES se met en charge d'objectiver les doléances des travailleuses. Elle découvre que les produits utilisés par les professionnelles de l'ongle artificiel (résines, gels, colles, vernis…) contiennent près de 700 substances chimiques, dont 60 sont considérées comme très dangereuses et/ou perturbatrices endocriniennes. Fameux souci, lorsqu'on sait que ces perturbateurs hormonaux ont des propriétés délétères qui peuvent s'exercer sur les foetus selon des processus toxicologiques insidieux, peu étudiés jusqu'il y a une dizaine d'années (1) ! Quelques noms ? Les méthacrylates, phtalates, parabènes, cétones, siloxanes, mais aussi des dérivés chlorés, benzéniques et phosphorés…. utilisés notamment dans la pose de vernis semi-permanents (VSP).

Des microparticules bien chargées

Outre les problèmes d'allergie dermatologique (notamment l'eczéma – un grand classique dans le secteur des soins esthéti ques), une difficulté supplémentaire se pose. Certains soins nécessitent le ponçage des ongles, ce qui projette dans l'air ambiant des microparticules chargées des produits chimiques utilisés. Or certains masques utilisés par ces prothésistes (lorsqu'ils sont portés !) semblent inefficaces et sont même suspectés de faire pis que mieux car ils concentreraient les substances toxiques au niveau du visage… "Si l'exposition aux produits chimiques est peu problématique pour la clientèle, elle l'est beaucoup plus pour le personnel de ces commerces, qui y est exposé plusieurs heures par jour", constate Laurent Vogel, chercheur à l'Institut syndical européen et auteur d'un large dossier sur cette problématique dans HesaMag (2). Dans la foulée, il insiste sur le fait que le Règlement européen sur les produits cosmétiques, censé limiter ce genre de risques, est centré presque exclusivement sur la protection des consommateurs. Pas celle des utilisateurs professionnels…

"Le problème de cette activité, c'est qu'elle n'est pas soumise à un accès à la profession. Toutes sortes d'abus y sont possibles", complète Dimitra Pendis, du Service études et formation de la Centrale des syndicats chrétiens (CSC). Et cela, même si des formations spécialisées sont orga nisées le plus officiellement du monde dans notre pays, notamment en cours du soir. "Souvent d'origine étrangère, le personnel de ces salons est peu au courant de ses droits, renchérit Theo De Rijck, Secrétaire régional CSC. En tant que fausses indépendantes, beaucoup de ces personnes échappent à la convention paritaire 314 (coiffure, fitness et soins de santé) qui, normalement, doit organiser leur activité. En cas de problème, très peu osent s'adresser à un syndicat".

Une vigilance nécessaire

Certes, qu'ils soient féminins ou masculins, rudimentaires ou plus huppés, tous les salons spécialisés dans la prothèse ongulaire ne flirtent pas avec cette zone grise, voire franchement opaque. Sur le plan de l'exposition aux agents toxiques, on commence, par exemple, à utiliser ici et là des produits "bios" ou présentés comme tels… Par ailleurs, la pratique consistant à coller de faux ongles avec des produits cyanoacrylates, réputés parmi les plus néfastes, serait un procédé en voie de disparition… Nos interlocuteurs syndicaux, pourtant, regrettent en choeur que les activités de ces salons en Belgique ne fassent pas l'objet du même intérêt que celui porté, en France, par les agences officielles et les pouvoirs publics. Tant sur le plan de la santé que du droit social.

En attendant une éventuelle évolution, le conseil adressé à la clientèle est unanime : ne pas chercher coûte que coûte le prix le plus bas pour ses ongles et ses prothèses, celui-ci étant souvent synonyme de conditions de travail douteuses et de produits de basse qualité. Plus l'environnement de travail des prothésistes est riche en masques, gants protecteurs (en nitrile) et autres extracteurs d'air posés tout près de la main du client, mieux c'est…


Il y a faux ongles et faux ongles…

Que ce soit par attrait esthétique ou pour essayer de perdre certaines manies (se ronger les ongles par exemple), nombreuses sont les personnes qui adoptent de faux ongles. Certaines se procurent des kits en grande surface, d’autres se rendent dans des instituts de beauté pour se les faire poser.

Il en existe plusieurs types :

  • En résine acrylique. La résine est appliquée sur l’ongle naturel et façonnée selon la longueur souhaitée. 
  • En gel. Le procédé le plus utilisé. On recouvre l’ongle d’une sorte de colle puis on y ajoute une capsule de gel, séchée ensuite sous UV. 
  • Les capsules de plastique, collées sur les ongles. On trouve ce type de faux ongles en grande surface. 

Les risques pour la santé sont de divers ordres : 

  • Les faux ongles fragilisent et abîment les ongles naturels. Amincis, ceux-ci perdent de leur solidité et deviennent cassants. En cas d’utilisation prolongée et régulière des faux ongles, le risque de décollement des ongles naturels est important. 
  • Les colles, gels et résines des faux ongles contiennent des produits chimiques agressifs qui pénètrent dans la peau à travers l’ongle. Bien souvent, avant la pose des faux ongles, l’ongle naturel est limé ce qui favorise d’autant plus la pénétration de ces substances dans la peau. 
  • L’acrylique utilisée pour les faux ongles en résine peut provoquer de l’eczéma de contact. L’allergie peut se développer sur le bout des doigts mais aussi sur d’autres parties du corps (paupières, visage, cou) qui sont en contact direct avec ce produit allergisant. 
  • Le risque de voir des mycoses se développer n’est pas à exclure. En effet, si les faux ongle sont portés trop long temps ou mal entretenus, des bulles d’air peuvent se former sous l’ongle, ce qui favorise les mycoses.

En conclusion, l’idéal est d’éviter les faux ongles. Si l'on souhaite tout de même en porter, il est préférable de les garder durant une période d'une semaine maximum. Pour les faire poser et les retirer, le mieux est de s'a dresser à un professionnel de la manucure. Et, en cas de doute sur la "santé" des ongles (aspect, couleur…), consulter un dermatologue !

// Infor santé, service de promotion de la santé