Vie sexuelle et affective

VIH : l’autotest en question

6 min.
© Istockphoto">
"Faire la démarche d’achat du test n’est pas anodin. Il y a déjà la conscience d’avoir eu, à un moment, un comportement à risque."
© Istockphoto
Estelle Toscanucci

Estelle Toscanucci

J’ai pris un risque, que faire si je souhaite faire un test ?

Différentes modalités sont envisageables, rappelle le professeur Stéphane De Wit, chef de service des maladies infectieuses au CHU Saint-Pierre à Bruxelles. Il est possible d’aller chez son médecin généraliste demander une prise de sang. Mais, pour certains patients, cela reste délicat de parler de sa vie sexuelle ou de sa toxicomanie à son médecin traitant. Celui-ci est censé être un excellent partenaire dans le dépistage, mais il y a parfois des obstacles, rationnels ou irrationnels, difficiles à franchir.

Depuis quelques années, il existe des centres de dépistage anonymes et gratuits, financés par l’Inami. Ils rencontrent un grand succès. Le souci ? Il y en a un par Région : à Anvers, à Liège et à Bruxelles. “Ces centres sont efficaces mais ils ne sont pas facilement accessibles, confirme Thierry Martin, directeur de la Plateforme prévention sida. Si vous habitez Virton, il vous faudra parcourir de nombreux kilomètres avant d’atteindre un de ces centres.

Il existe également des séances de dépistage anonymes organisées par différents organismes et associations. L’idée est d’aller vers les personnes qui pourraient être exposées à une prise de risque. Mais la loi n’autorise pas la pratique de ces dépistages en l’absence d’un médecin. “Le travail législatif avance, explique le professeur De Wit. La démédicalisation du dépistage est pour bientôt. Aller vers les groupes à risque et ne pas attendre que les groupes viennent vers les centres est une démarche importante.

"Le préservatif a du mal à s’imposer. Le VIH est banalisé, l’effet de lassitude est là et l’infection fait moins peur. Elle est plus facile à traiter et n’a plus le même impact sur l’espérance de vie."

Le dépistage tardif, ce talon d’Achille

Actuellement, on peut bien vivre et vivre longtemps en étant porteur du VIH. Notre système de santé permet de prendre en charge tous les patients dépistés. Et les progrès effectués dans la mise sous traitement et dans la faculté à rendre le virus inoffensif sont considérables. La faille, c’est le dépistage.

En Belgique, on estime que 15 % des personnes séropositives ne sont pas identifiées. Mais ce sont ces 15 % qui alimentent l’épidémie car elles peuvent transmettre le virus. Toute augmentation de l’offre de dépistage est donc bienvenue.

On sait que la prévention classique a en grande partie échoué, estime le professeur De Wit. Le préservatif a du mal à s’imposer. Le VIH est banalisé, l’effet de lassitude est là et l’infection fait moins peur. Elle est plus facile à traiter et n’a plus le même impact sur l’espérance de vie. Les éléments rationnels et irrationnels se mélangent. Et l’épidémie continue à se développer. Trois nouveaux cas par jour sont découverts. Il faut créer une nouvelle approche de prévention. Depuis quelques années, il est possible de commencer un traitement préventif dans les 48 heures après la prise de risque et de le continuer pendant un mois. C’est la prophylaxie post-exposition. On sait que c’est assez efficace. On envisage également la possibilité de proposer un traitement avant l’exposition. C’est la prophylaxie pré-exposition. Cela consiste à prendre des anti rétroviraux lors qu’on sait qu’on va avoir des relations à risque. Plusieurs études en Europe montrent une efficacité remarquable de cette prophylaxie médicamenteuse avant exposition. S’exposer à des médicaments pendant une très longue période lorsque l’on n’est pas malade peut interpeller. C’est une arme nouvelle qui fait débat et qui ne s’adresse qu’à des groupes bien déterminés. Mais face à l’échec de la prévention classique, on doit innover.

Quoi de neuf avec l’autotest ?

Les options de dépistage sont donc multiples mais leur accès reste un problème. Pourtant, avec la prévention, ces outils sont plus que jamais l’arme majeure de lutte contre l’épidémie. L’autotest arrive ainsi comme un moyen supplémentaire bien accueilli par les professionnels. Il peut répondre aux besoins d’une population qui ne se sent pas prête à aller dans un centre de dépistage et qui souhaite avoir une autonomie de gestion.

Déjà vendu en France depuis environ un an, il se présente sous la forme d’un test sanguin, facile à effectuer, et dont le résultat apparaît après quelques minutes. La notice est présentée dans les trois langues nationales. Et sur le site de la Plateforme prévention sida, on peut trouver des vidéos qui montrent très clairement comment utiliser le test.

Les freins ? Trois sont identifiables

Le coût : une trentaine d’euros, prix conseillé. “C’est vrai que ce n’est pas bon marché, confirme Thierry Martin, mais pour certaines personnes, il est plus simple de débourser cette somme que d’aller en consultation ou de se rendre dans un centre de dépistage. Avoir le choix, c’est important. On peut ainsi opter pour la formule avec laquelle on se sent le plus à l’aise.

D’aucuns pointent également le manque d’encadrement. Comment réagir lorsqu’on se retrouve seul devant un test qui indique une possible séropositivité ? Là aussi, Thierry Martin rassure : “Faire la démarche d’achat du test n’est pas anodin. Il y a déjà la conscience d’avoir eu, à un moment, un comportement à risque. Les coordonnées de la Plateforme et d’autres services de soutien sont mentionnées sur la notice. Toute personne soumise au résultat du test peut directement entrer en contact avec un professionnel."

Les pharmaciens jouent également un rôle d’accompagnement important. L’association pharmaceutique belge, côté francophone, organise un cycle de formation sur le VIH destinée aux pharmaciens. "Nous avons fait des petits tests dans les pharmacies et cela se passe généralement bien. Une explication spontanée est donnée même si elle n’est pas toujours complète. Il est vrai que, derrière un comptoir, il n’est pas aisé d’aborder des questions liées à la sexualité.

Quelle performance ?

En termes d’efficacité, la problématique est celle de la fenêtre sérologique et du délai de trois mois à respecter. C’est la période pendant laquelle on est le plus transmetteur. Le professeur De Wit le rappelle : “Lorsqu’on vient d’être contaminé, il n’y a pas encore de réponse de l’immunité, la charge virale est explosive et l’on estime aujourd’hui qu’un tiers des nouveaux cas de sida sont eux-mêmes liés à des nouveaux cas de sida. En d’autres mots, une épidémie d’infection aigue qui se transmet tout de suite à d’autres individus. Là, le test n’est pas performant.

Tout dépend donc du public visé : “Si l’on cible une population qui a une pratique à très haut risque, ce test risque de donner des fausses informations. Si, par contre, l’on s’adresse à des personnes qui ont connu à un moment limité une période à risque et qui, devant la disponibilité chez leur pharmacien, décident de faire le test, là on va récupérer une partie de l’épidémie cachée.

Et Thierry Martin d’ajouter : “Le résultat de l’autotest ne garantit aucune immunité et ne veut évidemment pas dire que l’on ne doit plus se protéger. Je conseille également d’aller confirmer le résultat du test dans un centre spécialisé.

Le préservatif : socle de la prévention

Le préservatif reste l’outil primaire de prévention. Il protège du VIH et des infections sexuellement transmissibles (IST). Continuer à promouvoir son utilisation est essentiel. La Plateforme prévention sida plaide pour sa gratuité et une plus grande accessibilité.

L’évolution des traitements

De nombreuses recherches sont actuellement en cours pour améliorer la qualité des traitements et le confort des patients. Quelques exemples.

La médication quotidienne actuelle est de moins en moins lourde. On explore aujourd’hui des schémas alternatifs : une injection ou un patch actifs pour plusieurs mois.

Vaccin : on ouvre et on ferme des portes. Des protocoles sont en cours mais rien n’émerge pour l’instant.

Le CHU Saint-Pierre travaille en ce moment sur la "charge virale indétectable". Lorsque le traitement est arrêté, le virus réapparait en quelques semaines et la charge virale redevient à nouveau identique à celle d’avant traitement. Cela s’explique par le fait qu’il y a un réservoir de virus caché dans des cellules qui sont endormies, les antiviraux utilisés n’ont pas de prises sur lui. Une des stratégies évoquées : vider ce réservoir de virus latent.

On va artificiellement activer ces cellules pour faire sortir le virus et les antiviraux peuvent ainsi agir, détaille le professeur De Wit. On espère purger ce réservoir, ce qui permettrait à un certain nombre d’individus de rentrer en rémission, c’est-à-dire de garder des quantités de virus tellement faibles que l’immunité pourrait les contrôler. Des études sont menées depuis cinq ans dans différents pays. Cinq publications scientifiques sont disponibles. Jusqu’à présent, les résultats sont faibles. Le CHU St-Pierre, avec l’aide de la Faculté des sciences de l’ULB à Gosselies, tente d’identifier une combinaison de médicaments qui pourraient faire cela. Nous allons lancer des essais.

Dans l’actu

Depuis peu, les personnes contaminées par le VIH peuvent recevoir un traitement médicamenteux directement après le diagnostic. Depuis le 1er janvier 2017, les remboursements sont indépendants du niveau d’immunité. Cette mesure va permettre de traiter toutes les personnes dépistées, ce qui les protègera des effets néfastes du virus et limitera la transmission du VIH.

Pour en savoir plus ...

www.preventionsida.org • 02/733.72. 99