Santé mentale

Alcool, tabou et dépendance

5 min.
© Serge Gurtwith
© Serge Gurtwith
Sandrine Cosentino

Sandrine Cosentino

"Un homme rentre chez lui, retire sa veste, trouve les bouteilles cachées, les vide dans l'évier et va se coucher. Le lendemain, il recommence encore et encore. C'est son quotidien. Il finit par baisser les bras…" Cette scène jouée par Didier Poiteaux a marqué Louis, 15 ans, qui vient d'assister à la représentation. "L'effet répétitif est choquant", avoue-t-il. "Force est de constater qu'avec tous les publics, en fin de représentation, quelque chose s'opère, raconte Didier Poiteaux, auteur et acteur de la pièce "Un silence ordinaire". Nous avons vécu des bords de scène d'une intensité rare. Des ados qui vivent avec des proches confrontés à l'alcoolisme arrivent à s’exprimer de manière plus ou moins ouverte. Il y a un effet déclencheur dans le fait d’entendre un adulte oser en parler."

L'acteur interprète des histoires de personnes alcoolodépendantes, mais également le ressenti de leur entourage. Après plusieurs mois de travail pour collecter des témoignages, interviewer des experts, lire des articles ou des livres, Didier Poiteaux se lance dans la création du spectacle avec le metteur en scène, Olivier Lenel. Quelques chaises plantent le décor épuré. Le jeu de l'acteur est soutenu musicalement par la bassiste Alice Vande Voorde. "Au début, je n'avais pas envie de raconter mon histoire, confie Didier Poiteaux. Il est pourtant apparu qu'il manquait un fil rouge et il est devenu indispensable que je parle aussi de moi et de ma mère. À chaque représentation, je brise ce tabou. Au début du spectacle, on tourne autour du pot, on y va par petites touches pour entrer progressivement dans l'intimité de mon vécu."

"J'ai été marqué par les différentes manières de consommer de l'alcool : le sprint, le 400 m et le marathon, commente Samuel à la sortie du spectacle. C'est raconté de manière simple et ludique." Pour expliquer la manière dont l'alcool affecte le cerveau et ce qui engendre la dépendance, l'auteur utilise l'image de courses d'intensités différentes. Les jeunes évidemment mettent les pieds dans le plat : "Est-ce mieux de faire un sprint ou un marathon ?" lance un adolescent. Le message de l'acteur n'est pas d'interdire ou de faire la morale, mais de sensibiliser à la modération. Les jeunes spectateurs sont invités à répondre par eux-mêmes à la question. Comment un marathon peut-il engendrer de la dépendance ? Comment se sent-on après l’absorption rapide de spiritueux ? "Je ne sais pas si on peut vraiment comparer, conclut Didier Poiteaux. Il est important de savoir ce qu'est l'alcool, de savoir comment il affecte notre corps. Qu'il est possible de passer du sprint au marathon quel que soit l'âge et de se demander si c'est vraiment nécessaire
d'aller jusqu'au coma lors d'une soirée."

Parler pour se libérer

Clara a apporté un témoignage poignant à Didier Poiteaux lors d'un atelier. Elle a exprimé devant toute la classe son quotidien avec son père alcoolique. "Elle m'a confié qu'après cet
atelier, elle a pu parler en famille. Son père a fait des efforts même s'il n'est pas encore abstinent." Pour s'évader, Clara lui révèle qu'elle joue de la guitare… Cet instrument est alors choisi pour accompagner le spectacle. En travaillant sur le spectacle, l'auteur a fait un bond de 40 ans en arrière : "J'ai tellement tu les choses… Je n'ai rien dit, même à des amis proches. J'ai compris avec les témoignages recueillis que de nombreuses personnes vivaient des situations similaires. J'aurais pu trouver du soutien. Quel dommage !"
Une jeune fille questionne l'acteur sur sa situation personnelle : "Avez-vous discuté du problème d'alcoolisme avec votre maman ?" La réponse est franche : "Non, ce n'était pas possible. Nous utilisions des mots codés comme 'être énervée' mais nous n'avons jamais prononcé le mot 'alcoolique'. Cela l'aurait blessée. Elle était dans le déni. Tout ce dont
nous avons discuté à propos du tabou, je l'ai vécu pendant mon adolescence et une partie de l'âge adulte. Il m'a fallu énormément de temps pour créer ce spectacle."

Se sortir de l'addiction

Quelques adresses de services ou associations qui proposent de l’aide aux personnes dépendantes ou à leur entourage, qu’il s’agisse d’alcool ou d’autres addictions.

> Aide alcool : des informations détaillées sur l'alcool, la consommation d'alcool et les problèmes liés à l'alcool. Un test de consommation d'alcool (anonyme et gratuit)
est disponible. aide-alcool.be

> Réseau alcool : passerelle entre les patients (ou proches de patients) et les professionnels de l’alcoologie. reseaualcool.be • 02/533.09.80

> Infor Drogues : propose des informations et de l’aide à toute personne confrontée aux addictions. infordrogues.be • 02/227.52.52

> Stop ou encore : permet de faire le point sur la consommation (alcool, drogues, jeux d'argent, internet...) avec un test anonyme en ligne (destiné à un public adulte). stopouencore.be

> Univers Santé : association d’éducation, de prévention et de promotion de la santé en milieu étudiant. univers-sante.be • 010/47.28.28

> Centre Alfa : service de prévention, de formation et d’accompagnement pour adultes. Également service de santé mentale spécialisé dans la prévention et le traitement de l’alcoolisme et des toxicomanies, aidant également l’entourage à faire face aux dépendances de leurs proches. centrealfa.be • 04/223.09.03

> Le Pelican : association active dans le domaine de l’aide aux consommateurs d’alcool, de drogues, de médicaments, ainsi qu’aux joueurs de jeux de hasard et d’argent ; accompagne également l'entourage. lepelican-asbl.be • 02/502.08.61 • 0471/63.78.95

> Jeunes, alcool et société : regroupe 12 associations des secteurs de l’éducation, de la santé et de la jeunesse (dont Ocarina, partenaire jeunesse de la MC) pour promouvoir des consommations responsables et moins risquées d’alcool. jeunesetalcool.be

> Prospectives Jeunesse : centre d’étude et de formation actif dans le domaine de la prévention des risques liés aux usages de drogues, dans une optique de promotion de la santé. prospective-jeunesse.be • 02/512.17.66

6e édition de Tournée minérale

Le mardi 1er février, la campagne Tournée minérale démarrera sa 6e édition, avec toujours le même concept : inviter les Belges à faire une pause dans leur consommation d’alcool pendant tout le mois de février.

C'est avant tout un défi personnel afin de s'interroger sur son rapport à l’alcool. Il ne s'agit ni de juger ni de contrôler. Mais pour motiver plus de personnes à participer, l'initiative "Challenge tes potes" est lancée cette année car relever le défi à plusieurs est plus facile et plus encourageant.

Logo Tournée minéralePour Martin de Duve, directeur d’Univers santé et alcoologue, cette édition est particulièrement importante : "Depuis sa création en 2017 par la Fondation contre le Cancer, la Tournée minérale a bien évolué. Aujourd’hui, c’est un défi très attendu par de nombreuses personnes et une manière de permettre à certains d’évaluer leur relation à l’alcool."

Les bonnes raisons de se passer d’alcool, pour un mois ou plus, ne manquent pas. Une enquête menée par l’UGent suite à la précédente édition a révélé que 9 participants sur 10 ont ressenti au moins un des effets positifs d’un mois sans alcool : retrouver plus d'énergie, bénéficier d'un meilleur sommeil, économiser de l'argent ou perdre du poids. Les résultats de
l'enquête montrent également que les participants ont continué à modérer leur consommation après la fin de l’action.

Pour participer, il est possible de s'inscrire sur le formulaire du site Internet ou de montrer que vous relevez le défi sur la page Facebook ou Instagram de Tournée minérale. Les participants seront soutenus par des infos, des encouragements, des capsules vidéo, des badges de récompense…

>> Plus d'infos : tournee-minerale.be

En quelques chiffres

● Près de 90% de la population consomme de l'alcool de manière non problématique.
● Entre 6% et 8% de la population sont considérés comme alcoolodépendants (+ de 14 verres/semaine pour les femmes et 21 pour les hommes).
● En Belgique, 82% des personnes de 15 ans et plus consomment des boissons alcoolisées.
● Chez les jeunes, la consommation hebdomadaire diminue mais les abus augmentent. Ainsi, les jeunes de 15 ans et plus sont relativement nombreux à pratiquer "l’hyperalcoolisation" (5-6 verres ou plus en une seule occasion) de manière hebdomadaire ou mensuelle, la plupart du temps dans un contexte festif et en groupe. Mais les jeunes sont rarement des consommateurs quotidiens, contrairement aux adultes.
● L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande de ne pas boire plus de 4 verres standard en une seule occasion pour une consommation ponctuelle festive à moindre risque.

Source : jeunesetalcool.be

Jeunes & alcool : le piège était presque parfait

Cette brochure de l'ASBL Question santé s’attache à faire le tour des paradoxes, des ambiguïtés et des tabous qui entourent la consommation d’alcool par les jeunes. Les professionnels de terrain, alcoologues, psychologues et acteurs de la prévention expliquent pourquoi ils ne sont pas les héros de la répression, bien au contraire. En revanche, ils décrivent des pistes de réflexion pour les parents et les jeunes. Et ils apostrophent également les politiques. Il est possible de commander la brochure gratuitement en version papier ou de la télécharger en pdf sur questionsante.org > Nos productions > Nos outils.

>> Plus d'infos : questionsante.org • 02/512.41.74 

Pour en savoir plus ...

Plusieurs dates de représentation tout public sont programmées.
• Centre culturel de Silly : le vendredi 11 février à 20h
• Centre culturel de Beauraing : le jeudi 17 février à 20h
• Théâtre universitaire de Liège : le mercredi 23 février à 19h45
• Foyer culturel de Saint-Ghislain : le samedi 26 mars à 20h
• Centre culturel d'Andenne : le vendredi 20 janvier 2023 à 20h

Les dates des représentations scolaires se trouvent sur intitheatre.be/fr/un-silence-ordinaire.

Plus d'infos et réservations directement auprès des lieux de représentation.

Le guide d'accompagnement et le dossier de diffusion du spectacle sont téléchargeables sur intitheatre.be/fr/un-silence-ordinaire.