Santé mentale

Alzheimer - Une maison ouverte

2 min.
Une maison qui s’écarte des approches médicales dominantes…<br />
© Un nouveau chapitre
Une maison qui s’écarte des approches médicales dominantes…
© Un nouveau chapitre
Joëlle Delvaux

Joëlle Delvaux

En ce vendredi d’été, ils sont huit bénéficiaires à passer du temps dans une ancienne ferme de Boignée (Sombreffe). Venus seuls ou en famille, certains ne manqueraient déjà plus ce rendez-vous hebdomadaire. C’est le cas de Jacques, 70 ans, dont le diagnostic de maladie d’Alzheimer a été posé récemment. "Ici, on a le droit d’être soi-même, de dire ce qui ne va pas. On est libre de faire ce qu’on souhaite : discuter, se promener, préparer les repas, écouter de la musique, se reposer… On a même planté des légumes", raconte-t-il.

Pendant que nous parlons, Michel revient de promenade et, d’un pas décidé, s’assoit dans le fauteuil qu’il semble avoir adopté. "Michel va souvent se balader seul. Il ne s’est jamais perdu et reste très prudent. La force de l’habitude en fait et sa capacité à apprendre de nouveaux trajets, commente Catherine Hanoteau psychologue à l’ASBL le Bien vieillir, initiatrice du projet et propriétaire de la maison. L’observation continue, la connaissance des bénéficiaires nous permettent de leur faire confiance et de leur laisser la liberté de vivre leur vie, entourés d’une équipe qui veille plutôt que surveille", ajoute-t-elle.

Dans la salle à manger, Emile s’applique à dessiner. Des trains et des éoliennes apparaissent sous le bic qu’il manipule avec précision sous l’œil interloqué de sa belle-fille. Malgré les difficultés importantes liées à ses troubles, cet ancien ingénieur a ainsi reproduit les objets qui ont marqué sa vie professionnelle.

"Cette activité qui fait sens pour lui, il n’en aura plus de souvenir dans une heure mais elle restera gravée émotionnellement", témoigne Simon, un bénévole actif dans le projet. Anne, l’épouse de Michel, abonde : "Même s’il ne peut plus l’exprimer, Emile est heureux ici. Ces journées sont un bol d’air pour moi aussi. Ce projet correspond tout à fait à l’approche que je souhaite : un environnement naturel, vivant, où les activités sont centrées sur ce que les gens aiment et veulent faire et où l’on respecte le rythme de chacun. De tels lieux manquent cruellement. J’envisage d’ouvrir aussi ma maison dans le même esprit avec des bénévoles, dès que je serai pensionnée".

"C’est l'envie de porter et diffuser un autre regard sur les personnes âgées présentant des difficultés cognitives qui nous a motivés à lancer ce projet, renchérit Catherine Hanoteau. Il ne s'agit pas d'une innovation technologique. C'est tout simplement un lieu de vie, d’envies, de libertés et de projets. Un retour à ce qui nous paraît essentiel : rendre la place qui revient à chaque personne parce qu’elle est avant tout humaine. Une maison qui s’écarte des approches médicales dominantes tout en laissant une place aux soins nécessaires, mais sans qu’ils prennent tout l'espace. Parce que recevoir un diagnostic de maladie de type Alzheimer ne signe pas l’arrêt de la vie, parce que chacun vit son vieillissement et les difficultés qui l’accompagnent à sa manière, avec ses ressources. Parce que les attentes des personnes concernées doivent être soutenues en assumant les risques inhérents à toute vie humaine".

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