Santé mentale

Folie n’est pas synonyme de violence

2 min.
@ L'autre lieu
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Joëlle Delvaux

Joëlle Delvaux

"Je ne suis pas gêné de dire que j'ai déjà été hospitalisé en psychiatrie. Mais je ne vais jamais en parler directement. Peut-être que des gens croient encore que ça s'attrape", explique Bruno. "Je suis toujours dans l’idée que je vais être agressée. Et comme je ne sais pas me défendre, ça me stresse. J’ai l’impression que les gens sentent ma fragilité et vont immanquablement me faire souffrir", confie Sarah. "Pour moi, la violence se situe clairement au niveau de ce que les patients subissent. Les malades mentaux ne sont pas plus violents en moyenne que la population générale. Mais ils sont trente fois plus souvent victimes de violences physiques, voire d'autres formes beaucoup plus subtiles de violence", assure Frédérique. "Soigner, protéger, c'est aussi créer, inventer, porter et se laisser porter, accompagner. C'est aussi accepter que la violence, la souffrance et la destruction participent de ça. Sans les laisser tout envahir", estime Mounia.

Ces quelques paroles parmi d'autres sont extraites du documentaire sonore réalisé par l'Autre "lieu", une ASBL qui s'intéresse aux liens entre santé mentale et société. "L'association des troubles mentaux à la violence est courante dans les représentations sociales", constate-t-elle. Un ensemble de discours et projets politiques tend en effet à attribuer une dangerosité aux "fous" et à imputer à un désordre mental toute violence jugée "anormale", renvoyant alors son auteur vers une prise en charge psychiatrique. Il n'y a pourtant de danger qu'en situation. "Pour éviter le déni autant que la généralisation abusive, abstenons- nous de penser en termes de 'tout ou rien', que cela porte sur les jeunes des banlieues, les étrangers ou les malades mentaux", conseille l'Autre "lieu". Elle met aussi en garde contre les réflexes sécuritaires, au nom d’une dangerosité potentielle : davantage de surveillance des patients, de chambres d’isolement, de contrôles par caméra, etc.

Il faut aussi éviter, plaide l'association, de faire de la psychiatrie une discipline uniquement prédictive, mécanique, canalisante, détournée de la souffrance humaine. Plutôt que de disserter sur le sujet, l'Autre 'lieu" a préféré tendre son micro à ceux dont la société cherche à se protéger et à protéger contre eux-mêmes, et aussi à ceux qui les soignent. Leur parole permet de nous interroger sur les ressorts culturels de la dangerosité et la façon dont la folie est accueillie au sein de la société.

Pour en savoir plus ...

Protections, documentaire sonore (49 min.) et recueil photographique réalisés par l’Autre "lieu" • 2014 • Le CD/écrin photo est disponible gratuitement • 02/230.62.60 • www.autrelieu.be