Soins de santé

Hernie discale : un mal vicieux 

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Julien Marteleur

Julien Marteleur

À 35 ans, après une partie de tennis, Adrien ressent une gêne diffuse à hauteur du coude gauche, à laquelle il ne prête pas vraiment attention. Au bout de quelques semaines, c'est son bras tout entier qui le fait souffrir. "Je ressentais des décharges électriques le long du membre et des picotements au bout des doigts, comme si ma main était endormie en permanence". Inquiet, il se rend chez son médecin qui lui conseille d'effectuer une imagerie par résonance magnétique (IRM). Le diagnostic se précise : il a une hernie discale cervicale. Pour Christian, 64 ans, c'est une lombalgie chronique qui l'a poussé à consulter, pour un même constat, cette fois-ci aux lombaires : "La douleur devenait insupportable. Impossible d'effectuer plus de 50 mètres sans avoir l'impression de me faire poignarder dans le bas du dos…"

Une histoire de disque
Le terme de hernie est employé lorsqu'un organe ou une partie d'organe "sort" de sa position ou de son axe habituel. Dans le cas d'une hernie discale, c'est une partie d'un des disques située entre deux vertèbres qui fait alors saillie. En effet, entre chacune des 24 vertèbres mobiles de la colonne vertébrale (aussi appelée "rachis") se trouve un disque intervertébral formé d'une structure fibreuse et solide qui contient un noyau gélatineux, le nucleus polposus. Ce sont ces disques qui donnent de la souplesse à la colonne et servent d’amortisseurs en cas de choc. Lorsqu'un de ces disques s’affaiblit, se fissure ou se rompt et qu’une partie du noyau gélatineux fait irruption (en général en direction du canal vertébral), la hernie discale apparaît
"La hernie discale peut toucher n’importe quelle région de la colonne vertébrale. Si elle survient dans le bas du dos, c'est-à-dire la région lombaire, la hernie peut provoquer une lombalgie, précise le Dr Ellen Jansen, cheffe de clinique adjointe au service de médecine physique et réadaptation du CHU Brugmann. Si la hernie comprime l’une des racines du nerf sciatique, elle peut s’accompagner de douleurs le long de la face postérieure de la jambe : c’est la sciatique. Mais une hernie peut aussi passer inaperçue ! Dans ce cas-là, on la qualifie d'asymptomatique. De nombreuses personnes 'souffrent' à un moment d'une hernie et ne le sauront jamais, ou pas avant de nombreuses années…" La plupart des hernies se résorberaient d'ailleurs naturellement en l'espace de quelques semaines ou quelques mois, sans qu'une intervention particulière soit nécessaire.

"La hernie discale peut affecter tout le monde, sans distinction de sexe, et ces dernières années nous avons même remarqué l’apparition de hernies discales chez des patients adolescents, précise le Dr Laura Leahu, médecin résidente en médecine physique et réadaptation au CHU Brugmann. Elle peut s'installer suite à un choc violent, à des ports répétés de charges lourdes par exemple, ou, plus insidieusement, à des micro-blessures subies par le disque au cours de la vie du patient. Avec l'âge, les disques s'assèchent et entrent en dégénérescence."
L'apparition de symptômes "classiques" survient généralement lors de la migration de la partie centrale du disque vers le canal vertébral. "Durant cette phase, qualifiée d'inflammatoire, les patients sont souvent en souffrance. Les douleurs sont omniprésentes la nuit ou même au repos, ce qui peut affecter considérablement la qualité de vie, précise le Dr Leahu. Cette phase dure de 3 à 6 semaines, le temps que l'organisme 'dépasse' la crise. On peut ensuite, chez certains patients, observer une phase 'sous-aigüe', durant laquelle les douleurs sont moins intenses. Le ou la patiente va alors progressivement retrouver ses fonctions : on marche mieux, on peut effectuer des mouvements plus amples…"

Drapeaux rouges
Pour la majorité des personnes, la malheureuse rencontre avec la hernie s'arrête là, même s’il n'est pas exclus qu'elle repointe — littéralement — le bout de son nez, parfois des années plus tard. Le repos, la prise d'anti-inflammatoires, une infiltration ou des visites répétées chez un kinésithérapeute viennent à bout des douleurs. Cependant, pour 10 % des patients symptomatiques, la situation, au lieu de s'améliorer, prend une tournure plus alarmante. "Une série de 'red flags' (drapeaux rouges en français, NDLR) nous incitent à prendre la situation d'un patient très au sérieux : les symptômes neurologiques. Chez certaines personnes, on peut assister rapidement à une aggravation du cas et voir apparaître des déficits moteurs ou sensitifs. Elles se plaignent alors de paresthésies (engourdissements), voire d'une importante faiblesse ou d'une sensation de paralysie dans les membres supérieurs — dans le cas d'une hernie discale cervicale — ou inférieurs, si la hernie se situe au niveau lombaire", note le Dr Leahu. "Dans de très rares cas de hernie lombaire, les racines nerveuses sont à ce point comprimées que le patient devient incontinent ou souffre au contraire d'une rétention urinaire, voire d'une paralysie subite des jambes, ajoute le Dr Jansen. À ce moment-là, la personne doit être prise en charge de toute urgence en moins de 24 heures, car les séquelles peuvent être irréversibles."
Les hernies discales, dans leur immense majorité, se détectent suite à un IRM classique. Mais, lorsque des neuropathies telles que décrites plus haut sont suspectées, le passage chez un neurologue est obligatoire, et des tests complémentaires pourront être effectués sur le ou la patiente. C'est notamment le cas de l'électroneuromyogramme (ENMG). Cette technique médicale permet, par l'insertion d'aiguilles dans un membre combinée à la pose d'électrodes, d'évaluer la sévérité d'une atteinte nerveuse et de la localiser le plus précisément possible. Dans certains cas, un autre examen, l'enregistrement des potentiels évoqués moteurs (PEM) ou sensitifs (PES), pourra s'imposer. Basés sur un fonctionnement similaire à l'électroneuromyogramme, les potentiels évoqués vont évaluer la vitesse de réaction des voies motrices et sensitives de la moelle au cerveau.

Bouger, même après l'opération
Il y a encore une trentaine d'années, on conseillait aux patients opérés d'une hernie (cervicale ou lombaire) de rester alités durant plusieurs semaines. Aujourd'hui, les progrès dans le domaine font qu'on peut mobiliser le patient plus vite. L'acte chirurgical, qui consiste à libérer la racine nerveuse comprimée par ablation partielle ou totale du fragment hernié du disque, dure en moyenne de 30 à 45 minutes dans le cadre d'une hernie lombaire, une heure de plus dans le cas d'une hernie cervicale (ou la pose d'une prothèse discale ou une stabilisation avec matériel est parfois un choix thérapeutique )
"Les techniques actuelles de chirurgie du rachis peuvent être minimalement invasives, rassure le Dr Leahu. On assiste désormais à une mobilisation plus précoce du patient opéré." Il faut attendre quelques semaines à trois mois avant de complètement récupérer. La première semaine, il faut observer un repos relatif et éviter les stations debout et assise prolongées ainsi que les trajets en voiture. Mais le mouvement — mesuré — reste bénéfique à la récupération, qu'il soit effectué à l'aide ou non d'un thérapeute.
D'ailleurs, les médecins encouragent souvent les patients atteints de hernie discale sans gravité de continuer à bouger et de vaquer à leurs activités habituelles autant que possible. En effet, la marche, activité physique douce, évite un blocage du corps, et notamment du dos. Il est en tout cas déconseillé à trop rester en position assise ou allongée. Une fois la phase aigüe dépassée, les médecins conseillent généralement à leurs patients de reprendre le sport ou une activité physique régulière. Les muscles du dos doivent être entretenus, afin d'éviter qu'une nouvelle hernie discale ne prenne racine.

Limiter les risques de hernie

Il n’est pas toujours possible de prévenir une hernie discale, mais il existe des moyens de réduire le risque d’en développer une :

  • Faire de l’exercice physique.
  • Renforcer sa musculature et s'étirer.
  • Maintenir un poids santé ainsi qu'une bonne posture.
  • Utiliser de techniques d’épargne vertébrale, par exemple de levage approprié lorsqu'on jardine ou lors de certains travaux "lourds" à la maison.

L’activité physique régulière est LA méthode efficace pour réduire le risque d’hernie discale. Les activités pratiquées en aérobie (peu intense, sans être essoufflé), telles que la nage ou la marche, améliorent le bien-être général et renforcent la tonicité musculaire.
Certains exercices de renforcement et d’étirement des muscles de l’abdomen, des fesses et du dos (muscles centraux) peuvent contribuer à stabiliser le rachis et réduire les tensions sur les disques qui protègent la colonne, ainsi que sur les ligaments qui la maintiennent en place, comme les flexions abdominales ou les étirements consistant à ramener, en position couchée, les genoux sur la poitrine. Attention : ces mouvements peuvent augmenter les douleurs vertébrales chez certaines personnes et  doivent donc être pratiqués avec précaution. D’une manière générale, tout exercice peut être répété jusqu’à la perception d’une fatigue musculaire légère, mais pas au-delà. Il est important de bien respirer pendant toute la durée de l’exercice. Les personnes qui souffrent de douleurs vertébrales peuvent toujours demander conseil à un médecin avant de débuter une activité physique.

Pensez-y également !

  • Privilégiez les sacs à dos aux sacs à main, et utilisez les deux épaules pour porter le sac à dos.
  • Poussez les objets lourds plutôt que de les tirer.

Portez plutôt des chaussures bien ajustées, qui offrent un bon soutien.