Soins de santé

Les dentistes se remettent en selle                

4 min.
(c)Abacapress
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Julien Marteleur

Julien Marteleur

Avec l'assouplissement des mesures, les dentistes se sont remis début mai à pratiquer des soins dits "nécessaires" (1). Il était temps : beaucoup de Belges, depuis le début du confinement, ont dû – littéralement - prendre leur "petits" maux de dents en patience, malgré la réaction rapide des dentistes qui sont restés disponibles pour le triage et pour conseiller au mieux le patient via téléconsultation. Dès la mi-mars, pour ne pas surcharger les hôpitaux, les associations professionnelles, sans aucune aide financière de la part des autorités, avaient d'ailleurs mis sur pied un réseau de cabinets de référence pour soigner les patients souffrant d'urgences extrêmes. Pour le reste, il fallait "mordre sur sa chique", une carie non douloureuse, un rescellement de couronne ou une gingivite n'étant pas considérée a priori comme une urgence dentaire…

Pas une sinécure
S’il n’y a aujourd'hui plus de distinction entre les soins, il reste des préoccupations, comme le triage ou la caractérisation du patient. Par exemple, si faire un détartrage préventif (source importante de projection d'aérosols et de micro-gouttelettes potentiellement porteuses du virus) peut être à l’ordre du jour pour un trentenaire qui ne peut plus attendre, il en va tout autrement chez un patient de 70 ans ou chez une personne immunodéprimée. Sans compter les mesures draconiennes qui doivent être prises pour assurer la sécurité des soins, la distanciation sociale étant impossible à respecter entre un dentiste et un patient, de par la nature même du soin buccal. "Aujourd'hui, quand un patient arrive, il doit impérativement être seul (sauf pour un enfant qui peut être accompagné par un adulte) et porter un masque. Il est impératif qu'il respecte l'heure de rendez-vous pour que je l'accueille à l'entrée du cabinet sans qu'il touche à la sonnette. Ensuite, je prends sa température avec un thermomètre infrarouge avant de le laisser rentrer. La salle d'attente est interdite d'accès. Le patient doit aussi désinfecter ses chaussures avec un linge désinfectant, retirer son manteau, son masque, se laver les mains et après, il peut s’installer dans le fauteuil, recouvert par un tissu de protection", raconte une dentiste namuroise. Ensuite, le patient doit encore faire un bain de bouche à l’iso-Betadine buccale pendant au moins une minute. Et c’est seulement à ce moment qu’on peut commencer les soins."

Le revers de la médaille
Le soin, quel que soit sa nature, ne diffère aujourd'hui pas de celui administré "pré-Covid". Seulement, il s'agit de respecter scrupuleusement le protocole de sécurité en vigueur, tant pour le patient que pour le dentiste : entre chaque consultation, tout l'équipement de protection du praticien (masques, visières, gants, filtres bactériologiques) doit être changé. "Cela me prend 20 minutes, le temps de tout nettoyer, d’aérer la pièce et de m’équiper à nouveau", déplore la dentiste namuroise.
Pour pratiquer en toute sécurité, les dentistes se voient donc contraints de réduire le flux de leur patientèle, faute de temps à lui consacrer. Or, "déjà avant la crise, la profession travaillait à flux tendu. Avec le retard qui s'accumule dans les agendas à cause de la lenteur des visites, la situation va vite devenir intenable pour tout le monde", réagit Denis Delvenne, dentiste-conseil à la MC et lui-même praticien. Cette situation vient aggraver un pronostic financier déjà engagé chez de nombreux dentistes. Selon un sondage de l'Union des professions libérales (UNPLIB) et du Syndicat neutre pour indépendants (SNI), entre le 14 mars et le 3 avril, 68% des dentistes francophones avaient mis leur activité totalement à l'arrêt et 31% ne traitaient que les urgences. Près de sept dentistes interrogés sur dix (67%) disaient avoir perdu la totalité de leur chiffre d'affaires. Ce qui a poussé certains praticiens, à l'heure de la reprise, à facturer à leurs patients un "supplément Covid" (voir l'encadré "Un supplément Covid sur la facture ?"). Pour Denis Delvenne, la situation est critique et un accord, indispensable : " On ne sait pas durant combien de temps ces mesures devront être encore appliquées. Il faut trouver une solution car le risque, à terme, c'est de connaître une vague de déconventionnement massif du secteur pour tenter de compenser ses pertes. Et c'est le patient qui, en définitive, va en faire les frais."


Un "supplément Covid" sur la facture ?

L’augmentation des coûts liés à la désinfection du matériel utilisé ou à l’accueil limité des clients a mené certains dentistes à intégrer un "supplément Covid" dans la facture adressée à leurs patients. Une situation notamment dénoncée par Test-Achats, l'association de protection des consommateurs.
Pour Maggie De Block, ministre fédérale de la Santé, pas question de répercuter ces coûts sur les patients. Elle l’assurait mi-mai : les prestataires de soins recevront une intervention financière pour les aider à couvrir leurs dépenses exceptionnelles. Aucun professionnel de la santé, qu'il soit ou non conventionné, ne peut donc facturer à son patient un "supplément corona". Cette interdiction est entrée en vigueur le 15 mai avec effet rétroactif à partir du 4 mai, date à laquelle les soins non essentiels ont pu reprendre. Si un "supplément corona" a été facturé, les patients sont invités à s’adresser directement à leur prestataire de soins ou avec l’appui de leur mutualité.
De leur côté, les cinq associations professionnelles dentaires reconnues par l’Inami se défendent d'avoir répondu à un quelconque "appât du gain". "Afin de ne pas surcharger les hôpitaux, les associations professionnelles ont, d’initiative et sans aucune aide financière de la part des autorités, mis sur pied un réseau de cabinets de référence pour soigner les patients souffrants d'urgences extrêmes. L’autorité fédérale a distribué des masques FFP2 à destination exclusive de ces cabinets d’urgence. Les praticiens ont dû se débrouiller eux-mêmes pour trouver le reste de l’équipement de protection individuelle", argumentent-elles dans un courrier adressé à la ministre De Block le 20 mai dernier. Les associations professionnelles dentaires persistent et demandent l’introduction du remboursement d’honoraires supplémentaires facultatifs de 20 euros par séance, totalement remboursés au patient, stipulant que s'il s'agit d'un impact financier important, la proposition est tout à fait réalisable, au vu de la baisse importante des dépenses dans le secteur des soins dentaires ces derniers mois.


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Retrouvez ici tous les conseils nécessaires aux visites chez le dentiste en période Covid ou consultez directement votre dentiste qui répondra à vos questions.