Droits sociaux

BIM : plus jeunes et plus nombreux                                       

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Julien Marteleur

Julien Marteleur

2.137.000 : c'est, en 2021, le nombre de bénéficiaires de l'intervention majorée (Source : Agence intermutualiste). Un chiffre qui a plus que doublé depuis 2002.  Ce statut, accordé par les mutualités, permet d’être mieux remboursé par l’assurance soins de santé obligatoire (sécurité sociale). Mais le statut BIM donne également à ses bénéficiaires la possibilité d'obtenir un tarif préférentiel pour le téléphone, les transports publics, l'énergie … "Le statut BIM est un important indicateur de pauvreté, souligne Hervé Avalosse et Gauthier Vandeleene, chercheurs au service d'études de la MC et auteurs d'une récente étude sur le sujet.  Il est alarmant de constater que le nombre de personnes BIM ne cesse de croître, encore plus de voir qu'un nombre croissant de jeunes viennent gonfler ce chiffre."

Un peu d'histoire
Le statut BIM existe depuis 1963, date de la création de l'assurance obligatoire (AO). Au départ, le statut était réservé à certaines catégories sociales précises : les veufs, les invalides, les pensionnés et les orphelins. Ils étaient identifiés sous l'acronyme "Vipo". Par la suite, deux autres catégories se sont ajoutées : les chômeurs de longue durée et les familles monoparentales. En 2007, le statut BIM a été étendu aux personnes ne faisant pas partie de ces catégories sociales, mais n'ayant à leur disposition que de faibles revenus, sous l'appellation de statut Omnio. Une appellation désormais obsolète.
"Globalement, on est donc passés d'un cas de figure où seuls les veufs, orphelins, pensionnés, etc. pouvaient prétendre au statut BIM, à une situation où toute personne justifiant d'un revenu en-dessous d'un certain plafond peut en bénéficier, résument les chercheurs de la MC. Pas étonnant, donc, que nous ayons connu une croissance du nombre de bénéficiaires après 2007. Mais sur 15 ans, on parle d'une augmentation de 50 % ou presque !"
Si les plus âgés (+ 76 ans) représentent la proportion de BIM la plus élevée, la tendance est en nette baisse (de 46,2 % des BIM en 2008 à 33,3 % en 2022). Les raisons sont plurielles. "Avec l'augmentation de l'espérance de vie, un nombre plus important de ménages bénéficie de deux pensions, de sorte que le plafond de revenus pour obtenir le statut BIM est plus souvent dépassé. Et puis, diverses mesures de revalorisation des pensions ont été mises en place ces dernières années." Mais Gauthier Vandeleene et Hervé Avalosse avancent un autre facteur, plus alarmant : la population des BIM rajeunit de plus en plus. À Bruxelles et Anvers respectivement, 37 % et 40 % des moins de 18 ans sont BIM. Ces enfants héritent, par concomitance, de la situation de précarité vécue par leurs parents. "Chez les plus jeunes, cette précarité pourra se signaler durablement par des difficultés socio-économiques, scolaires, professionnelles ou de santé. Et le fait que l'on compte de plus en plus de familles monoparentales, plus enclines à se retrouver 'sur le fil', n'arrange rien", déplore Henk Van Hootegem, coordinateur du Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale.

Dans la tranche des 18-24 ans, c'est le taux de chômage important (2,9 plus élevé que celui de l'ensemble de la population active) qui pousse de plus en plus de jeunes vers le statut BIM. Le nombre de jeunes bénéficiaires du revenu d'intégration sociale (RIS), accordé sous certaines conditions par le CPAS, est également en constante augmentation : pour les 18-24 ans, il est passé de 24.000 en 2008 à… 52.000 en 2021. 

Droits et conditions
Pour ces millions de jeunes (et moins jeunes), que permet l'obtention du statut BIM ? Il garantit principalement l'accessibilité financière aux soins de santé. Les interventions de l'AO sont en effet plus élevées, de sorte que les montants à leur charge sont réduits. Cela vaut autant pour les prestations médicales et paramédicales, que les médicaments, ou encore les frais de séjour à l'hôpital. Aujourd'hui pour le patient BIM, une consultation chez le médecin généraliste ne coûte qu’entre 1 et 1,5 euro, selon qu'il dispose ou non d'un dossier médical global (DMG). Le statut BIM permet également d'obtenir d'autres interventions :

- le tarif social énergie (électricité et gaz) a été étendu aux BIM jusqu'en juillet de cette année, qui peuvent également bénéficier d'une allocation de chauffage du Fonds social mazout ;

- le tarif téléphonique social, sous certaines conditions (65+, situation de handicap, bénéficiaire du RIS) ;

- des réductions pour l'utilisation des transports publics ou sur certaines taxes communales, en fonction de la commune de résidence ;

- des interventions spécifiques dans le cadre des services et avantages complémentaires organisés par les mutualités. À la MC, des réductions pour être obtenues pour les séjours organisés par les mouvements (Ocarina, Altéo, Énéo) ou les séjours en centre convalescence.

Il y a deux façons d'obtenir le statut BIM : sur base d'un droit social ou bien après enquête sur les revenus. "Si une personne bénéficie d'un certain droit social, comme le revenu d'intégration sociale durant trois mois complets et ininterrompus, la garantie de revenus aux personnes âgées (Grapa), ou encore des allocations pour personnes handicapées, la mutualité peut octroyer automatiquement le statut sans faire d'enquête supplémentaires sur les revenus”, précisent les chercheurs de la MC Hervé Avalosse et Gauthier Vandeleene. Les enfants bénéficiant d'allocations familiales majorées en raison d'un handicap, les mineurs non accompagnés (Mena) et les orphelins ont également un droit automatique au statut BIM.
Si une personne ne bénéficie pas de ces droits sociaux mais qu'elle estime avoir droit au statut BIM, elle peut en faire la demande auprès de sa mutualité qui procèdera alors à une enquête sur les revenus de la personne, du conjoint et de la ou des personnes à charge. Si les revenus sont inférieurs à un certain plafond dans une période de référence déterminée (voir encadré), le statut BIM est alors accordé à l'ensemble du ménage. Dans 55 % des situations rencontrées chez les membres de la MC, montre l’études, l’accès au statut n’est pas automatique.

Quel plafond pour obtenir le statut BIM ?
Généralement, la période de référence pour les revenus est d'une année civile (celle précédant la demande). En 2023, le statut BIM est octroyé si le revenu brut imposable de 2022 est inférieur à 23.304 euros, augmenté de 4.315 euros par personne supplémentaire du ménage, et ce pour autant que les revenus n'aient pas augmenté sensiblement entretemps.
Tous les revenus sont pris en compte : revenus professionnels, allocations de chômage, indemnités d'incapacité de travail, pensions, revenus mobiliers et immobiliers, etc., à l'exception des allocations familiales, des allocations pour personnes handicapées ou de revenu des enfants, pour autant qu'ils bénéficient encore d'allocations familiales.
Pour certaines catégories sociales dont les revenus sont stables, la période de référence peut être ramenée à un mois (celui précédant la demande ou au cours duquel la demande a été faite). C'est notamment le cas des pensionnés, des personnes handicapées, ou encore des indépendants bénéficiant du droit passerelle depuis au moins 3 mois.
>> Pour en savoir plus sur les conditions d'obtention du statut BIM et des avantages qui lui sont liés, rendez-vous ici ou adressez-vous à votre conseiller mutualiste.

L'épineux problème du non recours
Pourtant, certaines personnes ne demandent pas le statut BIM alors qu'elles y ont droit. On parle alors de non recours au droit. Selon le Centre fédéral d'expertise des soins de santé (KCE), en 2016, un tiers des personnes entrant dans les conditions d'obtention ne profitaient pas de cet avantage. En 2019, les chercheurs de l'Université d'Anvers ont estimé, après étude sur un panel de 4.600 personnes à bas revenus, que 45 % des 18-64 ans se trouvaient dans la même situation. "C'est un vrai problème, quand on sait que ne pas bénéficier du statut BIM alors qu'on y a droit accroît le report de soins", s'inquiète Henk Van Hootegem du Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale. Les raisons de ce non recours sont multiples : difficultés administratives, barrière linguistique, fracture numérique, ou tout simplement mésinformation. "Certaines personnes ne savent même pas que le statut BIM existe ! Ou alors, elles pensent qu'elles n'entrent pas dans une catégorie pouvant prétendre à en bénéficier… Et puis, le chemin administratif pour créer un dossier solide peut être long quand on peine à joindre les deux bouts et qu'on multiplie les petits boulots, avec de multiples fiches de paie…", se désolent de leur côté les chercheurs de la MC.
Le droit automatique au statut BIM a résolu le problème du non recours pour une partie de la population. Un autre outil, le "flux proactif", permet de procéder à une détection automatique des bénéficiaires potentiels (familles monoparentales, personnes isolées, etc.) et de les contacter afin qu'elles introduisent une demande. Mis en place pour la première fois en 2015, ce processus est mené par l'ensemble des mutualités du pays. Une liste est échangée, au départ des mutualités, entre l'Inami et le SPF Finances, qui ajoute les données de revenus pour chaque personne de la liste. Ainsi enrichie, celle-ci retourne aux mutualités, qui prennent contact avec les personnes éligibles. Sur les 833.000 personnes contactées en 2015, 133.000 sont devenues par la suite bénéficiaires de l'intervention majorée. Devant ce "succès", il a été décidé, en 2020, d'organiser chaque année ce flux proactif.