Incapacité

Trajet retour au travail : la Vivaldi veut sortir le bâton               

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Julien Marteleur

Julien Marteleur

Depuis janvier dernier, un trajet retour au travail a été mis sur pied pour accompagner les malades de longue durée dont l’état de santé permet de reprendre une activité ou un travail - même partiellement – suivant des formules adaptées. Ce trajet débute soit par un questionnaire envoyé à l'initiative du médecin-conseil 10 semaines après le début de l'incapacité de travail, soit à la demande de la personne elle-même. Le questionnaire est destiné à évaluer comment se sent la personne et si elle est prête à reprendre le travail. Lorsque le médecin-conseil estime que l’état de santé est compatible avec la reprise d’une activité ou d’un travail partiel ou adapté, il dirige la personne vers le coordinateur "Retour au travail" (présent au sein des mutualités) afin que celle-ci soit invitée à un entretien pour aborder sa situation et évaluer l'aide dont elle aurait besoin pour cette reprise.
À partir du 1erjanvier 2023, en cas de refus répétés et non justifiés (dans les deux semaines) de remplir le questionnaire ou de rencontrer le coordinateur "Retour au travail", le gouvernement a décidé de sévir : le travailleur risque alors de perdre un pourcentage de son indemnité mensuelle d'incapacité de travail. Un taux de 2,5% a été initialement évoqué, mais le montant exact et la procédure d'application de cette sanction doivent encore être définis. Aussi, les entreprises qui compteraient un nombre trop important de malades de longue durée encourent également une sanction, en l'occurrence  - et au conditionnel - une cotisation patronale spécifique de 2,5% sur base annuelle.

Responsabiliser, pas sanctionner
Dans un récent avis, le Conseil national du travail avait mis en garde le gouvernement contre les dérives d'un tel mécanisme de sanctions. Pour la CSC, "brandir la menace d'une perte de revenu n'est pas une solution adéquate ; elle mine la nécessaire confiance à l'égard du processus d'accompagnement et rejette encore davantage dans la misère des personnes qui se trouvent déjà dans une situation très précaire. La moitié des ménages dont un membre est malade de longue durée éprouve déjà des difficultés à nouer les deux bouts et 40% d'entre eux doivent reporter des soins médicaux", dénonce le syndicat dans un communiqué.

À la MC, on plaide pour une responsabilisation de toutes les parties impliquées dans le processus : "En tant qu'organismes assureurs, nous avons bien sûr une responsabilité. Mais nous souhaitons que nos membres en incapacité de travail comprennent qu'il est dans leur intérêt de répondre aux invitations et de fournir les informations demandées, souligne Christophe De Backer, directeur du département Incapacité de travail de la MC. Les questionnaires servent à récolter les informations permettant d’appréhender au mieux la situation de la personne. Plus l'incapacité dure, moins les chances de reprise sont grandes, plus se creuse le fossé entre la vie active et la vie quotidienne, et ce avec toute une série de répercussions en cascade : risque accru de précarité financière, isolement… ". Toutefois, "si la personne ne souhaite pas intégrer un trajet de retour au travail, il est inutile de l'y contraindre. Forcer la reprise du travail, c'est un échec assuré. Ce trajet de retour au travail doit impérativement s'engager de manière volontaire, il ne s'agit pas de faire travailler les gens à tout prix, ni sans respecter la compatibilité de leur état de santé avec cette reprise."

Pour la MC, tout comme pour les syndicats, il est essentiel de faire jouer tous les leviers de la prévention.

La responsabilité de l'employeur ne doit par ailleurs pas être minimisée : "Trouver du sens à son travail, c'est extrêmement important. Se sentir écouté, soutenu par son employeur ou ses collègues l'est tout autant. C'est à l'employeur d'offrir les conditions nécessaires au développement d'un milieu professionnel harmonieux, qui va limiter l'apparition de certaines pathologies, d'absences répétées, ou la survenance d’une rechute en incapacité de travail."
"Enfin, une forme de 'sanction' existe déjà dans le cadre de l'incapacité de travail, rappelle Christophe De Backer. Par exemple, si le malade de longue durée ne se présente pas à une consultation par le médecin-conseil dans le cadre de l’évaluation médicale du degré d’incapacité de travail requis pour bénéficier des indemnités. Dans ce cas de figure, c'est l'intégralité de l'indemnité d'incapacité qui est suspendue jusqu’au moment où une justification pertinente de l’absence à cette consultation est fournie.

La prévention, essentielle
Pour la MC, tout comme pour les syndicats, il est essentiel de faire jouer tous les leviers de la prévention. "Il faut mettre en œuvre davantage de moyens pour éviter en amont les incapacités de travail et, en aval, prévenir les rechutes de maladies dans le cadre professionnel, insiste Christophe De Backer. "Les sanctions annoncées […] sont très efficaces pour détourner le débat des causes réelles de l’augmentation du nombre de malades de longue durée, explique-t-on à la CSC. En premier lieu, la forte proportion d’emplois qui rendent malade, ainsi que le vieillissement de la population."                                                     
"Le travail peut nuire à la santé, mais il peut aussi contribuer au bien-être quand il est effectué dans de bonnes conditions, enchérit Christophe De Backer. L'objectif de ce nouveau trajet de retour au travail, c'est de permettre aux personnes reconnues en incapacité de travail en capacité de le faire de retourner au travail  dans un environnement professionnel éventuellement adapté  et dans les meilleures conditions. Il faut sortir de cette approche binaire 'malade/non malade'. L’enjeu est d’identifier les capacités de la personne malade, ses motivations, d’envisager avec elle toutes les opportunités de reprise d’activités ou de travail. Nos médecins-conseils et coordinateurs retour au travail apporteront leur soutien et expertise nécessaires afin d’accompagner une reprise d’activité. C'est cette vision positive et globale que la MC soutient et veut accompagner."